mardi 25 septembre 2007

Marché aux puces de l'enfer

Un soir, j'ai écouté des morceaux d'Iron Maiden pendant quarante minutes, sur deezer.com. Quand j'étais adolescent, je suis venu un jour au collège avec un badge d'Iron Maiden sur mon manteau. Je me suis fait convoquer dans un bureau, et on m'a fait les gros yeux. J'ai dit : mais c'est juste badge avec des têtes de monstres dessus ! Je n'arrivais pas à y croire, mais j'étais un vrai rebelle sataniste, avec ma tête d'empoté.

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Ce matin, j'ai surnommé intérieurement un collègue de travail "Canal +" : lorsqu'il parle, on a droit à au moins six rediffusions, et c'est souvent crypté.

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A consigner ici : E. me signale un article de journal qui rappelle qu'à Liverpool, deux enfants de dix ans ont battu à mort un bébé de 2 ans, en 1993, comme ça pour voir. On l'a retrouvé coupé en deux par un train, là où il avait été abandonné. Kéké a bientôt deux ans, je vois son petit corps tout rose, tout potelé. C'est quoi, au juste, le problème avec les gens ? Comment fait-on pour débrancher la prise électrique du monde ?

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E. adore me plomber le petit déjeuner avec ses histoires à mourir de tristesse sur place. Demain, c'est conférence sur le cancer ? Colloque sur les chiens mangeurs de nourrissons ?

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Parfois, je pense sérieusement que le monde devrait disparaître, après tout, c'est arrivé aux dinosaures. Il devait bien y avoir quelques Picasso, parmi eux, quelques Rimbaud ; mais après tout ce temps, ça n'a plus d'importance, et tout le monde s'en moque.

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Dimanche matin, piscine de Saint-Ouen : cet endroit est fabuleux. Le monde entier devrait être comme cet endroit : il se divise en deux, à l'entrée. A gauche, bassin olympique, à droite, bassin de loisirs. Le matin, j'aimerais ne pas toujours aller dans le bassin olympique de l'existence.

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Quand j'étais adolescent, les cours de sport nous conduisaient parfois à la piscine, un endroit énorme, glacial, profond, effrayant. Au premier cours de natation, en primaire, je me suis trompé, j'étais perdu : je suis allé dans le groupe des nageurs alors que je ne savais pas nager. J'étais comme une grande boite de conserve sur le tapis roulant automatique de la vie ; orienté au mauvais endroit. L'animateur, un instructeur de Full Metal Jacket, a dit : "tout le monde à l'eau !", et comme j'hésitais, il m'a balancé à dans le grand bassin.

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Plus tard, en cours de natation - j'avais quinze ans - le professeur a fait sortir tous les élèves, sauf moi, pour dire : "Regardez, c'est exactement ce qui ne faut pas faire". J'étais seul, dans le grand bassin, à nager pour l'exemple, comme un défaut de fabrication. Je regardais l'étendue chlorée et vide, et pensait calmement : "ça ne va pas tout le temps être du velours, à ce que je vois". C'est vraiment une chance que je ne sois pas devenu dictateur fasciste, avec ça, plus tard.

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E. a dû me menacer avec une mitraillette pour me faire retourner dans un similaire entrepôt de refroidissement aquatique, peuplés de barbares aux gros yeux globuleux en plastiques, coiffés d'un calot blanc, tout un peuple de Laure Manaudou avec les bras proéminents. Heureusement, on a pu choisir à l'entrée, le bassin des loisirs. Finalement, on s'est bien amusé. Petites pataugoires d'eau bien chaudes, kéké qui exulte avec des brassards autour des bras.

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Passé devant les puces de Saint-Ouen, en bus. Des magasins avec des miroirs aux cadres anciens et tarabiscotés. Dans d'autres boutiques, on voyait une foule de vieux chérubins dorés, comme dans un cimetière en bois. Les outils fossiles de l'existence.

Peu après notre arrivée à Paris, nous étions allés dans un gros restaurant au coeur du marché aux puces. Quatre ou cinq chanteurs se sont succédés sur une toute petite scène, tandis que nous mangions des moules-frites. Après chaque set, le chanteur ou la chanteuse passait dans la salle avec un chapeau, nous nous sommes ruinés en pourboire. Les quatre ou cinq chanteurs ont tous interprété "la Bohème" d'Aznavour ; grande entreprise de démystification.

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...