Le matin, je me lève, hébété, et je m'exécute, automate lent. On me transporterait sous le beffroi d'une tour de Notre-Dame, pour y sonner les cloches, ça ne ferait pas tellement de différences. J'ai la même panique en ouvrant les yeux, le monde est effroyablement toujours là.
Je me retrouve dans la cuisine, la cafetière à la main. Ici, systématiquement, une pensée absurde me traverse l'esprit. A moitié endormi, en caleçon, le visage portant encore un masque de coussin, je me représente fabuleusement insignifiant dans la vaste marche du cosmos. Je m'entends qui respire, je trouve ça très prétentieux par rapport aux cailloux, par exemple. Et le chat me donne des coups de têtes aux mollets, croisade permanente pour son dieu en petits morceaux de la gamelle. Ce n'est pas comme si c'était triste, c'est juste que c'est absurde.
Ce matin a tout l'air d'un clone gringalet du matin d'avant, glorieuse brebis maladive. Je vois bien défiler les matins, c'est facile, il en suffit d'un, ils ont tous le même masque de coussin. En les énumérant rapidement, je vois ma vie s'animer dans un flip-book de réveils, un dessin animée avec un plan fixe, l'habile dessinateur y multiplie à la folie le même personnage inerte. Je ressasse mes réveils de garçon, puis mes réveils d'adulte, puis mes réveils de vieux, puis mes réveils de mort, puis je pense à la planète Mars, ou à la sonde Pioneer 10, outil humain, qui se dirige actuellement au-delà de la Ceinture de Kuiper, hors du système solaire, dans un néant pire que tous les néants humains mis bout à bout.
Je scrute la cafetière, dans ma brume, elle semble me dire : dis-donc, ne me dis pas que tu vas faire du café, quelle nouvelle, sans blague, c'est si bon pour une cafetière d'être surprise après tant d'années. Je la contemple, outil familier, semblable à une sonde, mais pas tant que ça, cylindre de verre avec un piston en son centre, je suis mon auto-archéologue, examinant l'instrument étrange d'une civilisation enfouie, que je redécouvre, celle de ma vie, la veille.
Le chat percute mes mollets sans jamais se lasser, jour après jour. Horloge féline stupide, je baisse les yeux, et dans la solitude sombre de ma cuisine, tandis que les autres dorment encore, je me permets de lui murmurer : espèce de gros connard de chat toujours à bouffer, parasite improductif. Il ronronne. Il est là, à se frotter, et puis soudain, la sonde Pioneer 10 est au-delà de l'Héliosphère, le chat n'est pas du tout humilié par ce voyage sidéral, il me réclame juste sa gamelle ; va-t-il manger de la pâté de « gros connard », est-ce le sens de mes paroles énigmatiques qui lui pleuvent dessus ? Je le regarde fixant mes lèvres, comme si sa nourriture visqueuse allait surgir par miracle de ma bouche, à la place des insultes.
La cafetière à la main, je me demande si je ne vais pas me la fracasser sur le crâne. J'irai voir Z., la poignée en plastique toujours serrée, des fragments de verre incrustés sur le visage, je lui dirai : je crois que le plan ne se déroule pas sans accroc. Allo, ici la Base, nous avons un problème avec le lancement de la sonde Balmeyer 1, il y a un dysfonctionnement, il se peut qu'on le perde, tandis qu'il franchit la Ceinture de Kuiper. Pendant ce temps, la sonde Balmeyer 2, c'est-à-dire mon fils, se redresse, et me réclame un biberon. Il propose qu'on reste toute la journée au lit à jouer aux voitures, mais ça ne fait pas parti du vaste programme de lancement des sondes humaines. Nous nous mettons en orbite dans des véhicules souterrains, avant de, carcasses vidées, nous écraser la nuit venue, impact terrible provoquant des cratères dans nos lits.
A bord de la sonde Pioneer 10, coquetterie humaine, il y a une plaque en or qui nous résume en quelques symboles. Un homme et une femme nue, un atome d'hydrogène, un plan très succinct de notre système solaire. Les relais-étapes où se restaurer sur Jupiter, des aires de repos, un panorama pittoresque à ne pas manquer vers Saturne. Etrange message dans une cannette envoyé aux êtres des confins ! J'imagine l'individu du bout de la galaxie ouvrir la capsule telle un Kinder Surprise, dans dix millions d'années, et caresser la plaque dorée où l'homme semble dire : « bonjour, je suis un ami, voulez-vous que je vous prépare un café ? »
Maintenant, je suis aux WC. Les matins se succèdent, jeune, vieux, j'ai l'impression d'être un peu éternel, là, à pisser dans le mètre carré où murmurent les canalisations, je suis presque une plaque de symboles dans les toilettes spatiales d'une sonde. Je me vois enfant me réveiller, puis adulte, puis vieux, puis mort. Je sors de ma crypte, alors, et je titube, décomposé, dans le cimetière, puis je me dirige vers une cuisine, des fragments de verre dans le visage, je prends un reste de cafetière, et je me fais un café. Je vois bien mon fantôme occupé ainsi, jusqu'à la fin des temps, tandis que la sonde Pioneer 10, inerte, éteinte, les batteries vides, l'œil mécanique clos, poursuit sa chute dans le vide incommensurable, étape pittoresque qui vaut le coup d'œil entre deux galaxies.
mardi 23 septembre 2008
lundi 22 septembre 2008
La Joie des enfants
Kéké a prononcé ces paroles, un soir, nous souriant d’un air complice : « c’est la joie des enfants ! ». Air complice, pourquoi, ces mots paraissaient tomber de la lune. Mais il avait son petit sourire entendu, fier. Alors je l’ai regardé, interdit, et j’ai fait celui qui comprenait parfaitement : « La joie des enfants ! Bien sûr ! ».
Il a dû entendre cette expression à l’école, peut-être une histoire de sa maitresse, « apprendre à lire, c’est la joie des enfants !», ou sans doute dans la cour quand les petits s’adonnent à des jeux barbares : « s’étrangler pour devenir tout rouge, c’est la joie des enfants !».
Cela a sonné comme un corps étranger dans son langage, dans notre langage commun, que nous partagions tous les trois, jusqu’à présent. C’est le monde extérieur qui s’y glisse. Et comme nous sommes très heureux qu’il s’ouvre au monde, très heureux de le voir grandir, et nous de vieillir, et de crever comme des chiens puants dans des fosses communes, nous l’avons félicité. C’est la joie des parents !
L’expression nous est restée. Depuis quelques jours, nous la déclinons jusqu’à l’absurde, en riant, pour tout. Se brosser les dents, finir ses brocolis, péter, jouer aux voitures, sortir les poubelles, aller pisser, tout ça, c’est la joie des enfants ! Il glousse quand on l’imite, satisfait d’avoir enrichi la famille de quelques mots, de nous fournir des fragments énigmatiques de son monde nouveau.
Ce matin, le réveil n’a pas sonné. On s'est levé, paniqué, avec la tête éclatée des vampires malpropres qui ont raté le crépuscule et qui vont se faire prendre par les contrôleurs de l’aube. On s’habille à toute berzingue, et nous voilà dans la rue. Kéké n’a pas l’air habillé, il a l’air emballé par ses vêtements, saucissonné, tout de traviole. Et il n’a pas l’air emballé du tout, en fait, d’aller à l’école. Il proteste, mécontent : « l’école, ce n’est pas la joie des enfants ! » et nous éclatons de rire.
Il a dû entendre cette expression à l’école, peut-être une histoire de sa maitresse, « apprendre à lire, c’est la joie des enfants !», ou sans doute dans la cour quand les petits s’adonnent à des jeux barbares : « s’étrangler pour devenir tout rouge, c’est la joie des enfants !».
Cela a sonné comme un corps étranger dans son langage, dans notre langage commun, que nous partagions tous les trois, jusqu’à présent. C’est le monde extérieur qui s’y glisse. Et comme nous sommes très heureux qu’il s’ouvre au monde, très heureux de le voir grandir, et nous de vieillir, et de crever comme des chiens puants dans des fosses communes, nous l’avons félicité. C’est la joie des parents !
L’expression nous est restée. Depuis quelques jours, nous la déclinons jusqu’à l’absurde, en riant, pour tout. Se brosser les dents, finir ses brocolis, péter, jouer aux voitures, sortir les poubelles, aller pisser, tout ça, c’est la joie des enfants ! Il glousse quand on l’imite, satisfait d’avoir enrichi la famille de quelques mots, de nous fournir des fragments énigmatiques de son monde nouveau.
Ce matin, le réveil n’a pas sonné. On s'est levé, paniqué, avec la tête éclatée des vampires malpropres qui ont raté le crépuscule et qui vont se faire prendre par les contrôleurs de l’aube. On s’habille à toute berzingue, et nous voilà dans la rue. Kéké n’a pas l’air habillé, il a l’air emballé par ses vêtements, saucissonné, tout de traviole. Et il n’a pas l’air emballé du tout, en fait, d’aller à l’école. Il proteste, mécontent : « l’école, ce n’est pas la joie des enfants ! » et nous éclatons de rire.
mardi 16 septembre 2008
Les chiens
Kéké a passé le week-end du côté de chez Swann et Bergotte. Swann est un gros chien noir, aux yeux jaunes. A côté, le chien des Baskerville est un petit caniche de soprano. On s’approche de sa gueule, il attend, placide, une cajolerie. On lui caresse sa bonne grosse tête, il ne gaspille pas son énergie à gesticuler des remerciements, olympien, économe, il consomme la douceur en vous fixant. Pendant ce temps, Bergotte bondit tout autour, prise d'un enthousiasme jaloux, attrape les oreilles de Swann, notre main, un doigt, la jambe, Kéké, jappant : j’existe ! J’existe !
Quand Swann étale son gros corps sur la terrasse, Bergotte s'empresse de faire de même, près du ventre de l'aîné. Quand des gens passent, Swann se redresse, semblant faire à longueur de temps son grand retour, ses cent jours de chien. Il bondit vers le portail, fait virevolter Kéké au passage, puis effraie les égarés revenus de rien, sinon de la "Foire à Tout". Bergotte suit le chef des chiens, l'imitant, elle aboie sur les passants, puis ceux-ci passés, aboie sur Swann, continue à bondir autour du gros, lui mordillant le poitrail, les oreilles et la gueule. Le gros revient lentement, ainsi mastiqué, le devoir accompli, va prendre sa retraite d'aboyeur en étalant infiniment sa carcasse noire.
Les heures vont ainsi, Swann occupé à exister, Bergotte à exister aussi. A l'heure de la gamelle, par contre, il ne faut pas déranger Swann. Quand Bergotte s'approche de lui, la truffe plongée dans son repas, dans l'espoir de manger les autres croquettes plutôt que les siennes - les croquettes du chef, du chien-Dieu - un grondement profond, presqu'imperceptible, sort de la poitrine du patron. Juste le nécessaire, pas plus. Bergotte comprend qu'elle risque à ce rythme de devenir croquette elle-même, alors, exceptionnellement, elle laisse Swann tranquille, va manger toute petite dans son coin, puis méditer sur sa double humilité, celle d'être chien, et le second chien. Elle ne sait pas qu'un jour, probablement, elle deviendra le premier chien. L'ombre de Swann, riante, l'observera se faire mastiquer les oreilles à son tour par un encore plus petit chien.
Swann a fini de manger. Seul, il sort dans le jardin, rassasié. Si avant, il était calme et serein, il en revient encore plus calme et plus serein, immobile, absolu, figé dans l'univers, la pelouse se déplaçant sous ses pattes. Il s'étale encore plus infiniment, avec une infinité qui n'aurait pas de fin, sur l'herbe tendre, et c'est le nirvana canin, la fin de l'Histoire, le pré retrouvé. Alors, Bergotte arrive, en trottinant. Elle marque une pause. Discrètement, elle s'allonge près du gros, et s'endort à ses côtés, dans son giron.
Les autres se la sont coulés douce, il a fait beau. L'été, minuscule, n'avait pas fini de japper ; on constata avec surprise un beau temps revenu.
[photo : l'Irremplaçable]
Quand Swann étale son gros corps sur la terrasse, Bergotte s'empresse de faire de même, près du ventre de l'aîné. Quand des gens passent, Swann se redresse, semblant faire à longueur de temps son grand retour, ses cent jours de chien. Il bondit vers le portail, fait virevolter Kéké au passage, puis effraie les égarés revenus de rien, sinon de la "Foire à Tout". Bergotte suit le chef des chiens, l'imitant, elle aboie sur les passants, puis ceux-ci passés, aboie sur Swann, continue à bondir autour du gros, lui mordillant le poitrail, les oreilles et la gueule. Le gros revient lentement, ainsi mastiqué, le devoir accompli, va prendre sa retraite d'aboyeur en étalant infiniment sa carcasse noire.
Les heures vont ainsi, Swann occupé à exister, Bergotte à exister aussi. A l'heure de la gamelle, par contre, il ne faut pas déranger Swann. Quand Bergotte s'approche de lui, la truffe plongée dans son repas, dans l'espoir de manger les autres croquettes plutôt que les siennes - les croquettes du chef, du chien-Dieu - un grondement profond, presqu'imperceptible, sort de la poitrine du patron. Juste le nécessaire, pas plus. Bergotte comprend qu'elle risque à ce rythme de devenir croquette elle-même, alors, exceptionnellement, elle laisse Swann tranquille, va manger toute petite dans son coin, puis méditer sur sa double humilité, celle d'être chien, et le second chien. Elle ne sait pas qu'un jour, probablement, elle deviendra le premier chien. L'ombre de Swann, riante, l'observera se faire mastiquer les oreilles à son tour par un encore plus petit chien.
Swann a fini de manger. Seul, il sort dans le jardin, rassasié. Si avant, il était calme et serein, il en revient encore plus calme et plus serein, immobile, absolu, figé dans l'univers, la pelouse se déplaçant sous ses pattes. Il s'étale encore plus infiniment, avec une infinité qui n'aurait pas de fin, sur l'herbe tendre, et c'est le nirvana canin, la fin de l'Histoire, le pré retrouvé. Alors, Bergotte arrive, en trottinant. Elle marque une pause. Discrètement, elle s'allonge près du gros, et s'endort à ses côtés, dans son giron.
Les autres se la sont coulés douce, il a fait beau. L'été, minuscule, n'avait pas fini de japper ; on constata avec surprise un beau temps revenu.
[photo : l'Irremplaçable]
lundi 8 septembre 2008
Challenger
Je suis au travail, tout le monde est très soucieux. La base de données a des problèmes, la charge est sérieuse, les serveurs ne répondent pas. Les mines sont tendues. Bon sang, on dirait qu’on va lancer la navette Challenger dans l’espace, avec à bord des bébés phoques, ou des enfants importants, comme les pensionnaires des « Choristes » par exemple.
Mon téléphone sonne dans le silence des claviers qui crépitent. C’est Kéké à l’appareil. Je reconnais le numéro de la maison, mais je décroche avec un ton neutre. De sa petite voix de flûte, il me dit malicieusement : « Papa, tu achèteras des yaourts au caramel ? »
Les visages se tournent vers moi, je réponds d’un ton égal : « Oui bien sûr. J’y penserai ». Les collègues s’approchent, imperceptiblement, j’ai peut-être une solution pour la base de données de la navette Challenger. Kéké répète encore : « tu achèteras des yaourts au caramel, papa ? » Sa mère glousse derrière lui.
On pose les mains sur mon bureau, les têtes sont courbées sous le poids des responsabilités, bon sang, c’est la base de données, c’est pas comme si c’était l’Eurovision, les petits champignons dans les sous-bois ou d’autres trucs de hippies communistes, non. J’ai peut-être un expert en ligne, ou l’un des innombrables employés d’astreinte des hot-lines mondiales, croupissant comme tout un chacun dans des open-space fermés du globe, caves câblées au réseau où bourdonne sans cesse une climatisation, ou une ventilation, ou une aération, ou une turbine, où, dans un calme industriel, semble perpétuellement ronronner un chat électronique.
Il me dit d’un ton à désarmer la Corée du Nord : « Papa, je t’aime ». Je déglutis, puis je poursuis plus bas : « Oui très bien… moi aussi, je… » sa mère rit, derrière, je l’entends qui chantonne : « papa est coincé ! Papa est coincé ! » Les bouches déformées de mes collègues se tendent vers moi, poissons asphyxiés, désireux d’un oxygène de solutions à des problèmes de charge.
Kéké répète encore : « Je t’aime papa. Je t’aime ». Ce n’est pas dégoulinant, ce n’est pas indigeste, ce n’est pas un gros pudding rose à vomir, c’est juste pur, fin, ténu, un petit calice de cristal avec des mots, furtifs, sacrés, partagés comme des hosties.
On me regarde comme si je devais valider un formulaire en ligne pour couper une tête, et je répète à mon tour « Moi aussi. Moi aussi, tu sais. » J’entends encore sa mère qui se marre. Je raccroche. Je suis un peu rouge. Les collègues continuent à errer un peu plus loin de mon bureau, secouant la tête, se disant qu’il s’agissait sans doute d’un truc de hippie communiste.
Puis j’ai envie de rappeler. C’est mon fils, quand même, il faudrait que je lui dise : « je t’aime kéké, aussi, tu sais. » Que je monte sur le bureau pour gueuler de toutes mes forces que j’aime mon fils, bon sang, mais je sais ce qui se passerait, on m’emmènerait à l’infirmerie, on me donnerait un Doliprane pour soigner ma folie, et je recevrais un blâme parce que je suis fou. On me dirait d’être moins fou car la folie furieuse est un motif de licenciement, et que je ne mets pas une bonne ambiance dans l’équipe avec ma folie furieuse. Alors je ne le fais pas, j’ai trop de pudeur, je ne veux pas qu’on devine mon secret, l’incroyable révélation que j’aime mon fils , je me penche sur le sort d’une chose qui ne m’aime pas, elle, la base de données.
Je me dis que pour rattraper ce temps perdu, nous jouerons longuement, ce soir, à des navettes bien différentes de Challenger, carlingues qui filent lentement au zénith, qui toisent le monde dans une orbite sans bruit.
Mon téléphone sonne dans le silence des claviers qui crépitent. C’est Kéké à l’appareil. Je reconnais le numéro de la maison, mais je décroche avec un ton neutre. De sa petite voix de flûte, il me dit malicieusement : « Papa, tu achèteras des yaourts au caramel ? »
Les visages se tournent vers moi, je réponds d’un ton égal : « Oui bien sûr. J’y penserai ». Les collègues s’approchent, imperceptiblement, j’ai peut-être une solution pour la base de données de la navette Challenger. Kéké répète encore : « tu achèteras des yaourts au caramel, papa ? » Sa mère glousse derrière lui.
On pose les mains sur mon bureau, les têtes sont courbées sous le poids des responsabilités, bon sang, c’est la base de données, c’est pas comme si c’était l’Eurovision, les petits champignons dans les sous-bois ou d’autres trucs de hippies communistes, non. J’ai peut-être un expert en ligne, ou l’un des innombrables employés d’astreinte des hot-lines mondiales, croupissant comme tout un chacun dans des open-space fermés du globe, caves câblées au réseau où bourdonne sans cesse une climatisation, ou une ventilation, ou une aération, ou une turbine, où, dans un calme industriel, semble perpétuellement ronronner un chat électronique.
Il me dit d’un ton à désarmer la Corée du Nord : « Papa, je t’aime ». Je déglutis, puis je poursuis plus bas : « Oui très bien… moi aussi, je… » sa mère rit, derrière, je l’entends qui chantonne : « papa est coincé ! Papa est coincé ! » Les bouches déformées de mes collègues se tendent vers moi, poissons asphyxiés, désireux d’un oxygène de solutions à des problèmes de charge.
Kéké répète encore : « Je t’aime papa. Je t’aime ». Ce n’est pas dégoulinant, ce n’est pas indigeste, ce n’est pas un gros pudding rose à vomir, c’est juste pur, fin, ténu, un petit calice de cristal avec des mots, furtifs, sacrés, partagés comme des hosties.
On me regarde comme si je devais valider un formulaire en ligne pour couper une tête, et je répète à mon tour « Moi aussi. Moi aussi, tu sais. » J’entends encore sa mère qui se marre. Je raccroche. Je suis un peu rouge. Les collègues continuent à errer un peu plus loin de mon bureau, secouant la tête, se disant qu’il s’agissait sans doute d’un truc de hippie communiste.
Puis j’ai envie de rappeler. C’est mon fils, quand même, il faudrait que je lui dise : « je t’aime kéké, aussi, tu sais. » Que je monte sur le bureau pour gueuler de toutes mes forces que j’aime mon fils, bon sang, mais je sais ce qui se passerait, on m’emmènerait à l’infirmerie, on me donnerait un Doliprane pour soigner ma folie, et je recevrais un blâme parce que je suis fou. On me dirait d’être moins fou car la folie furieuse est un motif de licenciement, et que je ne mets pas une bonne ambiance dans l’équipe avec ma folie furieuse. Alors je ne le fais pas, j’ai trop de pudeur, je ne veux pas qu’on devine mon secret, l’incroyable révélation que j’aime mon fils , je me penche sur le sort d’une chose qui ne m’aime pas, elle, la base de données.
Je me dis que pour rattraper ce temps perdu, nous jouerons longuement, ce soir, à des navettes bien différentes de Challenger, carlingues qui filent lentement au zénith, qui toisent le monde dans une orbite sans bruit.
samedi 6 septembre 2008
Noces de sable
Nous jouions dans la cour, nous étions de petits amoureux, nous nous étions mis d’accord là dessus. Après une brève négociation de quelques secondes, c’était réglé. Tu es notre amoureux ? Ont-elles demandé. Oui, et vous êtes mes amoureuses. Alors, jouons. Donjons de sable. Histoires de poneys.
Quand, dans un couple, les filles sont majoritaires, il arrive toujours des jeux de poney. Il faut les coiffer, ils trottent élégamment, puis qu’ils s’occupent de leurs petits bébés, est-ce que je sais. Les poneys ne pourraient-ils pas avoir des accidents, peut-être, tomber d’un pont, faire la course, hasardais-je ? Une guerre entre les poneys. Mes amoureuses étaient sœurs jumelles ; vêtements similaires, même ruban dans les cheveux, même amoureux.
Un matin, elles m’ont donné une petite voiture verte. Je ne sais plus pourquoi, noce de sable ou de poney, pour fêter notre un jour d’amoureuserie. Je l’ai montré à ma mère, le soir. Elle a eu l’air émue, ce présent, objet grotesque, surgi d’un ailleurs tout neuf, dans lequel elle n’existait pas. Nous allons leur faire un cadeau en retour, a-t-elle dit. Nous avons trouvé une borne rouge qui distribue des bagues en plastique, dans les supermarchés. Il me semble que ces machines sont là, figées, depuis la nuit des temps. Tout a changé, les téléphones, les automobiles, les modes, sauf les machines rouges à distribuer des bijoux en toc, ou des chewing-gums protubérants. Comme des monolithes, elles ont poussés dans le néant, et le monde s’est construit autour. Elles sont immuables. Pas besoin de les entretenir, ni de les remplir, ni de les vider, personne ne s’en sert. Elles sont un détail du monde, et le monde tient debout sur des détails, un ornement, des gargouilles tranquilles de grandes surfaces.
La poignée d’aluminium tourne, une capsule tombe, avec une bague sertie d’un diamant rose. J’ai hésité, puis : il en faudrait une autre puisqu’elles sont deux. C’est vrai, ma mère a soupiré, c’était une démonstration rigoureuse, elle a donc remis une seconde pièce. Elle s’est peut-être dit : j’ai de la chance, moi au moins je suis unique. Je suis rentré dans la cour, ravi, une bague dans chaque poche.
Découvrez The New Musical Cast!
Quand, dans un couple, les filles sont majoritaires, il arrive toujours des jeux de poney. Il faut les coiffer, ils trottent élégamment, puis qu’ils s’occupent de leurs petits bébés, est-ce que je sais. Les poneys ne pourraient-ils pas avoir des accidents, peut-être, tomber d’un pont, faire la course, hasardais-je ? Une guerre entre les poneys. Mes amoureuses étaient sœurs jumelles ; vêtements similaires, même ruban dans les cheveux, même amoureux.
Un matin, elles m’ont donné une petite voiture verte. Je ne sais plus pourquoi, noce de sable ou de poney, pour fêter notre un jour d’amoureuserie. Je l’ai montré à ma mère, le soir. Elle a eu l’air émue, ce présent, objet grotesque, surgi d’un ailleurs tout neuf, dans lequel elle n’existait pas. Nous allons leur faire un cadeau en retour, a-t-elle dit. Nous avons trouvé une borne rouge qui distribue des bagues en plastique, dans les supermarchés. Il me semble que ces machines sont là, figées, depuis la nuit des temps. Tout a changé, les téléphones, les automobiles, les modes, sauf les machines rouges à distribuer des bijoux en toc, ou des chewing-gums protubérants. Comme des monolithes, elles ont poussés dans le néant, et le monde s’est construit autour. Elles sont immuables. Pas besoin de les entretenir, ni de les remplir, ni de les vider, personne ne s’en sert. Elles sont un détail du monde, et le monde tient debout sur des détails, un ornement, des gargouilles tranquilles de grandes surfaces.
La poignée d’aluminium tourne, une capsule tombe, avec une bague sertie d’un diamant rose. J’ai hésité, puis : il en faudrait une autre puisqu’elles sont deux. C’est vrai, ma mère a soupiré, c’était une démonstration rigoureuse, elle a donc remis une seconde pièce. Elle s’est peut-être dit : j’ai de la chance, moi au moins je suis unique. Je suis rentré dans la cour, ravi, une bague dans chaque poche.
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vendredi 5 septembre 2008
Titanic chalutier
Cette image, je l'ai offerte à Dorham, c'est parce qu'il est une Traviata Punk. Le genre de gens, il meurt sur scène, oui mais, avant, ou après, quand même, il lance des cocktails molotov dans la maison du méchant Germont, lui crève les pneus de sa voiture, l'attend à la sortie de la banque pour lui pourrir sa soirée juste en argumentant comme un malade sur le pourquoi du comment, avant de revenir sur scène pour y mourir, y re-mourir, puis se relever avant de dire, oh, même pas mort.
Quand Kéké est entré à l'école, je me suis senti triste et idiot, une image m'est venue, le Titanic Chalutier. Je vous explique.
Le Titanic Chalutier navigue en mer, il a attrapé des milliers de poissons, alors il va regagner le port. Soudain, il heurte un ex-iceberg, déjà fondu. Il sombre. C'est la panique, à bord. Les poissons se lamentent. Horreur ! Malheur ! Le chalutier coule ! On va tous crever ! J'aurais bien voulu faire, une dernière fois, chère truite, tendre roussette, king of the world, mais non c'est trop tard, c'est fini. Plus jamais. Jamais plus. C'est l'apocalypse des poissons, ils font poa poa, dans leur bac, tristement, asphyxiants dans une ambiance de cataclysme. King of the end of the world.
Il y a aussi des effets spéciaux. Vu le naufrage, on tire des fusées de detresse, des feux d'artifices, on jongle avec des balles, pour ne pas gâcher.
Et voilà. Fatalité. Funeste sort. Cruel destin. Le chalutier s'est abîmé. Perdu, corps et bien. Les poissons engloutis se regardent alors, et font : "Bon ben voilà. On a tous coulé. C'était terrible."
Quand Kéké est entré à l'école, je me suis senti triste et idiot, une image m'est venue, le Titanic Chalutier. Je vous explique.
Le Titanic Chalutier navigue en mer, il a attrapé des milliers de poissons, alors il va regagner le port. Soudain, il heurte un ex-iceberg, déjà fondu. Il sombre. C'est la panique, à bord. Les poissons se lamentent. Horreur ! Malheur ! Le chalutier coule ! On va tous crever ! J'aurais bien voulu faire, une dernière fois, chère truite, tendre roussette, king of the world, mais non c'est trop tard, c'est fini. Plus jamais. Jamais plus. C'est l'apocalypse des poissons, ils font poa poa, dans leur bac, tristement, asphyxiants dans une ambiance de cataclysme. King of the end of the world.
Il y a aussi des effets spéciaux. Vu le naufrage, on tire des fusées de detresse, des feux d'artifices, on jongle avec des balles, pour ne pas gâcher.
Et voilà. Fatalité. Funeste sort. Cruel destin. Le chalutier s'est abîmé. Perdu, corps et bien. Les poissons engloutis se regardent alors, et font : "Bon ben voilà. On a tous coulé. C'était terrible."
Puis ils concluent : "Poa, bon, et bien à la prochaine, alors. Oui, aurevoir ! Bonsoir ! Au plaisir !" Et les poissons repartent, silencieux, placides, muzos, au fil des courants.
mardi 2 septembre 2008
le crépuscule des demi-dieux
C’était la rentrée des classes pour Kéké, aujourd’hui, je fus infiniment triste en me levant ; poisseuse et déraisonnable tristesse. Z. dut me faire la morale, on dirait que c’est toi qui rentres à l’école. J’enchaînais, lorsque mon fils avait le dos tourné, sarcasme sur sarcasme. « Ouais on va tous crever », pour donner une idée. Je me sentais tripoté par le temps qui passe, ce n’était pas grave, ça irait mieux.
Alors, tout alla mieux.
Je mis un pantalon propre. Je me sentais bien dedans. Les poches n’étaient pas encore déformées par les centaines de pièces de un centime ou les tickets de Champion jamais jetés. Je mis une chemise blanche, aussi, je m’adressai à Kéké, occupé comme d’habitude à organiser ses camions ; tu vois comme je suis bien habillé, qui c’est le plus beau, ah ben c’est ton père, tiens, tu sais c’est comme un jour de fête même si… (regard noir de Z.) .. j’achevais alors dans mes pensées : …même si on va tous crever. Je lus le dernier billet d’Olivier qui, certainement sous l' emprise d’hallucinogènes, alla jusqu’à m’attribuer un terme plus prisé dans les blogs que « procrastination » ou « miscellanées » : le terme d’influent. Ragaillardi par tant d’attentions, neuf dans mes habits propres, je me figurai tout à coup comme une sorte de demi-dieu, chassant le daim en sandales dans les forêts, tirant des flèches sur des biches avec des cordes de violon.
Je savais que j’allais, en attendant la sortie de l’école, pontifier dans un café avec ma compagne, me la jouer, bavarder de mille choses, avoir toujours raison, oisive après-midi d’étudiants.
En classe, Kéké se précipita vers les jeux, surexcité. Nous sortîmes de l’endroit, vite, tandis que notre enfant entretenait encore des illusions avec sa pâte à modeler. Il faisait beau, la vie était belle, il y avait tant d’endroits où aller. Rien, ni personne ne pouvait entamer cette confiance qui m’échauffait. Je me sentais invincible. Pour me faire de l’ombre dans cette journée splendide, pour me casser ma baraque, pour me concurrencer dans mon radieux triomphe, il aurait fallu au moins me coltiner Brad Pitt, sur le boulevard Barbès !
Dans le magasin presque désert « la Grande Récré », boulevard Barbès, Brad Pitt faisait la queue à la seule caisse ouverte, juste devant moi. Qu’est-ce qu’il fout là, lui, pensais-je, horrifié ? Qu’est-ce qu’il vient faire dans ma journée parfaite ? Il portait un petit chapeau, comme mon personnage de blog, tenant sa fille dans ses bras, il attendait la monnaie. Z., qui poursuivait inlassablement sa longue phrase débutée le matin au réveil, l’aperçut, se tourna vers moi avec une expression déchirant son visage entre « le cri » de Munch et un personnage de Guernica : « Oh la la ! murmura-t-elle en hurlant de toutes ses forces, tu as vu ? C’est Brad Pitt ! A cinquante centimètres de nous !
- Bah, je grognais, il fait bien caca comme tout le monde, non ? »
Le caissier transpirait, il n’arrivait pas à rendre la monnaie à Brad Pitt. L’acteur, blindé, murmurait des douceurs à sa fille, comme dans une bulle, derrière ses lunettes noires, évitant le regard des quelques curieux autour. La sucette de l’enfant tomba par terre, près des pieds de Z. Celle-ci, tétanisée, ne se baissa pas, et l’autre dut se tordre pour attraper la friandise au sol. Je lui reprochai doucement : c’est un truc que tu regretteras peut-être toute ta vie, ça, ne pas avoir donné une sucette à Brad Pitt. Elle me rendit une mine de désespoir entre Francis Bacon et Yves Klein. Brad salua les gens, en français, tandis que les femmes envoyaient des SMS pour divorcer de leur mari. Il regagna dehors une berline noire contenant huit vigiles et cinq avocats. Les juristes avaient apparemment demandé qu’on ne prenne pas de photo, car l’acteur était avec son enfant, vie privée. Les vigiles, eux, comparaient les innombrables clichés pris sur leur téléphones portables.
Au comptoir des papiers cadeaux, quelques clientes s’adossaient, abasourdies, encore sous le choc, un air d’extase sur la figure. Comme des Bernadette Soubirou, elles répétaient : « Mon Dieu qu’il est beau ! Ah oui quand même ! Oh, en vrai, il est plus beau qu’au cinéma, il est plus beau en vrai qu’en vrai ! ». Moi et mes habits propres. Et dire qu’elles ont obtenu le droit de vote ! Un livreur, la main sur le cœur, avec un lyrisme patriotique, clama : « Après on dit du Boulevard Barbès, hein, mais vous voyez qui le fréquente ! » Je grommelai, tout doucement, oh hein, il fait bien caca comme tout le monde.
Au café, quand même, je tentai de me la péter un peu, de pontifier comme prévu, mais ma compagne écoutait d’un air distrait. Elle lançait, parfois : « Tu as vu comme il a l’air baraqué dans sa chemise ? » ou bien : « Il avait vraiment des fesses très musclés, dis donc. Son nez, je ne dis pas. Je n’aime pas son nez. Mais le reste ! Le reste ! ». Ce fut 16 h 15, il fut temps de récupérer Kéké. Avant, j’allai au cabinet, et, vindicatif, je fis caca, oui, pareil que Brad Pitt.
Alors, tout alla mieux.
Je mis un pantalon propre. Je me sentais bien dedans. Les poches n’étaient pas encore déformées par les centaines de pièces de un centime ou les tickets de Champion jamais jetés. Je mis une chemise blanche, aussi, je m’adressai à Kéké, occupé comme d’habitude à organiser ses camions ; tu vois comme je suis bien habillé, qui c’est le plus beau, ah ben c’est ton père, tiens, tu sais c’est comme un jour de fête même si… (regard noir de Z.) .. j’achevais alors dans mes pensées : …même si on va tous crever. Je lus le dernier billet d’Olivier qui, certainement sous l' emprise d’hallucinogènes, alla jusqu’à m’attribuer un terme plus prisé dans les blogs que « procrastination » ou « miscellanées » : le terme d’influent. Ragaillardi par tant d’attentions, neuf dans mes habits propres, je me figurai tout à coup comme une sorte de demi-dieu, chassant le daim en sandales dans les forêts, tirant des flèches sur des biches avec des cordes de violon.
Je savais que j’allais, en attendant la sortie de l’école, pontifier dans un café avec ma compagne, me la jouer, bavarder de mille choses, avoir toujours raison, oisive après-midi d’étudiants.
En classe, Kéké se précipita vers les jeux, surexcité. Nous sortîmes de l’endroit, vite, tandis que notre enfant entretenait encore des illusions avec sa pâte à modeler. Il faisait beau, la vie était belle, il y avait tant d’endroits où aller. Rien, ni personne ne pouvait entamer cette confiance qui m’échauffait. Je me sentais invincible. Pour me faire de l’ombre dans cette journée splendide, pour me casser ma baraque, pour me concurrencer dans mon radieux triomphe, il aurait fallu au moins me coltiner Brad Pitt, sur le boulevard Barbès !
Dans le magasin presque désert « la Grande Récré », boulevard Barbès, Brad Pitt faisait la queue à la seule caisse ouverte, juste devant moi. Qu’est-ce qu’il fout là, lui, pensais-je, horrifié ? Qu’est-ce qu’il vient faire dans ma journée parfaite ? Il portait un petit chapeau, comme mon personnage de blog, tenant sa fille dans ses bras, il attendait la monnaie. Z., qui poursuivait inlassablement sa longue phrase débutée le matin au réveil, l’aperçut, se tourna vers moi avec une expression déchirant son visage entre « le cri » de Munch et un personnage de Guernica : « Oh la la ! murmura-t-elle en hurlant de toutes ses forces, tu as vu ? C’est Brad Pitt ! A cinquante centimètres de nous !
- Bah, je grognais, il fait bien caca comme tout le monde, non ? »
Le caissier transpirait, il n’arrivait pas à rendre la monnaie à Brad Pitt. L’acteur, blindé, murmurait des douceurs à sa fille, comme dans une bulle, derrière ses lunettes noires, évitant le regard des quelques curieux autour. La sucette de l’enfant tomba par terre, près des pieds de Z. Celle-ci, tétanisée, ne se baissa pas, et l’autre dut se tordre pour attraper la friandise au sol. Je lui reprochai doucement : c’est un truc que tu regretteras peut-être toute ta vie, ça, ne pas avoir donné une sucette à Brad Pitt. Elle me rendit une mine de désespoir entre Francis Bacon et Yves Klein. Brad salua les gens, en français, tandis que les femmes envoyaient des SMS pour divorcer de leur mari. Il regagna dehors une berline noire contenant huit vigiles et cinq avocats. Les juristes avaient apparemment demandé qu’on ne prenne pas de photo, car l’acteur était avec son enfant, vie privée. Les vigiles, eux, comparaient les innombrables clichés pris sur leur téléphones portables.
Au comptoir des papiers cadeaux, quelques clientes s’adossaient, abasourdies, encore sous le choc, un air d’extase sur la figure. Comme des Bernadette Soubirou, elles répétaient : « Mon Dieu qu’il est beau ! Ah oui quand même ! Oh, en vrai, il est plus beau qu’au cinéma, il est plus beau en vrai qu’en vrai ! ». Moi et mes habits propres. Et dire qu’elles ont obtenu le droit de vote ! Un livreur, la main sur le cœur, avec un lyrisme patriotique, clama : « Après on dit du Boulevard Barbès, hein, mais vous voyez qui le fréquente ! » Je grommelai, tout doucement, oh hein, il fait bien caca comme tout le monde.
Au café, quand même, je tentai de me la péter un peu, de pontifier comme prévu, mais ma compagne écoutait d’un air distrait. Elle lançait, parfois : « Tu as vu comme il a l’air baraqué dans sa chemise ? » ou bien : « Il avait vraiment des fesses très musclés, dis donc. Son nez, je ne dis pas. Je n’aime pas son nez. Mais le reste ! Le reste ! ». Ce fut 16 h 15, il fut temps de récupérer Kéké. Avant, j’allai au cabinet, et, vindicatif, je fis caca, oui, pareil que Brad Pitt.
Ovin
Aujourd'hui, à 14h30, c'est la rentrée de mon fils, Kéké. Que dire ?
Pendant les vacances, on visitait une ferme. Le fermier nous montre le coq, dans un clapier :
"Regardez, c'est le coq Ovin !
- Formidable ! Ovin, très joli prénom !
- Non. Au vin. C'est le coq au vin de ce dimanche. Il est beau hein ?"
Le coq, fier comme un coq, acquiesce : cot cot !
Pendant les vacances, on visitait une ferme. Le fermier nous montre le coq, dans un clapier :
"Regardez, c'est le coq Ovin !
- Formidable ! Ovin, très joli prénom !
- Non. Au vin. C'est le coq au vin de ce dimanche. Il est beau hein ?"
Le coq, fier comme un coq, acquiesce : cot cot !
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