lundi 9 février 2009

L'abri

Nous mangeons des petits gâteaux, Kéké est sur mes genoux, sa tempe contre ma tempe. Nous sommes silencieux, et fatigués, une nouvelle semaine commence. Nous nous tenons chaud, c'est comme si rien ne pouvait nous arriver.

Les nouvelles semaines poussent comme des mauvaises herbes, il faudrait tout raser, cela semble possible, même inoffensif, puisque nous sommes là, un peu comme à l'abri. Il y a une idée de cabane, une idée du drap chaud qui, nous couvrant tous les deux, nous protègent des monstres. Il y a une idée de vasistas, la fenêtre hermétique où l'on voit le chaos du ciel venir se désintégrer à nos yeux, tandis que nous ne risquons rien, que nous sommes derrière à sourire, nous sommes dans du coton, un abri fait de nous-mêmes.

Dans dix mille ans nous ne serons plus rien ; dans le magazine, je vois les moines de Palerme, leurs momies se tiennent droites et leurs yeux sont vides, certains ont encore leur couronne de cheveux, et leur calvitie apparente. D'autres n'ont plus rien, une calvitie intégrale en fait, une calvitie des cheveux, de la peau, le temps les a poncés. Ils sont sanglés dans leur linceul et se dressent dans des alcôves, la tête penchée, le menton – parfois tombé – posé sur leur poitrine creuse. Il font la queue. Ils forment un chœur étrange. Ils ont leur ventre rempli d'herbes, mais ça doit sentir mauvais quand même, j'imagine. Leurs âmes de moine sont dans la félicité des astres, mais dans le souterrain, ils font toujours une procession. Derrière eux, court sur tout le mur une petite goulotte où doivent circuler des fils électriques, pour éclairer les catacombes.

Parfois il me semble passer ma vie à ça, mettre des fils électriques derrière des cadavres. J'emmitoufle mon fils. Il a trop de cheveux. Il en a de partout, qui bouclent dans tous les sens, bien plus de cheveux que les moines embaumés de Palerme. Dehors il fait froid, je le protège. Nous y arriverons, nous arriverons à tout, et tout sera lumineux, il y aura la félicité des astres que nous voudrons. Il me raconte une histoire tarabiscotée de son monde gentil, avec ses bonshommes, ses voitures qui mangent des kebabs, ses engins de chantier qui passent leur vie à jouer à cache-cache au lieu de construire des immeubles. Je l'emporte, je suis le père-express, le train qui marche à pied, qui fait tchoutchou, même si, comme on se l'est dit plusieurs fois, il n'y a en pas vraiment besoin, les trains étant devenus, depuis, électriques.

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...