samedi 6 septembre 2008

Noces de sable

Nous jouions dans la cour, nous étions de petits amoureux, nous nous étions mis d’accord là dessus. Après une brève négociation de quelques secondes, c’était réglé. Tu es notre amoureux ? Ont-elles demandé. Oui, et vous êtes mes amoureuses. Alors, jouons. Donjons de sable. Histoires de poneys.

Quand, dans un couple, les filles sont majoritaires, il arrive toujours des jeux de poney. Il faut les coiffer, ils trottent élégamment, puis qu’ils s’occupent de leurs petits bébés, est-ce que je sais. Les poneys ne pourraient-ils pas avoir des accidents, peut-être, tomber d’un pont, faire la course, hasardais-je ? Une guerre entre les poneys. Mes amoureuses étaient sœurs jumelles ; vêtements similaires, même ruban dans les cheveux, même amoureux.

Un matin, elles m’ont donné une petite voiture verte. Je ne sais plus pourquoi, noce de sable ou de poney, pour fêter notre un jour d’amoureuserie. Je l’ai montré à ma mère, le soir. Elle a eu l’air émue, ce présent, objet grotesque, surgi d’un ailleurs tout neuf, dans lequel elle n’existait pas. Nous allons leur faire un cadeau en retour, a-t-elle dit. Nous avons trouvé une borne rouge qui distribue des bagues en plastique, dans les supermarchés. Il me semble que ces machines sont là, figées, depuis la nuit des temps. Tout a changé, les téléphones, les automobiles, les modes, sauf les machines rouges à distribuer des bijoux en toc, ou des chewing-gums protubérants. Comme des monolithes, elles ont poussés dans le néant, et le monde s’est construit autour. Elles sont immuables. Pas besoin de les entretenir, ni de les remplir, ni de les vider, personne ne s’en sert. Elles sont un détail du monde, et le monde tient debout sur des détails, un ornement, des gargouilles tranquilles de grandes surfaces.

La poignée d’aluminium tourne, une capsule tombe, avec une bague sertie d’un diamant rose. J’ai hésité, puis : il en faudrait une autre puisqu’elles sont deux. C’est vrai, ma mère a soupiré, c’était une démonstration rigoureuse, elle a donc remis une seconde pièce. Elle s’est peut-être dit : j’ai de la chance, moi au moins je suis unique. Je suis rentré dans la cour, ravi, une bague dans chaque poche.


La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...