Pour finir l'année, alors que Nicolas n'a de cesse d'évoquer les parties intimes de ses amis, voici cette belle scène du film "Life of Brian", sur le bien nommé "Biggus Dickus".
mercredi 31 décembre 2008
Le Castle of argggh
Pour finir l'année, tandis que j'erre quelque part dans la capitale des Goals, même si le dernier est parti à l'Atletico Madrid, voici le château de Arrggh, là où se trouve le Saint-Graal...
mardi 30 décembre 2008
Le World Forum
(billet programmé)
Aujourd'hui, Karl Marx, Lénine, Che Guevarra et Mao Tsé Tung dans un jeu télévisé.
"...et ce magnifique salon non matérialiste est à vous !"
Les Monty Python sur scène, à l'Hollywood Bowl. Pas mal, ça passe pour un 30 décembre.
Aujourd'hui, Karl Marx, Lénine, Che Guevarra et Mao Tsé Tung dans un jeu télévisé.
"...et ce magnifique salon non matérialiste est à vous !"
Les Monty Python sur scène, à l'Hollywood Bowl. Pas mal, ça passe pour un 30 décembre.
lundi 29 décembre 2008
Le Lumberjack song
Ceci est la chanson du bucheron. Chers lecteurs, si vous m'aimez, juste un petit peu, regardez cette courte scène en entier. Les Monty Python, c'est un peu comme ça, tout le temps, pendant des heures.
dimanche 28 décembre 2008
La spanish inquisition
Un de mes sketchs préférés, même si tous les sketchs le sont, mes préférés. Je ne saurais décrire la joie qui m'emplit à la vision de cette séquence, une sorte de mélange entre Arthur Rimbaud et de la bière. Voyez-vous même.
samedi 27 décembre 2008
Le Flying Sheep
(billet programmé)
Le Flying Sheep, sans sous-titrage, mais en français quand même. Ou comment est conçu un mouton volant, expliqué de manière cartésienne, par deux scientifiques français (en béret, if you please).
Puisque nous sommes en France, restons-y. Très Nouvelle Vague, les "Monty Python" nous présentent le film français. Il est sous-titré, mais en anglais (puisque c'est en français). Blonde dans une décharge tenant un chou, qui discute avec un révolutionnaire, entrecoupé d'images de bombardements. Si après cette séquence, vous n'entrez pas dans la secte des Monty Python immédiatement, je veux bien donner ma chemise à télécharger.
Le Flying Sheep, sans sous-titrage, mais en français quand même. Ou comment est conçu un mouton volant, expliqué de manière cartésienne, par deux scientifiques français (en béret, if you please).
Puisque nous sommes en France, restons-y. Très Nouvelle Vague, les "Monty Python" nous présentent le film français. Il est sous-titré, mais en anglais (puisque c'est en français). Blonde dans une décharge tenant un chou, qui discute avec un révolutionnaire, entrecoupé d'images de bombardements. Si après cette séquence, vous n'entrez pas dans la secte des Monty Python immédiatement, je veux bien donner ma chemise à télécharger.
vendredi 26 décembre 2008
Les Silly Walks
(billet programmé)
Puisque nous sommes dans les Monty Python, et puisque nous sommes le 26 décembre, voici un deuxième extrait. L'indispensable sketch "The ministry of silly walks" (le ministère des démarches ridicules), avec un sous-titrage en français.
Les rires enregistrés sont exaspérants, mais il parait qu'ils étaient enregistrés en direct, un truc comme ça. C'est peut-être un point commun avec Benny Hill.
Quand même, chers lecteurs, imaginez un programme de cet acabit diffusé aujourd'hui, à la télé, en France, entre "plus belle la vie" et "super Nany". Hein ? Alors, admettez qu'ils étaient bon, ces individus-là.
Puisque nous sommes dans les Monty Python, et puisque nous sommes le 26 décembre, voici un deuxième extrait. L'indispensable sketch "The ministry of silly walks" (le ministère des démarches ridicules), avec un sous-titrage en français.
Les rires enregistrés sont exaspérants, mais il parait qu'ils étaient enregistrés en direct, un truc comme ça. C'est peut-être un point commun avec Benny Hill.
Quand même, chers lecteurs, imaginez un programme de cet acabit diffusé aujourd'hui, à la télé, en France, entre "plus belle la vie" et "super Nany". Hein ? Alors, admettez qu'ils étaient bon, ces individus-là.
samedi 20 décembre 2008
Le coeur de l'armée bouge
Je tiens d'abord à m'excuser pour le titre. Je ne le ferai plus. 2009 approche, tout va changer.
Je voulais à la base laisser un mot sur la petite chorale de Noël entendue vendredi matin, c'était le premier spectacle de kéké.
Bizarrement, bien que lourdement midinette à mes heures, j'ai trouvé ce chœur de micro-chanteurs au nez morveux plus cocasse qu'attendrissant, l'écoute de ces Pères Noël qui entraient par tous les trous de cheminée m'a plongé dans une humeur sarcastique quelques bonnes minutes. J'ai, évidemment, eu le cœur serré, lorsque j'ai aperçu kéké m'apercevoir, lever sa main, et me saluer doucement parmi les enfants qui gueulaient, mais pas plus que Clint Eastwood examinant son pistolet propre, au coucher du soleil.
Atteint de la célèbre névrose du blogueur, celle qui consiste à imaginer, au moment où on le vit, le "billet" qui va en découler, je me gaussais des enfants empilés sur des bancs, comme des amphores dans un Bricorama sur l'autoroute. Les grands assuraient la mélodie, les moyens bafouillaient la chanson, mais celle d'avant, en mimant des lutins avec leurs doigts, les petits ne faisaient rien, observant la chorale des parents ployer sous le poids des appareils photo. Intérieurement, je me moquais beaucoup de ces petits, inertes, la bouche ouverte, les yeux dans le vide, perdus dans leurs rêves parmi le brouhaha ; je les trouvai d'un ridicule désarmant, lorsque je vis kéké, la bouche ouverte, les yeux dans le vide, perdu dans son rêve parmi le brouhaha ; sublime ; je ne fus pas surpris ; lui, si indépendant, indifférent à cette foire grotesque, unique, exilé sur le sol au milieu des niais, forcément génial, avec un talent considérable dans l'exécution de son non-chant.
A la fin, Z. s'est levée, émue, les yeux humides. Et j'ai rattrapé le temps perdu en étant ému seulement trois secondes, mais très fort. Puis nous avons mangé des crêpes au Nutella, ce qui m'a ému l'estomac.
Dans le métro, parti travailler, de bonne humeur, je fus pris d'un sentiment poisseux, comme si les pigeons de la Mélancolie m'avaient fait caca dessus, lorsque je lus, dans le journal gratuit, ces histoires de jeunes qui se mettent des sacs sur la tête, tout ça - les bonshommes doigts du père Noël - pour en arriver là. Le soir, kéké était en vacances, par procuration, j'en fus euphorique.
Mais en fait, j'ai surtout envie de laisser la suite à Z, c'est tellement mieux dit ici...
Je voulais à la base laisser un mot sur la petite chorale de Noël entendue vendredi matin, c'était le premier spectacle de kéké.
Bizarrement, bien que lourdement midinette à mes heures, j'ai trouvé ce chœur de micro-chanteurs au nez morveux plus cocasse qu'attendrissant, l'écoute de ces Pères Noël qui entraient par tous les trous de cheminée m'a plongé dans une humeur sarcastique quelques bonnes minutes. J'ai, évidemment, eu le cœur serré, lorsque j'ai aperçu kéké m'apercevoir, lever sa main, et me saluer doucement parmi les enfants qui gueulaient, mais pas plus que Clint Eastwood examinant son pistolet propre, au coucher du soleil.
Atteint de la célèbre névrose du blogueur, celle qui consiste à imaginer, au moment où on le vit, le "billet" qui va en découler, je me gaussais des enfants empilés sur des bancs, comme des amphores dans un Bricorama sur l'autoroute. Les grands assuraient la mélodie, les moyens bafouillaient la chanson, mais celle d'avant, en mimant des lutins avec leurs doigts, les petits ne faisaient rien, observant la chorale des parents ployer sous le poids des appareils photo. Intérieurement, je me moquais beaucoup de ces petits, inertes, la bouche ouverte, les yeux dans le vide, perdus dans leurs rêves parmi le brouhaha ; je les trouvai d'un ridicule désarmant, lorsque je vis kéké, la bouche ouverte, les yeux dans le vide, perdu dans son rêve parmi le brouhaha ; sublime ; je ne fus pas surpris ; lui, si indépendant, indifférent à cette foire grotesque, unique, exilé sur le sol au milieu des niais, forcément génial, avec un talent considérable dans l'exécution de son non-chant.
A la fin, Z. s'est levée, émue, les yeux humides. Et j'ai rattrapé le temps perdu en étant ému seulement trois secondes, mais très fort. Puis nous avons mangé des crêpes au Nutella, ce qui m'a ému l'estomac.
Dans le métro, parti travailler, de bonne humeur, je fus pris d'un sentiment poisseux, comme si les pigeons de la Mélancolie m'avaient fait caca dessus, lorsque je lus, dans le journal gratuit, ces histoires de jeunes qui se mettent des sacs sur la tête, tout ça - les bonshommes doigts du père Noël - pour en arriver là. Le soir, kéké était en vacances, par procuration, j'en fus euphorique.
Mais en fait, j'ai surtout envie de laisser la suite à Z, c'est tellement mieux dit ici...
vendredi 19 décembre 2008
Le tag de l'inculture (2/2)
Cette "chaîne de blog" est un bon accessoire pour réfléchir, en ce moment, sur ce sentiment simple, et que je commence à trouver assez fondamental, à l'heure où je suis, statistiquement, censé atteindre la moitié de ma vie, à l'heure où je me vois au sommet de la colline, sur le belvédère : le sentiment indécrottable de m'être cultivé, mais de me sentir rustre tout de même, essentiellement plouc, ignorant fagoté en Miss Monde.
Cette idée du costume mal ajusté, on la triture, on s'en amuse, comme le petit stylo qu'on fait tourner dans ses doigts, nerveusement. On insiste plaisamment sur sa petitesse, pour la minimiser. Halloween intellectuel, on se fait peur, on met le pied dans l'eau froide, et le sortir nous réchauffe. Ce sentiment d'inconfort, d'inadéquation, se transforme peu à peu en humilité, à la longue, qui n'est ni fausse modestie, ni orgueil grimé, arlequin de précaution ; on localise sa place au milieu de l'existence, sous-préfecture faite homme, entre les bornes du grotesque et du beau. On se fait une raison. Et les pages des livres que l'on tourne, petites piécettes jetées dans son puits à l'eau trouble, on les lit, avec un plaisir vrai, sans enjeu, pour rien, pour vivre.
Livres : Une fois la fac terminée, je me suis senti tel le coureur cycliste dopé, chargé de produits intellectuels plus ou moins suspects. On aurait pu découper mon crâne d'oie, pour en faire du cerveau gras. Sinon, je lis tellement lentement, que j'en suis à inventer des blagues. Tiens, qu'est-ce que je vais lire, cette année ? J'ai adoré la page que j'ai lue la semaine dernière. Oh merci, un livre de 600 pages ! Mais qu'est-ce que je vais lire, après, dans cinq ans ? Quand j'étais mineur, j'ai lu Germinal. On peut emprunter dix livres, à la bibliothèque, j'espère survivre jusque là. Sur mon testament, j'indiquerai les livres que kéké finira à ma place.
Géographie : en lisant les billets consacrés à cette chaîne, je me rends compte de l'étendu des dégâts. J'ai toujours cru Brazzaville au Brésil, Colomboville en Colombie, Tirana dans une tyrannie, Villeneuve d'Asq au sud, Bruxelles en Belgique. J'ai cru que le Pôle Nord était plein de banquises, avec des pingouins ou des manchots, bref, le mauvais animal. Je suis - par erreur - abonné à National Geographic, je ne paye pas l'abonnement. J'ai signalé de nombreuses fois que je recevais un exemplaire qui ne m'était pas réservé. Cet établissement énigmatique a toujours renoncé à rectifier cette erreur. Comment interpréter cet accident du Grand Horloger ? Suis-je vraiment miraculeusement nul en géographie ? Qu'il faille compenser, pour l'équilibre cosmique, par des revues gratuites ? J'espère à ma prochaine partie gagner le Camembert bleu plus facilement, quand même. Mais je préfère m'effacer sur ce sujet devant ce que dit l'indispensable Mtislav à ce sujet : "Si j'étais moins paresseux, je serais davantage voyageur. C'est la paresse qui me fait davantage géographe".
mathématiques : Ma mère était nulle en math. Moi, j'étais fort en maths. Du coup, à la maison, j'étais une sorte d'oracle, de prêtre des sciences exactes, d'émissaire de la grande calculerie, bien que simplement bon en calcul. En tant que bon fils, donc, il m'est donc impossible d'imaginer ou d'exposer la moindre inculture en mathématiques, ce serait m'attaquer au fils aîné de ma mère, j'aurais la fâcheuse impression, ce faisant, de m'avorter.
Nourriture : J'aime les frites. Au restaurant, je suis triste quand "il n'y en a pas beaucoup". Ma douce me dit : "Mais ce n'est pas la quantité qui compte ! Mais la qualité !". Je bougonne, je rouspète. Oui c'est vrai tu as raison. Mais quand même. Parfois, il arrive que ma compagne ait une assiette de frites plus fournie que la mienne. Je ressens cela comme une injustice, je ne dis rien parce que c'est ridicule, comme si ma mère m'avait dit : tiens, va jouer dans ton placard, ton frère joue avec son nouveau cadeau. Je scrute son assiette, et je lui dis, avec nonchalance : "L'été approche, tiens, tu as pensé à un maillot de bain ? - Mais non, répond-elle, nous n'allons pas à la mer, pourquoi ? " Je fais diversion, du coq à l'âne, je lâche : "Intéressant, le nouveau régime minceur miracle du dernier Elle." Puis je marque un temps, et je conclue : "Bon, nous en parlerons dès que tu auras fini toutes ces frites."
Boissons : Je n'y connais rien en vin. L'autre soir, je suis allé chez le marchand de vin, un type voluptueux avec des tics, barbu, une sorte d'Ulysse caviste. Ses tics qui ravagent son visage donnent l'impression que vos demandes sont absolument scandaleuses. Cet homme me met hors de moi. A chaque fois, j'essaye d'être le plus rustre possible : "Rouge. Entre x et y euros." Il me regarde, réfléchi, interdit, choqué, sa figure outrée par l'extrême mauvais goût de me parler, comme si je lui demandais : "Votre femme. Pipe. Entre x et y euros". Après il me sort un discours pompeux sur les écorces de nuit dans la robe d'une myrtille sucrée et salée mais sèche à la fois, murmurant un secret, comme s'il me filait le code l'arme atomique. Je pense de toute mes forces : "Vous fatiguez pas, de toute façon, je vais certainement vomir, alors".
Mais j'aime le vin, enfin, pas la boisson, qui n'est pas ma préférée, mais j'aime le Vin, le rouge qui tâche, que l'on cueille fraternellement dans les Vendanges, amis avinés aux pactes bavards ; je me souviens de ce sentiment de lyrisme incroyable qui m'a pris à la gorge, devant ces centaines de camions débordants de fruits, saisonniers violets, cuves immenses et grondantes, bruits de forges, vulcains barbus mesurant le sucre des raisins, fourmis efficaces et boiteuses aux figures étranges, satyres aux nez rouge, débardant les bennes comme dans un gigantesque opéra spiritueux. Sentiment euphorique d'être un maillon dans une immense machinerie. Alors je lui montre, au caviste, ma cicatrice au doigt, quand au détour d'un bosquet, ma main s'est faite prendre en embuscade par un sécateur ami : "Ce Vin, voyez-vous, c'est peut-être moi qui l'ai fait !"
EDIT : Zut ! J'ai oublié de faire passer la chaîne ! Allez, hop : Mots d'Elle, Spermy (même si son blog a beaucoup contribué à ce tag, déjà), Lucia Mel (ça lui fera une pause dans Bourdieu), Georges Flipo (parce son métier précédent a beaucoup contribué à ce tag, déjà, et que son métier actuel l'oblige à faire des "tags" pour se faire bien voir histoire de donner envie d'acheter son livre), et la Mère Castor (juste pour que alliez faire un tour chez elle).
Cette idée du costume mal ajusté, on la triture, on s'en amuse, comme le petit stylo qu'on fait tourner dans ses doigts, nerveusement. On insiste plaisamment sur sa petitesse, pour la minimiser. Halloween intellectuel, on se fait peur, on met le pied dans l'eau froide, et le sortir nous réchauffe. Ce sentiment d'inconfort, d'inadéquation, se transforme peu à peu en humilité, à la longue, qui n'est ni fausse modestie, ni orgueil grimé, arlequin de précaution ; on localise sa place au milieu de l'existence, sous-préfecture faite homme, entre les bornes du grotesque et du beau. On se fait une raison. Et les pages des livres que l'on tourne, petites piécettes jetées dans son puits à l'eau trouble, on les lit, avec un plaisir vrai, sans enjeu, pour rien, pour vivre.
Livres : Une fois la fac terminée, je me suis senti tel le coureur cycliste dopé, chargé de produits intellectuels plus ou moins suspects. On aurait pu découper mon crâne d'oie, pour en faire du cerveau gras. Sinon, je lis tellement lentement, que j'en suis à inventer des blagues. Tiens, qu'est-ce que je vais lire, cette année ? J'ai adoré la page que j'ai lue la semaine dernière. Oh merci, un livre de 600 pages ! Mais qu'est-ce que je vais lire, après, dans cinq ans ? Quand j'étais mineur, j'ai lu Germinal. On peut emprunter dix livres, à la bibliothèque, j'espère survivre jusque là. Sur mon testament, j'indiquerai les livres que kéké finira à ma place.
Géographie : en lisant les billets consacrés à cette chaîne, je me rends compte de l'étendu des dégâts. J'ai toujours cru Brazzaville au Brésil, Colomboville en Colombie, Tirana dans une tyrannie, Villeneuve d'Asq au sud, Bruxelles en Belgique. J'ai cru que le Pôle Nord était plein de banquises, avec des pingouins ou des manchots, bref, le mauvais animal. Je suis - par erreur - abonné à National Geographic, je ne paye pas l'abonnement. J'ai signalé de nombreuses fois que je recevais un exemplaire qui ne m'était pas réservé. Cet établissement énigmatique a toujours renoncé à rectifier cette erreur. Comment interpréter cet accident du Grand Horloger ? Suis-je vraiment miraculeusement nul en géographie ? Qu'il faille compenser, pour l'équilibre cosmique, par des revues gratuites ? J'espère à ma prochaine partie gagner le Camembert bleu plus facilement, quand même. Mais je préfère m'effacer sur ce sujet devant ce que dit l'indispensable Mtislav à ce sujet : "Si j'étais moins paresseux, je serais davantage voyageur. C'est la paresse qui me fait davantage géographe".
mathématiques : Ma mère était nulle en math. Moi, j'étais fort en maths. Du coup, à la maison, j'étais une sorte d'oracle, de prêtre des sciences exactes, d'émissaire de la grande calculerie, bien que simplement bon en calcul. En tant que bon fils, donc, il m'est donc impossible d'imaginer ou d'exposer la moindre inculture en mathématiques, ce serait m'attaquer au fils aîné de ma mère, j'aurais la fâcheuse impression, ce faisant, de m'avorter.
Nourriture : J'aime les frites. Au restaurant, je suis triste quand "il n'y en a pas beaucoup". Ma douce me dit : "Mais ce n'est pas la quantité qui compte ! Mais la qualité !". Je bougonne, je rouspète. Oui c'est vrai tu as raison. Mais quand même. Parfois, il arrive que ma compagne ait une assiette de frites plus fournie que la mienne. Je ressens cela comme une injustice, je ne dis rien parce que c'est ridicule, comme si ma mère m'avait dit : tiens, va jouer dans ton placard, ton frère joue avec son nouveau cadeau. Je scrute son assiette, et je lui dis, avec nonchalance : "L'été approche, tiens, tu as pensé à un maillot de bain ? - Mais non, répond-elle, nous n'allons pas à la mer, pourquoi ? " Je fais diversion, du coq à l'âne, je lâche : "Intéressant, le nouveau régime minceur miracle du dernier Elle." Puis je marque un temps, et je conclue : "Bon, nous en parlerons dès que tu auras fini toutes ces frites."
Boissons : Je n'y connais rien en vin. L'autre soir, je suis allé chez le marchand de vin, un type voluptueux avec des tics, barbu, une sorte d'Ulysse caviste. Ses tics qui ravagent son visage donnent l'impression que vos demandes sont absolument scandaleuses. Cet homme me met hors de moi. A chaque fois, j'essaye d'être le plus rustre possible : "Rouge. Entre x et y euros." Il me regarde, réfléchi, interdit, choqué, sa figure outrée par l'extrême mauvais goût de me parler, comme si je lui demandais : "Votre femme. Pipe. Entre x et y euros". Après il me sort un discours pompeux sur les écorces de nuit dans la robe d'une myrtille sucrée et salée mais sèche à la fois, murmurant un secret, comme s'il me filait le code l'arme atomique. Je pense de toute mes forces : "Vous fatiguez pas, de toute façon, je vais certainement vomir, alors".
Mais j'aime le vin, enfin, pas la boisson, qui n'est pas ma préférée, mais j'aime le Vin, le rouge qui tâche, que l'on cueille fraternellement dans les Vendanges, amis avinés aux pactes bavards ; je me souviens de ce sentiment de lyrisme incroyable qui m'a pris à la gorge, devant ces centaines de camions débordants de fruits, saisonniers violets, cuves immenses et grondantes, bruits de forges, vulcains barbus mesurant le sucre des raisins, fourmis efficaces et boiteuses aux figures étranges, satyres aux nez rouge, débardant les bennes comme dans un gigantesque opéra spiritueux. Sentiment euphorique d'être un maillon dans une immense machinerie. Alors je lui montre, au caviste, ma cicatrice au doigt, quand au détour d'un bosquet, ma main s'est faite prendre en embuscade par un sécateur ami : "Ce Vin, voyez-vous, c'est peut-être moi qui l'ai fait !"
EDIT : Zut ! J'ai oublié de faire passer la chaîne ! Allez, hop : Mots d'Elle, Spermy (même si son blog a beaucoup contribué à ce tag, déjà), Lucia Mel (ça lui fera une pause dans Bourdieu), Georges Flipo (parce son métier précédent a beaucoup contribué à ce tag, déjà, et que son métier actuel l'oblige à faire des "tags" pour se faire bien voir histoire de donner envie d'acheter son livre), et la Mère Castor (juste pour que alliez faire un tour chez elle).
mercredi 17 décembre 2008
Le tag de l'inculture (1/2)
(Marie-Georges m'a tagué, j'essaye de terminer ce foutu billet depuis samedi !)
En culture, comme en médecine, il y a les généralistes, et les spécialistes. Il y a les professeurs d'université, et les médecins de campagne. Moi j'ai la culture généraliste, et de campagne. Je me ballade avec ma petite mallette de savoir, l'air bonhomme, comme si je disais à la maman inquiète, désignant l'enfant verdâtre avec des pustules sur tout le corps : c'est un rhume ! Un bon grog, et ça ira mieux.
Généraliste, c'est à dire que je sais des tas de choses dans des tas de domaines, mais finalement, rien en profondeur. C'est très pratique pour gagner au Trivial Pursuit : je gagne tout le temps. Par contre, quand je dois soutenir une discussion avec un personnage spécialiste, un qui est dans le dur, au fond du puits et qui creuse encore, ça fait illusion un moment, tout va bien. J'écoute, je fais : mmmh mmmh, l'air absorbé, l'air d'avoir tellement d'éléments et de données dans mon cerveau que le temps de calcul pour accoucher d'une réponse est extravagant. Je me tais, plissant les yeux. Puis je feins de m'évanouir, je tombe en arrière, d'un coup. C'est une bonne diversion. On croit que je fais un malaise. Je ne suis pas démasqué. Et je continue ma tournée de vie, ma mallette à la main, bonhomme.
Quand j'étais étudiant, cette pratique des choses était exaltante. Je me prenais pour un Pic de la Mirandole. Je voulais "éclater les carcans", déchirer les chemises intellectuelles, tel un Hulk encyclopédiste. Mais le temps ayant passé, j'ai l'impression que ma culture s'est affaissée comme une opulente poitrine siliconée.
Voici donc, il faut faire semblant de se vilipender en quelques thèmes :
Théâtre : Il y a longtemps, j'ai été sollicité par des étudiants en théâtre, pour une sorte de mission obscure, factotum, ou joueur de fifre, preneur de notes, cameraman sans appareil, figurant hors-scène. L'étudiante en maîtrise qui m'avait contacté était si sérieuse, j'avais l'impression que ses parents avaient souhaité faire, avec elle, un enfant d'art et d'essai, ou prendre un risque, ou se mettre en danger, comme des Brad Pitt, car ils "n'avaient pas de plan de carrière". Cette fille sophistiquée était l'opposé exact du coussin péteur, l'opposé exact de moi. Écrivant ceci, je me trouve, par syllogisme, assimilé au coussin péteur, image que je réfute aussitôt, bien sûr.
Dans un entrepôt, parmi des étudiants déguisés en bleus de travail, sérieux, mais libres tout de même, elle donnait des consignes à une comédienne. "Traverse la pièce". Après, elle réfléchissait, corrigeait : "Traverse la pièce, mais imagine que tu as un mouchoir d'immobilité dans ta poche." Elle concluait ensuite que c'était très intéressant, et que tout le monde progressait.
Elle m'a raccompagné un soir, et dans une langue étrange - je crois qu'elle utilisait un dialecte qui se nomme le "Marguerite Duras" - elle me dit à propos de mon prénom, en signe de connivence : "Ah, oui. Comme Poquelin...". Je ne sais pas ce qui m'a prit, peut-être pour voir si un lien d'humour était possible entre nous, j'ai répondu avec la vivacité d'esprit d'un steak : "Oui, comme les grues Poclain, je connais. Les chantiers." Puis j'ai gardé une expression de bovin angélique, elle, celle du taxi opaque dans la nuit du destin, et nous ne nous sommes plus jamais revus.
(La pièce, une fois montée, fut très belle, selon des proches).
Cinéma : A Lyon, j'ai travaillé dans un cinéma, au CNP des Terreaux. Mon épouse était à la caisse, et moi, en vigile. C'était une période bénie ! J'étais aussi crédible en vigile que Sébastien Chabal dans un ballet de Micheline Pietragalla, c'était comique. Je m'approchais de ma compagne, dans les couloirs noirs et feutrés, et tandis qu'elle, Juliette dans son balcon à L'hygiaphone, comptait les sous, sa perpétuelle goûte au nez (du fait des courants d'air), moi je murmurais, des milliers de coupons déchirés à la main : "Ces tickets, je les ai déchirés pour toi, tous, les tarifs réduits, les tarifs chômeurs, les pleins tarifs". Elle me répondait, la voix métallisée par le transistor de la cabine : "Oh !"
Cet emploi offrait un avantage : nous avions le cinéma à l'oeil. Parfois, le dimanche, nous enchaînions 5 films. Nous avions la tête éclatée en rentrant, et la nuit était pleine de voix amplifiées et de lueurs. Le jour de l'An, ou à Noël, nous fermions la boutique, la neige tombait, nous saluions les gens seuls, venus peupler leur non-fête par des films afghans.
Sinon, puisqu'on parle de l'inculture, même s'il est d'usage de souligner en filigrane que l'on est "cultivé quand même", je reprends le sujet par les cornes et je garde le cap : j'ai beaucoup aimé Amélie Poulain (et Titanic, aussi).
Je me souviens d'une collègue, discrète parisienne parmi la peuplade souterraine du métro, qui avait vu Amélie le jour de sa sortie. Elle m'a dit, subjuguée, retournée : "J'ai fait une découverte, va voir le film de Jeunet, mine de rien, c'est une perle dans toute cette morosité, une vraie fraîcheur, etc." Ayant vu les "Delicatessen", "machins des enfants perdus", je m'y suis précipité. J'ai, moi aussi, "adoré". Six mois plus tard, tandis qu'Amélie passait à l'Elysée, que Bernadette Chirac envisageait sérieusement la coupe brune au carré, que Raffarin inventait la "positive Amélie attitude", que, dans les publicités, des filles brunes toutes mignonnes oeuvraient pour leur propre bonheur en mangeant des gentils yaourts, ou contractaient de primesautières assurances-vie, la même collègue leva les yeux aux ciel à l'évocation de ce film, répétant : "Que ce film est mièvre ! Que ce film est mièvre ! Ne m'en parlez pas ! Une purge."
(A suivre !)
En culture, comme en médecine, il y a les généralistes, et les spécialistes. Il y a les professeurs d'université, et les médecins de campagne. Moi j'ai la culture généraliste, et de campagne. Je me ballade avec ma petite mallette de savoir, l'air bonhomme, comme si je disais à la maman inquiète, désignant l'enfant verdâtre avec des pustules sur tout le corps : c'est un rhume ! Un bon grog, et ça ira mieux.
Généraliste, c'est à dire que je sais des tas de choses dans des tas de domaines, mais finalement, rien en profondeur. C'est très pratique pour gagner au Trivial Pursuit : je gagne tout le temps. Par contre, quand je dois soutenir une discussion avec un personnage spécialiste, un qui est dans le dur, au fond du puits et qui creuse encore, ça fait illusion un moment, tout va bien. J'écoute, je fais : mmmh mmmh, l'air absorbé, l'air d'avoir tellement d'éléments et de données dans mon cerveau que le temps de calcul pour accoucher d'une réponse est extravagant. Je me tais, plissant les yeux. Puis je feins de m'évanouir, je tombe en arrière, d'un coup. C'est une bonne diversion. On croit que je fais un malaise. Je ne suis pas démasqué. Et je continue ma tournée de vie, ma mallette à la main, bonhomme.
Quand j'étais étudiant, cette pratique des choses était exaltante. Je me prenais pour un Pic de la Mirandole. Je voulais "éclater les carcans", déchirer les chemises intellectuelles, tel un Hulk encyclopédiste. Mais le temps ayant passé, j'ai l'impression que ma culture s'est affaissée comme une opulente poitrine siliconée.
Voici donc, il faut faire semblant de se vilipender en quelques thèmes :
Théâtre : Il y a longtemps, j'ai été sollicité par des étudiants en théâtre, pour une sorte de mission obscure, factotum, ou joueur de fifre, preneur de notes, cameraman sans appareil, figurant hors-scène. L'étudiante en maîtrise qui m'avait contacté était si sérieuse, j'avais l'impression que ses parents avaient souhaité faire, avec elle, un enfant d'art et d'essai, ou prendre un risque, ou se mettre en danger, comme des Brad Pitt, car ils "n'avaient pas de plan de carrière". Cette fille sophistiquée était l'opposé exact du coussin péteur, l'opposé exact de moi. Écrivant ceci, je me trouve, par syllogisme, assimilé au coussin péteur, image que je réfute aussitôt, bien sûr.
Dans un entrepôt, parmi des étudiants déguisés en bleus de travail, sérieux, mais libres tout de même, elle donnait des consignes à une comédienne. "Traverse la pièce". Après, elle réfléchissait, corrigeait : "Traverse la pièce, mais imagine que tu as un mouchoir d'immobilité dans ta poche." Elle concluait ensuite que c'était très intéressant, et que tout le monde progressait.
Elle m'a raccompagné un soir, et dans une langue étrange - je crois qu'elle utilisait un dialecte qui se nomme le "Marguerite Duras" - elle me dit à propos de mon prénom, en signe de connivence : "Ah, oui. Comme Poquelin...". Je ne sais pas ce qui m'a prit, peut-être pour voir si un lien d'humour était possible entre nous, j'ai répondu avec la vivacité d'esprit d'un steak : "Oui, comme les grues Poclain, je connais. Les chantiers." Puis j'ai gardé une expression de bovin angélique, elle, celle du taxi opaque dans la nuit du destin, et nous ne nous sommes plus jamais revus.
(La pièce, une fois montée, fut très belle, selon des proches).
Cinéma : A Lyon, j'ai travaillé dans un cinéma, au CNP des Terreaux. Mon épouse était à la caisse, et moi, en vigile. C'était une période bénie ! J'étais aussi crédible en vigile que Sébastien Chabal dans un ballet de Micheline Pietragalla, c'était comique. Je m'approchais de ma compagne, dans les couloirs noirs et feutrés, et tandis qu'elle, Juliette dans son balcon à L'hygiaphone, comptait les sous, sa perpétuelle goûte au nez (du fait des courants d'air), moi je murmurais, des milliers de coupons déchirés à la main : "Ces tickets, je les ai déchirés pour toi, tous, les tarifs réduits, les tarifs chômeurs, les pleins tarifs". Elle me répondait, la voix métallisée par le transistor de la cabine : "Oh !"
Cet emploi offrait un avantage : nous avions le cinéma à l'oeil. Parfois, le dimanche, nous enchaînions 5 films. Nous avions la tête éclatée en rentrant, et la nuit était pleine de voix amplifiées et de lueurs. Le jour de l'An, ou à Noël, nous fermions la boutique, la neige tombait, nous saluions les gens seuls, venus peupler leur non-fête par des films afghans.
Sinon, puisqu'on parle de l'inculture, même s'il est d'usage de souligner en filigrane que l'on est "cultivé quand même", je reprends le sujet par les cornes et je garde le cap : j'ai beaucoup aimé Amélie Poulain (et Titanic, aussi).
Je me souviens d'une collègue, discrète parisienne parmi la peuplade souterraine du métro, qui avait vu Amélie le jour de sa sortie. Elle m'a dit, subjuguée, retournée : "J'ai fait une découverte, va voir le film de Jeunet, mine de rien, c'est une perle dans toute cette morosité, une vraie fraîcheur, etc." Ayant vu les "Delicatessen", "machins des enfants perdus", je m'y suis précipité. J'ai, moi aussi, "adoré". Six mois plus tard, tandis qu'Amélie passait à l'Elysée, que Bernadette Chirac envisageait sérieusement la coupe brune au carré, que Raffarin inventait la "positive Amélie attitude", que, dans les publicités, des filles brunes toutes mignonnes oeuvraient pour leur propre bonheur en mangeant des gentils yaourts, ou contractaient de primesautières assurances-vie, la même collègue leva les yeux aux ciel à l'évocation de ce film, répétant : "Que ce film est mièvre ! Que ce film est mièvre ! Ne m'en parlez pas ! Une purge."
(A suivre !)
vendredi 5 décembre 2008
En avant l'amnésique
Je regarde par la fenêtre, j'ai un balcon étroit qui donne sur la rue. J'ai toujours rêvé d'un petit balcon pour y fumer mes cigarettes ; maintenant je ne fume plus, mais j'ai un petit balcon.
Je le regarde et je pense, le visage écrasé contre la vitre : maudit petit balcon. J'ai passé une semaine étrange. Je suis fatigué, comme j'ai commencé une cure de vitamines, je suis fatigué en pleine forme.
A la cantine, le cuistot commence à m'appeler Monsieur Frite. Je n'aime pas ça. Mais comme je suis très ouvert d'esprit, je souris et je réponds : "j'aime les frites, que voulez-vous." Aujourd'hui, Z. est allée à l'hôpital, avec Kéké, comme ce n'était pas grave, finalement, nous avons été soulagés.
Pour me récompenser de toutes mes aventures depuis l'aube de mon humanité, j'ai décidé de prendre des frites à midi. Le cuistot est arrivé, me voyant avec mon plateau orné d'une nappe en papier blanche, il m'a dit, il m'a susurré plutôt, avec une merveilleuse discrétion : "avec ça, des frites ?"
Je me serais cru au Fouquet's, ou dans un bordel de luxe, je me sentais comme le Prince d'un quelconque rocher. Ce tact très hôtelier, cette épochè du patron de bar face à son pilier, c'était remarquable. J'ai opiné, au diable les z'harricots et la glauque engeance légumineuse, donnez moi de la patate, pour que j'ai la patate.
Avec une noblesse achevée, un geste expert et mélancolique, il a sorti la grille de la friteuse, et le produit étincelant de la friture semblait un cabas rempli d'or !
Dans le métro quelqu'un parlait tout seul, je me suis surpris à ne plus en être surpris. J'ai posé mon livre sur mes genoux, et regardé au loin, dans l'infini obscur derrière la vitre, un infini avec moi en train de nager dans la mer, hélant les gens sur la plage, regarde comme je vais loin, vacances permanentes, et une fille pas tellement belle a cru que je la fixais intensément, elle s'est levée quelques secondes plus tôt que nécessaire pour sortir. A la place de cet infini de songe, il y avait une sorte de fauteuil vide.
Kéké est sur le lit, pendant ce temps, allongé, il regarde son chien en peluche, sa bonne fripe fidèle, il lui dit : "tu es beau comme un vieux."
Je le regarde et je pense, le visage écrasé contre la vitre : maudit petit balcon. J'ai passé une semaine étrange. Je suis fatigué, comme j'ai commencé une cure de vitamines, je suis fatigué en pleine forme.
A la cantine, le cuistot commence à m'appeler Monsieur Frite. Je n'aime pas ça. Mais comme je suis très ouvert d'esprit, je souris et je réponds : "j'aime les frites, que voulez-vous." Aujourd'hui, Z. est allée à l'hôpital, avec Kéké, comme ce n'était pas grave, finalement, nous avons été soulagés.
Pour me récompenser de toutes mes aventures depuis l'aube de mon humanité, j'ai décidé de prendre des frites à midi. Le cuistot est arrivé, me voyant avec mon plateau orné d'une nappe en papier blanche, il m'a dit, il m'a susurré plutôt, avec une merveilleuse discrétion : "avec ça, des frites ?"
Je me serais cru au Fouquet's, ou dans un bordel de luxe, je me sentais comme le Prince d'un quelconque rocher. Ce tact très hôtelier, cette épochè du patron de bar face à son pilier, c'était remarquable. J'ai opiné, au diable les z'harricots et la glauque engeance légumineuse, donnez moi de la patate, pour que j'ai la patate.
Avec une noblesse achevée, un geste expert et mélancolique, il a sorti la grille de la friteuse, et le produit étincelant de la friture semblait un cabas rempli d'or !
Dans le métro quelqu'un parlait tout seul, je me suis surpris à ne plus en être surpris. J'ai posé mon livre sur mes genoux, et regardé au loin, dans l'infini obscur derrière la vitre, un infini avec moi en train de nager dans la mer, hélant les gens sur la plage, regarde comme je vais loin, vacances permanentes, et une fille pas tellement belle a cru que je la fixais intensément, elle s'est levée quelques secondes plus tôt que nécessaire pour sortir. A la place de cet infini de songe, il y avait une sorte de fauteuil vide.
Kéké est sur le lit, pendant ce temps, allongé, il regarde son chien en peluche, sa bonne fripe fidèle, il lui dit : "tu es beau comme un vieux."
lundi 1 décembre 2008
La solitude de l'entriste au moment d'entrer
Je suis face aux portes automatiques, il faut passer le badge magnétique afin de les franchir. Pour me prendre un café, je dois sortir du souterrain, et gagner le souterrain d’en face. Pour sortir du souterrain, je franchis deux portes automatiques et une porte non-automatique.
La porte non-automatique est en bois. Elle se reconnaît à son opacité et à son inertie toute boisée. Les deux autres, plus loin, sont en verre, elles coulissent à notre arrivée. On trouve parfois un employé, un gobelet à la main, qui patiente devant la porte en bois. L’employé est vêtu en général d'un pantalon en toile gris, monté assez haut au niveau du ventre, juste en deçà du nombril, ce qui laisse entrevoir des chaussettes, et même des mollets. On lui ouvre la porte devant laquelle il est planté, lui indiquant avec gentillesse : « elle n’est pas automatique ! » et il vous répond sèchement : « j’étais en train de réfléchir. » Excuse ou pas, peu importe, on ferme la porte derrière soi. On attend quelques secondes. On ouvre la porte en bois pour voir si tout vas bien. L’employé est toujours là, et répète : « j’étais en train de réfléchir ! »
Les portes en verre, elles, s’ouvrent seules, et lentement. Propres, elles savent se faire oublier à notre passage, et produisent un agréable bruit de glissement feutré. Cela étant, si on avance au rythme triomphant d’un Rastignac du secteur tertiaire, fonçant tête baissée dans les couloirs, on se prend la porte en verre très fort sur le visage. Réflexe pavlovien, au bout de quelques semaines, le rythme de marche est conséquemment ralenti. L’employé lambda avance prudemment, la main au gobelet légèrement aux avant-postes, pour détecter d’éventuelles portes ultra-transparentes, tel un animal craintif dans les couloirs blancs.
Afin de limiter les collisions, de gros cercles rouges ont été disposés au milieu des portes automatiques, à hauteur du visage. La hauteur choisie est standard, environ un mètre soixante-cinq, pour qu’hommes et femmes puissent bénéficier de cette alerte. Malheureusement, les employés nains ont souvent le nez meurtri.
Je tente de revenir dans mon sous-sol, mon café à la main. Il faut retrouver le badge, pour le détecteur. La carte est enfouie dans une poche de mon blouson, parmi d’innombrables papiers. Incommodé par mon gobelet, je ne la trouve pas, je décide alors de faire comme ces gens qui passent leur sac à main, ou leur portefeuille, dans les bornes du métro. Je m’approche donc du détecteur, et je frotte à l’endroit où le badge semble enfoui, au niveau du cœur. J’effectue quelques tentatives, m’y reprends à plusieurs fois, change de position, m’obstine, sautille, me tortille.
Puis, saisi de lucidité, je me représente contre cette paroi, en train d’effectuer des mouvements saccadés de va et viens, désespérés et obscènes, ahanant sur la pointe des pieds ; tels ces primitifs qui souhaitent féconder la Terre, je me surprend à vouloir enfanter mon sas de sécurité.
Une secrétaire passe. Alors que je suis surpris en train de m’accoupler au pylône, je dis, pour me justifier : « c’est que, j’ai du mal à entrer ».
La porte non-automatique est en bois. Elle se reconnaît à son opacité et à son inertie toute boisée. Les deux autres, plus loin, sont en verre, elles coulissent à notre arrivée. On trouve parfois un employé, un gobelet à la main, qui patiente devant la porte en bois. L’employé est vêtu en général d'un pantalon en toile gris, monté assez haut au niveau du ventre, juste en deçà du nombril, ce qui laisse entrevoir des chaussettes, et même des mollets. On lui ouvre la porte devant laquelle il est planté, lui indiquant avec gentillesse : « elle n’est pas automatique ! » et il vous répond sèchement : « j’étais en train de réfléchir. » Excuse ou pas, peu importe, on ferme la porte derrière soi. On attend quelques secondes. On ouvre la porte en bois pour voir si tout vas bien. L’employé est toujours là, et répète : « j’étais en train de réfléchir ! »
Les portes en verre, elles, s’ouvrent seules, et lentement. Propres, elles savent se faire oublier à notre passage, et produisent un agréable bruit de glissement feutré. Cela étant, si on avance au rythme triomphant d’un Rastignac du secteur tertiaire, fonçant tête baissée dans les couloirs, on se prend la porte en verre très fort sur le visage. Réflexe pavlovien, au bout de quelques semaines, le rythme de marche est conséquemment ralenti. L’employé lambda avance prudemment, la main au gobelet légèrement aux avant-postes, pour détecter d’éventuelles portes ultra-transparentes, tel un animal craintif dans les couloirs blancs.
Afin de limiter les collisions, de gros cercles rouges ont été disposés au milieu des portes automatiques, à hauteur du visage. La hauteur choisie est standard, environ un mètre soixante-cinq, pour qu’hommes et femmes puissent bénéficier de cette alerte. Malheureusement, les employés nains ont souvent le nez meurtri.
Je tente de revenir dans mon sous-sol, mon café à la main. Il faut retrouver le badge, pour le détecteur. La carte est enfouie dans une poche de mon blouson, parmi d’innombrables papiers. Incommodé par mon gobelet, je ne la trouve pas, je décide alors de faire comme ces gens qui passent leur sac à main, ou leur portefeuille, dans les bornes du métro. Je m’approche donc du détecteur, et je frotte à l’endroit où le badge semble enfoui, au niveau du cœur. J’effectue quelques tentatives, m’y reprends à plusieurs fois, change de position, m’obstine, sautille, me tortille.
Puis, saisi de lucidité, je me représente contre cette paroi, en train d’effectuer des mouvements saccadés de va et viens, désespérés et obscènes, ahanant sur la pointe des pieds ; tels ces primitifs qui souhaitent féconder la Terre, je me surprend à vouloir enfanter mon sas de sécurité.
Une secrétaire passe. Alors que je suis surpris en train de m’accoupler au pylône, je dis, pour me justifier : « c’est que, j’ai du mal à entrer ».
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