mercredi 3 juin 2009

Bazar

Au Jardin d’Acclimatation, un orchestre joue la musique de la Soupe aux Choux, façon big band de Charles Mingus. Ils sont en short. En guise d’uniforme, ils portent un ou deux vêtements orange ; une écharpe, un slip, des chaussettes, un mouchoir qui dépasse, ça crée un lien mou entre eux. A un moment, ils font un pont musical : le fameux glouloulouglouloubloulouloulouloullou de la Denrée, avec la main qui dégouline de la bouche. Les enfants les prennent pour des tarés, c’est qu’ils n’ont pas vu la Soupe aux Choux, eux.

Parfois, les musiciens font des fausses notes, des couacs, des pains ; une vraie boulangerie. Mais ils s’en tamponnent royalement. C'est une boulangerie cool. Le chef fait un signe, et tout le monde commence à improviser, en même temps ; ils quittent les rangs, leur pupitre, s’en vont marcher au hasard. Ils cheminent parmi les gens, approchent le cornet des poussettes, stupéfient les bébés, leurs yeux de bille exorbités. Les voilà bien épars, carrément en balade, saxophone, picolo, trombone, clairon. L'orchestre s’est disloqué. Il ne reste qu’une section rythmique, toute nue, ruinée, qui fait la permanence dans la pelouse déserte. Les enfants suivent certains souffleurs, ceux qui font des gros pouets pouets. Ils sautillent, charmés, comme les petits habitants de Hamelin.

Sonne le rassemblement des musiciens égayés dans la verdure, une fontaine glauque ou un château de miroirs déformants. Le chef compte à rebours les mesures, avec ses doigts, quatre, les voilà réunis, trois, on se gratte l'entrejambe une dernière fois, deux, on baye, un, on regarde la partition qui est à l'envers, en fait, zéro on expose une dernière fois le thème. Les voir exister me remplit d’aise. Jouer dans un orchestre, en sandale, l’été, juste avant l’apéro, c'est vraiment une très bonne place.

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...