lundi 26 novembre 2007

Poli 2.0 : Kéké (1)

Le 26 novembre 2005 était tout neuf comme la nuit, il faisait froid, un froid piquant, je m'endormais avec mon épouse à mes côtés. Elle s'était couché dans le lit qui avait craqué, manquant de le briser en deux, manquant de traverser le sol, les étages au dessous. Elle était énorme, une baleine, un tank, un chalutier, une planète. On était retourné au casino de la vie, et on avait joué banco ; un ou deux mois après, polichinelle avait fait son grand come back dans le tiroir, comme Mireille Mathieu pour sa tournée d'adieu.

Je ne dis plus ma compagne : elle était devenue mon épouse entre temps. Cela avait été une période où nous nous traînions un peu, la vie était un long cours de latin, on en mourrait pas, certes, mais on avait la marque du pull imprimée sur le front. Un soir, nous étions dans la cuisine, j'ai lâché : « oh, tiens, et si on se mariait ? », un peu comme si j'avais dit : « Oh, tiens, et si on faisait un braquage ? » J'avais toujours été contre le mariage, tout comme j'étais contre les braquages. Je me disais, si, dans l'effondrement du monde, dans la déliquescence de notre société, dans la destruction de notre espèce et le chaos, s'il n'y avait qu'une seule vérité, une unique certitude, une ultime conviction qui devait surnager, c'était bien celle ci : je ne me marierai jamais.

Lorsque le maire a demandé : « Souhaitez-vous... bla bla... Pour épouse ? », j'ai dit « oui », et ce connard a répondu : « Pourriez-vous répéter plus fort ? ». Rires dans l'assemblée. ...comme s'il avait été un putain de DJ dans une boite de nuit, à dire : « ça va ? Je ne vous entends pas !!! », pour mettre l'ambiance. Comme un instituteur grisâtre à pull à carreau avec une règle, critiquant mon élocution de timide, il avait fait son petit malin, il m'avait demandé de répéter plus distinctement. Je l'aurais bien pris et renversé sur la table, pour lui fourrer les alliances dans la bouche et lui gueuler dans les narines : « eh ducon, pourquoi tu crois que j'ai mis un costard, pour chercher un emploi de chef de rayon ? »

Nous aimions l'humour noir, malgré tout, et nous avions baptisé le second prototype Poli 2.0.

Contrairement à la V1, je n'ai pas voulu savoir, pas faire le cirque des tests de grossesse. Un matin, elle m'a appelé pour me dire qu'un ami ou un cousin ou le cousin d'un ami faisait un détour par Paris, il fallait qu'on se retrouve au café. Quand je l'ai retrouvée dans la salle non-fumeur, j'ai tout de suite compris, elle avait une tête d'une fille qui va annoncer qu'elle est enceinte. Ça va ? Elle glousse. Tu as passé une bonne matinée ? Elle glousse. Et le cousin de passage ? Elle glousse. Je me suis levé, alors, je me suis isolé aux toilettes. Des cartes postales publicitaires s'affichaient sur le mur, sur le rebord de la fenêtre, des dizaines de brûlures de cigarette. Assis sur la lunette, regardant les dalles rouges et blanches comme des cendres, j'ai pensé : "Ça va m'arriver à moi ! C'est fantastique ! Au secours ! Il va vraiment falloir aller aux réunions des parents d'élèves ? Et moi qui suis censé mourir jeune, comme Jimi Hendrix ou Jésus ?" Je trouvais ça énorme qu'on me demande de perpétuer l'espèce, qu'on me confie les clefs du camion. Il doit y avoir une dysfonctionnement, comme dans Brazil, une mouche est tombée dans la machine à écrire des divines dactylographes.

Puis je suis revenu, et elle a gloussé. Alors, elle m'a offert un paquet bleu contenant un petit pyjama bleu, avec déposé sur le tissu soyeux peuplé d'oursons et de lapins, un test positif bleu.

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