J’ai un jeu absolument impayable : je prends le chat, qui dort, je le mets sous mon pull, et je dis : « oh regardez, papa est enceinte ! ». A ce moment là, mon fils se tord de rire, car c’est à chaque fois une des farces les plus drôles de l’univers. J’extrais le chat, et tandis que l’animal hébété regarde autour de lui, je clame : « oh surprise ! C’est un chat ! Félicitations papa ! » Nous partons tous d’un rire franc de bon aloi, et ce bonheur une fois partagé, je m’en vais couper du bois, du moins conceptuellement, car nous habitons en ville.
Parfois, lorsque Kéké recherche une peluche, ou un jouet, je le cache encore sous mon pull, je mets en évidence mon ventre rebondi, les poings sur les hanches bien ostensiblement, et avec une voix d’Auguste je m’interroge : « Mais où est donc passé ce jouet ? » Kéké va désigner ma bedaine en gloussant et j’en sors l’objet. Nous rions de bon cœur et nous partons rentrer les brebis, du moins en théorie, car nous sommes citadins.
Or un jour que j’étais avachi sur ma chaise, à la fin d’un repas, ruminant le vague projet d’un suicide collectif géant, Kéké s’approcha de moi, désignant mon ventre avec curiosité : « qu’est-ce que tu as caché sous ton pull ? » Je ne compris pas tout de suite, puisque je n’étais pas en train de jouer du tout. Je répondis juste : mais rien. Il insista encore : « allez, dis moi ce que tu as caché ? » Je regardai plus attentivement, et je compris ce qu’il y avait dissimulé sous mon ventre : mon ventre.
Fin limier rassemblant les indices du monde hostile, j’en déduisis que j’avais pris du bide. Je répondis avec philosophie, voire résignation : je n’ai rien caché sous mon pull, c’est juste papa qui a grossi. Puis pour mon suicide collectif, je me demandai aussitôt quelle ville choisir : Paris est bien desservi en terme de transports, mais il y a la mer à Marseille, ce qui est pratique pour une noyade conviviale. Kéké prit un air incrédule à mon aveu. Papa a grossi ? J’observai son expression, elle me sembla légèrement différente de la fois où j’ai raconté que je pouvais tuer un lion avec mes mains, mais que je ne le faisais pas car, étant l’ami des animaux, j’étais contre.
A ma grande surprise, il me demanda si j’étais en train de devenir un papy : j’en concluai que, pour lui, le ventre proéminent était le symptôme principal de la papitude, ce qui est drôle, enfin, surtout pour le papy. En apnée, rentrant mes abdominaux, j’affirmai : « mais non.. han… pas du tout… han… je ne suis pas… han… un papy… » Mais j’avais compris l’essentiel : il était temps, dans cette maison, de faire de l’exercice. On allait commencer par le chat : je le virai de son canapé en gueulant : « allez, un peu de sport, la grosse ». L’animal, hébété, parti chercher un autre coin pour poursuivre sa sieste permanente.
mardi 1 juin 2010
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