mardi 2 mars 2010

Esprit de câble

Je réfléchissais sur la nature des pensées qui me traversent, et j’ai trouvé l’image qui correspondait : celle d’une chaine télévisée du câble. Je compare mon esprit à un chaine du câble, diffuseur obstiné, obscur, à petit budget, avec ses programmes cheap qui tournent en boucle. Avec ses séquences improbables qu'il faut bien empiler pour remplir, pour boucler du matin jusqu'au soir. Par exemple une chaine de sport avec ses matchs de football féminin Danemark / Islande, commentés par Patrick Battiston et Harald Schumacher, mollement captivés par un jeu de fin du monde. Par exemple des séquences de soi dans la nature en train de marcher sur un champignon dont on ignore le nom, en train de fouler du sable en vacances, ou d'occuper glorieusement une chaise molle au travail.

J’imagine a contrario Albert Einstein dans son coin, avec son puissant cerveau explosif ; son esprit devait ressembler à un cinéma panoramique, en 3D, les neurones dedans étaient comme sous la Géode, des effets spéciaux, du souffle, de l'épique, vlan la Masse, paf la Matière, shazam l’Energie, plop la Vitesse au carré. L’esprit d’Einstein déployait, dans un péplum savant, des milliers de figurants, sur des chars conceptuels, tous braillaient à l’assaut de la forteresse-énigme, du mystère de l'espace et du temps.

Moi, mon esprit est lent. Une idée apparait, elle a le visage glauque de Derrick. Tout heureux d'avoir un programme, tout surpris d'avoir des visions à la place du vide, l'idée est rediffusée avec la ferveur aveugle des organisateurs de festival international du saucisson. L'idée, idée top-model de télé-shopping, idée-célébrité-anonyme, idée-casting, idée-qui-n'en veut, on la développe, on la contredit, on l'arrange, on la maquille. Elle meuble. Elle meuble, hystérique. C'est mieux que la mire, ou le brouillard agité du milieu de la nuit, mieux que les ondes nocturnes qui nous viennent en scrutant l'écran quand plus rien n'existe. Au fil du temps, cette mince rediffusion, cette rediffusion de soi-même, juste parce qu'elle se répète, s'acharne, s'obstine, persiste, cette rediffusion se verrait bien son propre classique, sa propre histoire, au fond, elle s'inventerait presque une nostalgie d'avoir été.

Au bout d'un moment, quand cela semble en péril, quand ce rien en boucle n'intéresse plus personne, ça en vient à prendre sa propre défense. Il semble alors oeuvrer pour un cinéma de quartier, local humide racheté par un Naturalia. Pensant à soi, à ses moyens limités, à ses habitudes déclinées, il nous vient l'idée de présenter le tout sous le signe d'un pittoresque de proximité. Nous sommes une personne de proximité. Un petit épicier de la remarque, de l'objection, de sa propre opinion à soi, en péril face aux Hyper-Einstein qui se dressent et vont tout emporter. Il serait tellement dommage de nous fermer. De nous faire racheter par un Naturalia. Etre soi. C'est un peu pourri, certes, mais c'est tellement typique.

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...