vendredi 5 décembre 2008

En avant l'amnésique

Je regarde par la fenêtre, j'ai un balcon étroit qui donne sur la rue. J'ai toujours rêvé d'un petit balcon pour y fumer mes cigarettes ; maintenant je ne fume plus, mais j'ai un petit balcon.

Je le regarde et je pense, le visage écrasé contre la vitre : maudit petit balcon. J'ai passé une semaine étrange. Je suis fatigué, comme j'ai commencé une cure de vitamines, je suis fatigué en pleine forme.

A la cantine, le cuistot commence à m'appeler Monsieur Frite. Je n'aime pas ça. Mais comme je suis très ouvert d'esprit, je souris et je réponds : "j'aime les frites, que voulez-vous." Aujourd'hui, Z. est allée à l'hôpital, avec Kéké, comme ce n'était pas grave, finalement, nous avons été soulagés.

Pour me récompenser de toutes mes aventures depuis l'aube de mon humanité, j'ai décidé de prendre des frites à midi. Le cuistot est arrivé, me voyant avec mon plateau orné d'une nappe en papier blanche, il m'a dit, il m'a susurré plutôt, avec une merveilleuse discrétion : "avec ça, des frites ?"

Je me serais cru au Fouquet's, ou dans un bordel de luxe, je me sentais comme le Prince d'un quelconque rocher. Ce tact très hôtelier, cette épochè du patron de bar face à son pilier, c'était remarquable. J'ai opiné, au diable les z'harricots et la glauque engeance légumineuse, donnez moi de la patate, pour que j'ai la patate.

Avec une noblesse achevée, un geste expert et mélancolique, il a sorti la grille de la friteuse, et le produit étincelant de la friture semblait un cabas rempli d'or !

Dans le métro quelqu'un parlait tout seul, je me suis surpris à ne plus en être surpris. J'ai posé mon livre sur mes genoux, et regardé au loin, dans l'infini obscur derrière la vitre, un infini avec moi en train de nager dans la mer, hélant les gens sur la plage, regarde comme je vais loin, vacances permanentes, et une fille pas tellement belle a cru que je la fixais intensément, elle s'est levée quelques secondes plus tôt que nécessaire pour sortir. A la place de cet infini de songe, il y avait une sorte de fauteuil vide.

Kéké est sur le lit, pendant ce temps, allongé, il regarde son chien en peluche, sa bonne fripe fidèle, il lui dit : "tu es beau comme un vieux."

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...