Nous montons sur scène, patauds comme des paysans dans un palace de cristal. La troupe nous dévisage, amusée. Nos pantalons sont trop courts, nos bras trop longs, nos mains trop grandes, notre démarche hésitante. Les gens pourraient sans problème nous lancer des balles dessus, et gagner un canard. Le directeur, prenant cinq minutes pour nous embobiner, a parlé de premiers rôles : nous sommes quelques part les chefs des figurants, premier pupitre des silhouettes. Surgissant de la fosse, le metteur en scène tente de nous expliquer avec pédagogie : il parle plus fort comme on le fait aux idiots, car un volume sonore élevé aide à mieux comprendre. Cela rentre plus conséquemment dans le cerveau. Voilà les consignes : nous devons entrer aux côtés du prince Orlofsky, l’air farouche et les bras croisés, comme des russes. Pour nous aider, il emploie une métaphore : nous sommes des gardes, comme des gardes du corps. Il pense par là utiliser une image plus parlante pour des amateurs de films d’action, avec des sabres, des voitures et des jolies filles. Puis il nous sourit, très gentiment, car c’est un homme très ouvert.
Dans la pénombre du décor, nous patientons tous les trois, derrière la porte. Un filet de lumière passe, chaud comme un soleil, le feu nourri des projecteurs. Les conversations sur scène forment un brouhaha continuel, chacun passe le temps dans une pagaille insouciante. Quelques chanteurs répètent frénétiquement leur texte qu'ils ne connaissent pas, confondant les opérettes, Belle de Cadix, Les trois couvents, les cinq mousquetaires, se disant qu'au pire, ils improviseront. D’autres trépignent car ils connaissent les répliques et les airs par cœur depuis des mois, et montrent leur impatience tels des professionnels, soupirant ostensiblement. Des téléphones portables sonnent ; on y répond.
Semblant reconstituer une carte du désert, le pianiste et le chef d’orchestre répandent des partitions dans tous les sens, cherchant les reprises, trouvant des codas, ils écrivent les dernières annotations en cassant nerveusement des mines de crayons. Les choristes s’ennuient. Ils papotent, l’air mélancolique : on leur a fourgué encore la même mise en scène, comme à chaque scène de chaque acte de chaque production de cette compagnie d’opérette. Ils forment une sorte de masse informelle qui remue les lèvres sans parler, ils font la même chose en même temps comme un banc de poissons. Ce sont les invités de l’ambassadeur, ou le peuple en joie, l’armée des prussiens, la cour du roi Midas, les rameurs d’Ulysse, les élèves oubliés du collège, les gitans pittoresques autour du feu de camp. Ils sont tous là, disparates, grands, gros, petits, chauves, comptables, facteurs, pharmaciens, professeur de clarinette, soliste déchu, ancien choriste d’opéra, avec leur barbichette ; ils sont contents, les voilà encore sur le plateau, comme immortels, toujours les mêmes figures de prussiens, de nobles, de collégiens, de rameurs, de gitans.
Le metteur en scène les a placés comme d’habitude en demi cercle, tout autour de la scène. Leur consigne est simple : ils sourient, restent immobiles, et parlent en silence, en petit groupe, un verre de Champagne à la main. Pour endiguer cet océan humain qui fuit dans tous les sens, le metteur en scène bat frénétiquement des mains : en place ! en place ! l’entrée d’Orlofsky ! Le chef d’orchestre regagne son pupitre, suspend solennellement ses mains, regardant l’unique musicien présent, le pianiste. Ce dernier ploie tel un coureur de cent mètres sur le départ d’une finale. Le silence vibre. Le chef prend un air terrible. Il bat exagérément des mains comme attaqué par des millions mouches, et tout à coup, le répétiteur possédé, agité telle une marionnette prenant vie, bombarde de ses mains le pauvre piano droit désaccordé.
samedi 26 janvier 2008
mercredi 23 janvier 2008
Les gardes russes (5) : le plaisir m’assomme
Quelque chose d’étrange se passe dans nos têtes de manards. Ces décors moches qui s’élèvent, mornes et lourds, nous commençons à les aimer. Chaque jour nous arpentons le même plancher, frôlons les mêmes extincteurs périmés, baignant à longueur de temps dans les ténèbres, les mêmes murs rugueux peints en noir au seuil de la scène, et chaque jour le regard ironique, la distance, le recul, s’effacent un peu plus. Les projets humains, les plus beaux ou les plus grotesques, se recouvrent à force d’exister de nos empreintes, ils se nourrissent de la graisse de nos doigts, de notre obstination aveugle. Nous ne pouvons plus nous résoudre à les mépriser alors : faibles, disgracieux, ridicules, nous en venons à les défendre comme les plus frêles de nos enfants.
Parfois, des amis passent, curieux. Nous les introduisons, un peu fiers de nous, nous rengorgeant avec un air d’affranchis, dans l’envers du décor ; ils s'esclaffent alors, pouffent, balayent tout cet assemblage ridicule et vieillot, ces costumes usés fleurant l’antimite, d’un hochement de tête. C’est du dernier cocasse. Nous en sommes piqués. Hésitant, nous argumentons : des décors de l’opéra de Nice, tout de même. Nous écartons une guinde pour trouver un passage, entre un chapeau et un plumeau, ils parlent de cordes, nous nous offusquons : non ! On ne dit pas cela dans un théâtre, cela porte malheur. Alors ils comprennent que nous sommes devenus une de ces créatures obscures, ils se rétractent, et approuvent poliment.
Les dernières répétitions vont démarrer sur le plateau, le palace de bois s’étale au fond, et pour le premier acte nous manœuvrons de longs panneaux qui reproduisent un intérieur bourgeois d’un réalisme ennuyeux. Les choristes inspectent tout, examinent la structure, un vieillard se rappelle de sa jeunesse, lorsqu’il était choriste à l’Opéra de Nice. Tandis qu’ils visitent, nous nous faufilons dans les coulisses, grommelant ; il nous semble être devenus des autochtones d’une ville d’artifice. Les comédiens se baladent, presque en short, nous nous agaçons de leur démarche lente, comme s’ils étaient des touristes, restant plantés là, un plan à la main, en plein milieu.
Voici la scène de l’acte II où Orlofsky fait son entrée. C’est un prince russe, un jeune et riche dandy qui s’ennuie, et qui va mettre sa fortune à disposition pour la bonne farce de la Chauve-Souris. Le rôle est traditionnellement tenu par un travesti, une alto. Nous aimons bien Brigitte, qui joue le prince. C’est une femme discrète. Elle porte un gros pull, son visage blanc et falot la place de prime abord dans la troupe des innombrables lecteurs de Télérama, entre le tatillon de l’orthographe et le défenseur du maïs naturel. Elle chante parfois dans des Oratorios, fait quelques messes. C’est aussi l’une des rares chanteuses à ne pas se trimballer un petit chien, à nos yeux cela fait d’elle un genre de rebelle, un renégat. Brigitte arrive avec son sac en corde, se glisse dans les couloirs comme une admiratrice embarrassée, elle dit bonjour, presqu’invisible, on oublie de lui répondre.
Dans la loge aux miroirs couronnés d’ampoules, elle s’assoit. Elle fait alors briller ses cheveux courts, dessine des accroche-cœurs sur ses tempes. L’œil s’allonge, s’aiguise comme une lame au mascara. Elle rit. Ses grandes dents de laborantine se changent en sourire irritant d’adolescent doré. Toute cette comédie, murmure-t-elle. Elle poudre son visage avec impertinence, se mouche dans des billets de banque. Les bottes de cuir lui montant aux genoux, elle sort transfigurée, la démarche infiniment souple et paresseuse, ponctuée d’une canne au pommeau d’argent. Le geste est mou d’avoir reposé, d’ennui, de demi-sommeil ou d’ivresse, sur de vastes sofas dorés dans des palais prodigieux, aux tourelles colorés, parmi des femmes alanguies à la blancheur d’oie et des fiasques de vins précieux. Son col déborde d’une cravate de dentelles blanches délirantes. De son monocle étincelant le prince toise ses congénères, hautain comme un hobereau, avec tant de morgue qu’on pourrait y ranger des cadavres. On s’écarte sur son passage. Les chanteuses cajolants leur toutou jettent un œil noir à l’impertinent. Les autres lui disent bonjour, invisibles ; il oublie de leur répondre.
Sur scène, Orlofsky chante son air désabusé, une moue fatiguée, avec une pointe d’accent russe : Moi le plaisir m’assomme, chacun a son goût…Il semble, délicieux cosaque, enfant gâté, avoir laissé son cheval garé derrière le rideau.
Plus tard, le personnage rejoindra les murs comme un fantôme, trompera dans la nuit le temps qui passe dans des divertissement sans fin. Brigitte, elle, ombre de son masque, reprendra son sac de cordes, partira vite emprunter le bus bondé pour chercher son fils à l’école.
***
Jérôme Boche et moi sommes assis au premier rang comme des ministres de la Culture, devant l’orchestre vide. Le metteur en scène se gratte la tête : Orlofsky semble bien seul, parmi ce décor démesuré. Le prince s’en amuse, il écarte les bras avec dérision, citant Dostoievski, qui pourtant n’était pas né à l’époque. Le Directeur s’interroge : c’est étrange tout même, ce riche aristocrate, tout seul, sans équipage. Ce n’est pas crédible. Ca fait cheap. Le metteur en scène l’écoute, l’esprit aussi fertile qu’un champs de fraise sur la lune, il reste interdit. Que faire ? Et si le prince se coltinait des gardes du corps, lance le Directeur ? Des cosaques qui l’escortent partout ? Oui, des gardes russes, ils pourraient peut-être faire des chorégraphies. Mais qui ? Engager des figurants ; non c’est trop tard, trop cher. Alors, les visages se tournent vers nous, les deux manards ; nous devenons livides. Le prince Orlofsky, rigolard, claque des mains : allez, en scène messieurs !
Parfois, des amis passent, curieux. Nous les introduisons, un peu fiers de nous, nous rengorgeant avec un air d’affranchis, dans l’envers du décor ; ils s'esclaffent alors, pouffent, balayent tout cet assemblage ridicule et vieillot, ces costumes usés fleurant l’antimite, d’un hochement de tête. C’est du dernier cocasse. Nous en sommes piqués. Hésitant, nous argumentons : des décors de l’opéra de Nice, tout de même. Nous écartons une guinde pour trouver un passage, entre un chapeau et un plumeau, ils parlent de cordes, nous nous offusquons : non ! On ne dit pas cela dans un théâtre, cela porte malheur. Alors ils comprennent que nous sommes devenus une de ces créatures obscures, ils se rétractent, et approuvent poliment.
Les dernières répétitions vont démarrer sur le plateau, le palace de bois s’étale au fond, et pour le premier acte nous manœuvrons de longs panneaux qui reproduisent un intérieur bourgeois d’un réalisme ennuyeux. Les choristes inspectent tout, examinent la structure, un vieillard se rappelle de sa jeunesse, lorsqu’il était choriste à l’Opéra de Nice. Tandis qu’ils visitent, nous nous faufilons dans les coulisses, grommelant ; il nous semble être devenus des autochtones d’une ville d’artifice. Les comédiens se baladent, presque en short, nous nous agaçons de leur démarche lente, comme s’ils étaient des touristes, restant plantés là, un plan à la main, en plein milieu.
Voici la scène de l’acte II où Orlofsky fait son entrée. C’est un prince russe, un jeune et riche dandy qui s’ennuie, et qui va mettre sa fortune à disposition pour la bonne farce de la Chauve-Souris. Le rôle est traditionnellement tenu par un travesti, une alto. Nous aimons bien Brigitte, qui joue le prince. C’est une femme discrète. Elle porte un gros pull, son visage blanc et falot la place de prime abord dans la troupe des innombrables lecteurs de Télérama, entre le tatillon de l’orthographe et le défenseur du maïs naturel. Elle chante parfois dans des Oratorios, fait quelques messes. C’est aussi l’une des rares chanteuses à ne pas se trimballer un petit chien, à nos yeux cela fait d’elle un genre de rebelle, un renégat. Brigitte arrive avec son sac en corde, se glisse dans les couloirs comme une admiratrice embarrassée, elle dit bonjour, presqu’invisible, on oublie de lui répondre.
Dans la loge aux miroirs couronnés d’ampoules, elle s’assoit. Elle fait alors briller ses cheveux courts, dessine des accroche-cœurs sur ses tempes. L’œil s’allonge, s’aiguise comme une lame au mascara. Elle rit. Ses grandes dents de laborantine se changent en sourire irritant d’adolescent doré. Toute cette comédie, murmure-t-elle. Elle poudre son visage avec impertinence, se mouche dans des billets de banque. Les bottes de cuir lui montant aux genoux, elle sort transfigurée, la démarche infiniment souple et paresseuse, ponctuée d’une canne au pommeau d’argent. Le geste est mou d’avoir reposé, d’ennui, de demi-sommeil ou d’ivresse, sur de vastes sofas dorés dans des palais prodigieux, aux tourelles colorés, parmi des femmes alanguies à la blancheur d’oie et des fiasques de vins précieux. Son col déborde d’une cravate de dentelles blanches délirantes. De son monocle étincelant le prince toise ses congénères, hautain comme un hobereau, avec tant de morgue qu’on pourrait y ranger des cadavres. On s’écarte sur son passage. Les chanteuses cajolants leur toutou jettent un œil noir à l’impertinent. Les autres lui disent bonjour, invisibles ; il oublie de leur répondre.
Sur scène, Orlofsky chante son air désabusé, une moue fatiguée, avec une pointe d’accent russe : Moi le plaisir m’assomme, chacun a son goût…Il semble, délicieux cosaque, enfant gâté, avoir laissé son cheval garé derrière le rideau.
Plus tard, le personnage rejoindra les murs comme un fantôme, trompera dans la nuit le temps qui passe dans des divertissement sans fin. Brigitte, elle, ombre de son masque, reprendra son sac de cordes, partira vite emprunter le bus bondé pour chercher son fils à l’école.
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Jérôme Boche et moi sommes assis au premier rang comme des ministres de la Culture, devant l’orchestre vide. Le metteur en scène se gratte la tête : Orlofsky semble bien seul, parmi ce décor démesuré. Le prince s’en amuse, il écarte les bras avec dérision, citant Dostoievski, qui pourtant n’était pas né à l’époque. Le Directeur s’interroge : c’est étrange tout même, ce riche aristocrate, tout seul, sans équipage. Ce n’est pas crédible. Ca fait cheap. Le metteur en scène l’écoute, l’esprit aussi fertile qu’un champs de fraise sur la lune, il reste interdit. Que faire ? Et si le prince se coltinait des gardes du corps, lance le Directeur ? Des cosaques qui l’escortent partout ? Oui, des gardes russes, ils pourraient peut-être faire des chorégraphies. Mais qui ? Engager des figurants ; non c’est trop tard, trop cher. Alors, les visages se tournent vers nous, les deux manards ; nous devenons livides. Le prince Orlofsky, rigolard, claque des mains : allez, en scène messieurs !
mercredi 16 janvier 2008
Les gardes russes (4) : le directeur
Les décors arrivent dans un grand semi-remorque. Sitôt la porte de l’engin ouverte, découvrant les éléments entassés, sanglés, poussiéreux et rongés comme des ossements gigantesques, le gros directeur s’extasie. Ils viennent l’opéra de Nice, s’exclame-t-il ! Dans un élan d’enthousiasme, il invoque les grands esprits lyriques, Pierre Molière, Patrice Racine, Roger Corneille. Il voudrait à ce moment que Jane Fonda l’appelle sur son portable pour lui dire, non, je ne peux pas te parler là, je m’occupe des décors, oui de l’Opéra de Nice, il y en partout, c’est énorme, on va en parler dans Télé 7 jours, je suis complètement débordé. C’est un grand Mécano, la plus grande cabane du monde. Il les aura, les subventions. Il voit déjà le sigle s'étendre en lettres d’or : l’Opérette Nationale de France. Dirigé par Richard A., ténor renommé. Il semble danser sur ses petites chaussures, avec son gros ventre, tournoyant comme un moulin, décrivant des arabesques tarabiscotées.
Il voit déjà les cocktails au ministère de la Culture, oui, l’Opérette a été longuement sous-estimée, je suis heureux d’avoir apporté ma modeste contribution à son retour en vogue, un verre de champagne à la main, ah, monsieur le directeur, votre dernière production était fameuse, et ces décors ! Comme ils sont gros ! Il faudrait vous construire un théâtre spécial rien que pour vos décors ! Mais nous y songeons. C’est avec joie que je participe à la démocratisation de l’opérette avec cette production au Stade de France. Deux mille choristes, quatre cent premiers rôles, des hélicoptères, des hippopotames.
Contrairement à ses habitudes, le directeur ne s’est pas attribué le premier rôle, mais le second, celui du jeune premier de dix-huit ans. C’est toujours triste de ne pas être la vedette, mais faire le jeune premier est pratique tout de même pour fricoter avec des grisettes. Au restaurant, le directeur fronce beaucoup de sourcils, il parle d’eldorado, de pays inconnus, de forêts vierges, de pièces où il n’y a que des premiers rôles. Les grisettes l’écoutent en s’extasiant, un peu ivres. Des premiers rôles ! Pour tout le monde. Les yeux brillent d'envie. Sa perruque noire luit comme un chat empaillé. La Soprano arrive. Elle semble perpétuellement de profil, comme les divinités de l’Egypte antique. Elle fait le double de sa taille ; malgré ses fortes talonnettes, le directeur trouve le moyen de se jeter à terre pour être encore plus petit. Avec une voix de miel, il susurre : ma chère, si vous saviez, les décors sont fabuleux, ils sont tellement gigantesques, ils sont tellement gros ! On dirait des fortifications, des New York, des pyramides, c’est encore plus beau que le château de la belle au bois dormant à Disneyland. Puis tout le monde part, et le directeur seul à sa table, se ressert du vin, plonge son gros nez dans le ballon de verre, attrape machinalement des miettes avec son index, triste.
Le décor commence à se dresser, tel un pudding minable. Il s’agit d’une sorte de château de foire, une attraction de train fantôme, avec un chemin de ronde en hauteur, décrivant un vaste demi cercle sur toute la scène. Les éléments sont lourds, les metteurs en scène minimalistes doivent tous être des ex-manards. Olivier porte une partie d’un escalier, il s’arrête, distrait par le son cristallin émergeant d’une répétition. Happé par un songe, il reste planté là, mais à l’autre bout de l’élément insoutenable, il y a moi, qui n’en peux plus. On peut avancer Oliver ? Mmm ? répond-il, levant un sourcil.
Le directeur regarde le décor comme des décombres en construction. Il se ronge les ongles, et murmure son incantation : grandiose ! Les répétitions sur la scène vont pouvoir commencer, en costume, en situation, la première s'approche comme un monstre des mers. Le coeur palpite. La salle est comble de fauteuils, il ne manque plus qu'à les coiffer par des gens. Mon public ! Il se pose alors près de la rampe, déploie ses bras et tente de chanter, enivré, comme un châtelain au milieu de ses ruines. Jeunesse ! Puissance ! Gloire ! Un minuscule son éraillé sort de sa bouche, comme une porte qui grince, le laissant sur le seuil, VRP de chimères ; il tousse, regarde vite à droite à gauche, et disparaît dans les coulisses.
Il voit déjà les cocktails au ministère de la Culture, oui, l’Opérette a été longuement sous-estimée, je suis heureux d’avoir apporté ma modeste contribution à son retour en vogue, un verre de champagne à la main, ah, monsieur le directeur, votre dernière production était fameuse, et ces décors ! Comme ils sont gros ! Il faudrait vous construire un théâtre spécial rien que pour vos décors ! Mais nous y songeons. C’est avec joie que je participe à la démocratisation de l’opérette avec cette production au Stade de France. Deux mille choristes, quatre cent premiers rôles, des hélicoptères, des hippopotames.
Contrairement à ses habitudes, le directeur ne s’est pas attribué le premier rôle, mais le second, celui du jeune premier de dix-huit ans. C’est toujours triste de ne pas être la vedette, mais faire le jeune premier est pratique tout de même pour fricoter avec des grisettes. Au restaurant, le directeur fronce beaucoup de sourcils, il parle d’eldorado, de pays inconnus, de forêts vierges, de pièces où il n’y a que des premiers rôles. Les grisettes l’écoutent en s’extasiant, un peu ivres. Des premiers rôles ! Pour tout le monde. Les yeux brillent d'envie. Sa perruque noire luit comme un chat empaillé. La Soprano arrive. Elle semble perpétuellement de profil, comme les divinités de l’Egypte antique. Elle fait le double de sa taille ; malgré ses fortes talonnettes, le directeur trouve le moyen de se jeter à terre pour être encore plus petit. Avec une voix de miel, il susurre : ma chère, si vous saviez, les décors sont fabuleux, ils sont tellement gigantesques, ils sont tellement gros ! On dirait des fortifications, des New York, des pyramides, c’est encore plus beau que le château de la belle au bois dormant à Disneyland. Puis tout le monde part, et le directeur seul à sa table, se ressert du vin, plonge son gros nez dans le ballon de verre, attrape machinalement des miettes avec son index, triste.
Le décor commence à se dresser, tel un pudding minable. Il s’agit d’une sorte de château de foire, une attraction de train fantôme, avec un chemin de ronde en hauteur, décrivant un vaste demi cercle sur toute la scène. Les éléments sont lourds, les metteurs en scène minimalistes doivent tous être des ex-manards. Olivier porte une partie d’un escalier, il s’arrête, distrait par le son cristallin émergeant d’une répétition. Happé par un songe, il reste planté là, mais à l’autre bout de l’élément insoutenable, il y a moi, qui n’en peux plus. On peut avancer Oliver ? Mmm ? répond-il, levant un sourcil.
Le directeur regarde le décor comme des décombres en construction. Il se ronge les ongles, et murmure son incantation : grandiose ! Les répétitions sur la scène vont pouvoir commencer, en costume, en situation, la première s'approche comme un monstre des mers. Le coeur palpite. La salle est comble de fauteuils, il ne manque plus qu'à les coiffer par des gens. Mon public ! Il se pose alors près de la rampe, déploie ses bras et tente de chanter, enivré, comme un châtelain au milieu de ses ruines. Jeunesse ! Puissance ! Gloire ! Un minuscule son éraillé sort de sa bouche, comme une porte qui grince, le laissant sur le seuil, VRP de chimères ; il tousse, regarde vite à droite à gauche, et disparaît dans les coulisses.
dimanche 13 janvier 2008
Les Gardes Russes (3) : le minéral
Olivier est un immense manard, au regard bleu de grand caillou mélancolique. Il ne cause pas beaucoup. Il est bâti comme un pilier de basilique, mais il parle tout doucement. Il mâche un peu ses mots, il fait des phrases toutes floues, comme poncées, rabotées, élimées. Il rentre dans l’écrasante obscurité de la scène déserte, il longe des petits néons qui ponctuent les ténèbres. Il voit ces immenses rideaux qui décollent jusqu’aux cintres voltigeants, enchevêtrés dans le zénith obscur. Il voit les sièges qui s’étendent dans la salle, les loges qui défilent telles des trains de nuit. Il voit des malles à peine déchargées du semi-remorque qui encombrent l’orchestre, débordantes de frous-frous baroques, de chapeaux de mousquetaires, de splendides robes du soir chamarrées en tissus grossiers, serties d’émeraudes en plastiques. Il murmure : c’est des conneries, tout ça.
Olivier a bien vite compris que son métier c’est de n’être rien. Les créatures des illusions respirent de la lumière, et lui, il est invisible. Il est comme un minéral, il ne respire pas de la lumière. C’est comme s’il n’existait pas. Ce n’est pas grave, il n’est plus un enfant. Le soir, il rentre et regarde la télévision. Il monte des décors, avec des gros outils, et porte de lourds objets. Il grimpe sur des échelles, seul, bien au dessus des têtes, comme un gros écureuil du crépuscule. Il ne va tout de même pas chanter ou danser dans un petit tutu. Il attend alors, translucide, à côté d’un vacarme définitif. A la fin, tout le monde vient sur scène, on s’applaudit, on se félicite. On fait monter le metteur en scène, on l’applaudit, on fait monter le chef d’orchestre, le premier violon, le premier hautbois, le premier triangle, le costumier, on fait monter les pompiers, la concierge du théâtre aussi, on fait même monter le compositeur mort, son urne, on fait monter les caniches des chanteuses, on fait même monter le public, tout le monde se congratule. Tout le monde ; mais lui, il reste dans l’anfractuosité d’une coulisse, comme de l’air, comme une malle, comme un vieux chapeau.
Soudain il murmure en travaillant, quatre ou cinq notes, les mêmes, un refrain à boire, une chanson de supporter. Puis il se corrige, passe du blanc sur ses paroles, et respectueux comme si son père était un ogre théâtral, il n’encombre pas les planches de sa petite expression. Il baisse les yeux, porte les caisses.
Parfois sur scène, en représentation, c’est la panique. Parfois on lui dit : vite Olivier, ouvre ou ferme le rideau. Alors il saute sur place, éjecté de son silence, et appliqué, un sourire illuminant son visage poupin, il tire sur la guinde de toutes ses forces, et le rideau décrit un vaste mouvement d’albatros, comme un chariot d’Apollon dans les airs. Il hisse, c’est comme si l’ogre théâtral lui avait offert un camion de pompier. Il chanterait presque, radieux, car on lui a demandé de tirer le rideau, sonneur de cloche dans le beffroi, il s’y emploie de tout son cœur ; on applaudit, on l’applaudit un peu, lui aussi, l’une des ombres de la grande parade des illusions.
Les décors se montent, meubles plats, murs qui n’ont qu’un seul côté. On marche à travers des palais de couleurs, il suffit d’emprunter un passage pour découvrir alors une désolation, une ruine, un entrepôt avec des grands chiffres peints en bleu. Il murmure, comme s’il était son propre secret : utilisons la visseuse. Alors, il visse, avec dextérité. Il ne voudrait pas que tout s’écroule. Parfois, il voit des soprani, attifées telles des sapins de Noël étranglés de guirlandes, la bouche grande ouverte et la tête en arrière, en train de rire comme des cornes de brume. Il passe à côté, taiseux. Parfois on lui dit Olivier, mon grand chéri, tu viens me faire un bisou ? Il hausse les épaules, rougit, puis bafouille un gros mot, et cherche une trappe au sol pour y plonger.
Son visage est dans l’ombre. Une main accroché au rideau, il rêvasse un peu, la journée est bientôt finie. Il s’est arrêté dans un coin sombre, derrière un rideau à la sortie des coulisses. Un œil est éclairé par la scène. Une petite alto, les mains jointes, entame un air, lent, doux, plaintif. Olivier pense. Il contemple tristement la fine silhouette de jouet de la chanteuse, son visage de porcelaine, ses cheveux interminables qui dévalent comme une fontaine d’or, de bière et de cuivre, sur des menues épaules de perle. L’air vibre. L’œil, martelé des couleurs de la scène, luit, il se sent faible, fatigué, il a faim, il est comme un mousquetaire sans chapeau, son écuyer, ou son valet, son cheval. C’est un peu comme si les constellations lui chantaient une douce berceuse, tombant de la nuit des temps, un vent des saisons passées, les vastes champs des fleurs de vie ; il ne parle pas, mais mâche quand même ses paroles, ses dents, sa langue ; il voudrait savoir des encyclopédies. La petite chanteuse monte en intensité, ses tendres yeux brillent aussi, il voudrait la venger, tuer les méchants, il voudrait aller voir le rôle qui lui a fait du mal pour lui mettre une bonne paire de claques. C’est quand même pas possible tous ces affreux, ces traîtres, ces perfides, ces gros ducs machiavéliques, avec leurs sourcils de démons. Il constate que les anges font des courses de bulldozers dans son ventre. Alors, il agite sa main devant le visage, comme pour chasser des mouches, et dit : c’est des conneries tout ça.
Olivier a bien vite compris que son métier c’est de n’être rien. Les créatures des illusions respirent de la lumière, et lui, il est invisible. Il est comme un minéral, il ne respire pas de la lumière. C’est comme s’il n’existait pas. Ce n’est pas grave, il n’est plus un enfant. Le soir, il rentre et regarde la télévision. Il monte des décors, avec des gros outils, et porte de lourds objets. Il grimpe sur des échelles, seul, bien au dessus des têtes, comme un gros écureuil du crépuscule. Il ne va tout de même pas chanter ou danser dans un petit tutu. Il attend alors, translucide, à côté d’un vacarme définitif. A la fin, tout le monde vient sur scène, on s’applaudit, on se félicite. On fait monter le metteur en scène, on l’applaudit, on fait monter le chef d’orchestre, le premier violon, le premier hautbois, le premier triangle, le costumier, on fait monter les pompiers, la concierge du théâtre aussi, on fait même monter le compositeur mort, son urne, on fait monter les caniches des chanteuses, on fait même monter le public, tout le monde se congratule. Tout le monde ; mais lui, il reste dans l’anfractuosité d’une coulisse, comme de l’air, comme une malle, comme un vieux chapeau.
Soudain il murmure en travaillant, quatre ou cinq notes, les mêmes, un refrain à boire, une chanson de supporter. Puis il se corrige, passe du blanc sur ses paroles, et respectueux comme si son père était un ogre théâtral, il n’encombre pas les planches de sa petite expression. Il baisse les yeux, porte les caisses.
Parfois sur scène, en représentation, c’est la panique. Parfois on lui dit : vite Olivier, ouvre ou ferme le rideau. Alors il saute sur place, éjecté de son silence, et appliqué, un sourire illuminant son visage poupin, il tire sur la guinde de toutes ses forces, et le rideau décrit un vaste mouvement d’albatros, comme un chariot d’Apollon dans les airs. Il hisse, c’est comme si l’ogre théâtral lui avait offert un camion de pompier. Il chanterait presque, radieux, car on lui a demandé de tirer le rideau, sonneur de cloche dans le beffroi, il s’y emploie de tout son cœur ; on applaudit, on l’applaudit un peu, lui aussi, l’une des ombres de la grande parade des illusions.
Les décors se montent, meubles plats, murs qui n’ont qu’un seul côté. On marche à travers des palais de couleurs, il suffit d’emprunter un passage pour découvrir alors une désolation, une ruine, un entrepôt avec des grands chiffres peints en bleu. Il murmure, comme s’il était son propre secret : utilisons la visseuse. Alors, il visse, avec dextérité. Il ne voudrait pas que tout s’écroule. Parfois, il voit des soprani, attifées telles des sapins de Noël étranglés de guirlandes, la bouche grande ouverte et la tête en arrière, en train de rire comme des cornes de brume. Il passe à côté, taiseux. Parfois on lui dit Olivier, mon grand chéri, tu viens me faire un bisou ? Il hausse les épaules, rougit, puis bafouille un gros mot, et cherche une trappe au sol pour y plonger.
Son visage est dans l’ombre. Une main accroché au rideau, il rêvasse un peu, la journée est bientôt finie. Il s’est arrêté dans un coin sombre, derrière un rideau à la sortie des coulisses. Un œil est éclairé par la scène. Une petite alto, les mains jointes, entame un air, lent, doux, plaintif. Olivier pense. Il contemple tristement la fine silhouette de jouet de la chanteuse, son visage de porcelaine, ses cheveux interminables qui dévalent comme une fontaine d’or, de bière et de cuivre, sur des menues épaules de perle. L’air vibre. L’œil, martelé des couleurs de la scène, luit, il se sent faible, fatigué, il a faim, il est comme un mousquetaire sans chapeau, son écuyer, ou son valet, son cheval. C’est un peu comme si les constellations lui chantaient une douce berceuse, tombant de la nuit des temps, un vent des saisons passées, les vastes champs des fleurs de vie ; il ne parle pas, mais mâche quand même ses paroles, ses dents, sa langue ; il voudrait savoir des encyclopédies. La petite chanteuse monte en intensité, ses tendres yeux brillent aussi, il voudrait la venger, tuer les méchants, il voudrait aller voir le rôle qui lui a fait du mal pour lui mettre une bonne paire de claques. C’est quand même pas possible tous ces affreux, ces traîtres, ces perfides, ces gros ducs machiavéliques, avec leurs sourcils de démons. Il constate que les anges font des courses de bulldozers dans son ventre. Alors, il agite sa main devant le visage, comme pour chasser des mouches, et dit : c’est des conneries tout ça.
jeudi 10 janvier 2008
Les gardes russes (2) : la Reine de l'arène
Une soprano arrive sur scène côté cour, inspecte, renifle, fait claquer ses talons. La salle de spectacle vide est superbe comme les projets naissants, et les gloires à venir. Elle va tester, l'air dégagé, l'acoustique. Elle pousse quelques cris aigus ; regarde du coin de l'oeil si l'on a écouté son éclair musical. Pas mal l'acoustique, dit-elle !
Une seconde soprano entre alors, côté jardin, tandis que nous, les manards, examinons des caisses trop lourdes, un torchon dépassant de la poche. La seconde soprano veut également tester l'acoustique. Elle salut la première, lâche, décontractée, quelques rafales sonores, plus fortes. Elle regarde furtivement si des gens ont écouté, toise sa collègue. Puis une troisième débarque, renifle et s'époumone à son tour, la sueur coule de son front, les mains dans les poches elle conclue : pas mal l'acoustique ! Les autres vérifient, s'en assurent, testent, rectifient, se répondent, en ponctuant perfidement la conversation de vocalises de plus en plus volumineuses. Elles en arrivent à gueuler comme des malades, la bouche ouverte telles des oisillons affamés. Elles jouent à celles qui ont la plus grosse ; voix.
Les soprani à la montagne périssent toutes sous les avalanches. C'est plus fort qu'elles, elles ne peuvent pas s'en empêcher. La vue des grands espaces provoquent de vastes épanchements vocaliques, les bras ouverts, l'écharpe déployée dans le vent. Montagnes ! Sapins ! Sommets ! Et tout s'écroule.
Je demande : où as-tu mis la corde ? Le manard me gronde, malheureux ! On ne dit pas ça, dans un théâtre ! On dit une "guinde", ça porte malheur, sinon !
Des hommes entrent ensuite, reniflent, rodent. Ils regardent si les sopranos les regardent, avant même de brailler. Puis ils braillent. Ils sont bientôt vingt à arpenter la scène dans tous les sens, les bras levés, à vocaliser comme des cargos dans un aéroport.
La costumière, une petite dame avec des lunettes, arrive, et elle aussi, elle se met à gueuler. Elle n'est pas chanteuse, mais elle fait comme tout le monde, elle est très heureuse car ça défoule.
Tout à coup, une soprano supplémentaire apparaît, comme une apparition. C'est le rôle principal. Le silence se fait. Un silence respectueux, recueilli et dangereux. Elle pénètre une arène, et elle le sait bien. Elle voit tous ces beaux visages respectueux, et elle sait que derrière ces sourires compassés et aimables, il y a des mâchoires de lions affamés, de jeunes tigres, de vieilles hyènes, de vautours lubriques, et elle sait qu'à chaque pas qui propulse sa splendeur, elle peut finir comme une côtelette.
La soprano semble immense, une walkyrie, une géante, une déesse nordique. Étrangement, elle parait faire le double de notre taille. Ses cheveux sont volumineux, ses bras sont volumineux, ses jambes, ses seins, son visage, elle est pourtant fine et belle et immense et prodigieuse à la fois, comme un statue de Minerve descendue de l'Olympe, ou sortie des forges de Vulcain. Ses talons claquent distinctement sur les planches, les chanteurs s'écartent, elle tourne la tête à droite à gauche, sourit délicatement, jette des regards de petit chaton ; elle sait qu'elle va devoir les mater, tous, les aplatir, tous. Et tous et toutes, se tapissent, reniflent, l'oeil luisant.
Elle marque un arrêt, regarde la salle, se racle la gorge et... une vocalise... retentit comme l'artillerie des archanges de l'enfer, comme les monstres vacataires de l'Apocalypse, les employés du fracas cosmique, les mur vibrent, les perruques s'envolent, les accessoires se brisent, les vis se dévissent, les caisses se transportent toutes seules, les décors ploient, les microbes sont désinfectés, les enfants naissent, les morts surgissent de leur tombe.
Pas mal l'acoustique.
Avec la discrétion des titans, elle regagne doucement les coulisses. Les autres, matés, ratatinés, tondus comme des petits caniches, examinent leur montre, renouent leurs écharpe. Elle a domestiqué les pensionnaires du zoo, ce qui est fait n'étant plus à faire.
Une seconde soprano entre alors, côté jardin, tandis que nous, les manards, examinons des caisses trop lourdes, un torchon dépassant de la poche. La seconde soprano veut également tester l'acoustique. Elle salut la première, lâche, décontractée, quelques rafales sonores, plus fortes. Elle regarde furtivement si des gens ont écouté, toise sa collègue. Puis une troisième débarque, renifle et s'époumone à son tour, la sueur coule de son front, les mains dans les poches elle conclue : pas mal l'acoustique ! Les autres vérifient, s'en assurent, testent, rectifient, se répondent, en ponctuant perfidement la conversation de vocalises de plus en plus volumineuses. Elles en arrivent à gueuler comme des malades, la bouche ouverte telles des oisillons affamés. Elles jouent à celles qui ont la plus grosse ; voix.
Les soprani à la montagne périssent toutes sous les avalanches. C'est plus fort qu'elles, elles ne peuvent pas s'en empêcher. La vue des grands espaces provoquent de vastes épanchements vocaliques, les bras ouverts, l'écharpe déployée dans le vent. Montagnes ! Sapins ! Sommets ! Et tout s'écroule.
Je demande : où as-tu mis la corde ? Le manard me gronde, malheureux ! On ne dit pas ça, dans un théâtre ! On dit une "guinde", ça porte malheur, sinon !
Des hommes entrent ensuite, reniflent, rodent. Ils regardent si les sopranos les regardent, avant même de brailler. Puis ils braillent. Ils sont bientôt vingt à arpenter la scène dans tous les sens, les bras levés, à vocaliser comme des cargos dans un aéroport.
La costumière, une petite dame avec des lunettes, arrive, et elle aussi, elle se met à gueuler. Elle n'est pas chanteuse, mais elle fait comme tout le monde, elle est très heureuse car ça défoule.
Tout à coup, une soprano supplémentaire apparaît, comme une apparition. C'est le rôle principal. Le silence se fait. Un silence respectueux, recueilli et dangereux. Elle pénètre une arène, et elle le sait bien. Elle voit tous ces beaux visages respectueux, et elle sait que derrière ces sourires compassés et aimables, il y a des mâchoires de lions affamés, de jeunes tigres, de vieilles hyènes, de vautours lubriques, et elle sait qu'à chaque pas qui propulse sa splendeur, elle peut finir comme une côtelette.
La soprano semble immense, une walkyrie, une géante, une déesse nordique. Étrangement, elle parait faire le double de notre taille. Ses cheveux sont volumineux, ses bras sont volumineux, ses jambes, ses seins, son visage, elle est pourtant fine et belle et immense et prodigieuse à la fois, comme un statue de Minerve descendue de l'Olympe, ou sortie des forges de Vulcain. Ses talons claquent distinctement sur les planches, les chanteurs s'écartent, elle tourne la tête à droite à gauche, sourit délicatement, jette des regards de petit chaton ; elle sait qu'elle va devoir les mater, tous, les aplatir, tous. Et tous et toutes, se tapissent, reniflent, l'oeil luisant.
Elle marque un arrêt, regarde la salle, se racle la gorge et... une vocalise... retentit comme l'artillerie des archanges de l'enfer, comme les monstres vacataires de l'Apocalypse, les employés du fracas cosmique, les mur vibrent, les perruques s'envolent, les accessoires se brisent, les vis se dévissent, les caisses se transportent toutes seules, les décors ploient, les microbes sont désinfectés, les enfants naissent, les morts surgissent de leur tombe.
Pas mal l'acoustique.
Avec la discrétion des titans, elle regagne doucement les coulisses. Les autres, matés, ratatinés, tondus comme des petits caniches, examinent leur montre, renouent leurs écharpe. Elle a domestiqué les pensionnaires du zoo, ce qui est fait n'étant plus à faire.
mercredi 9 janvier 2008
Les gardes russes (1)
C'est au siècle dernier, au précédent millénaire ; je viens de rencontrer E. Avec E., et mon ami, Jérôme Boche, nous mangeons du poulet, parfois le soir, avec du vin. Nous habitons rue Saint-Georges, dans le vieux Lyon, et nous devinons de la fenêtre, au delà d'une école primaire à la cour silencieuse, la Saône, qui avance en luisant, comme un lourd convoi. Au plafond, une ampoule électrique se contorsionne nue au bout de son câble bleu ; nous mangeons un peu de poulet, puis du vin. Puis nous finissons le vin, puis nous sortons dans l'hiver clément pour aller chez l'épicier, reprendre du vin, parfois une tablette de chocolat, revenir avec le sac jaune fin comme du papier à cigarette, la main posée au dessous pour protéger absolument la bouteille ; puis nous regagnons l'appartement, fumons trop à la fenêtre, et finissons pétés, un monde refait dans la poche.
E. vient de se faire embaucher dans une compagnie d'opérette. Elle a un petit rôle, elle aimerait bien avoir un gros rôle de temps en temps, mais pour ce faire, il faut coucher avec le gros directeur, donc je n'excite pas trop son ambition. Le nouvel an approche, et les gens de l'opérette ont des projets pharaoniques. Ils veulent monter la Chauve-Souris, de Johann Strauss. Le directeur en parle avec une délirante emphase, dans cette salle de classe qui sert d'atelier. Il est question d'avoir du succès, du triomphe, de la gloire, d'envahir la Russie en petit costume de Napoléon. Et, dit-il, on va louer des décors à l'Opéra de Nice ! Chacun se rengorge, on murmure. Tout de même. Maintenant, déclare-t-il, nous jouons dans la cour des grands ! On commence à rêver de subventions et d'Australie. Des tournées, dans toute la région, dans la France entière. Peut-être même en Allemagne.
L'Opérette, c'est un opéra d'opérette. Tout est dans l'exagération, l'outrance, le rose ; mais pas tant le spectacle, surtout la vie qui est autour.
L'Operette n'est rien comparée à la vie de l'Opérette. Artistes sublimes et ringards, papillons lourds et parfumés vibrant sous la lumière, cachetoneurs sans foi ni loi, princes de perruques, postiches, faux cils, épaulettes de balai-brosse, ombres qui hantent les autobus à longueur d'années ; salles des fêtes, gymnases, maisons des jeunes, théâtres exigus ; choristes vieillissants, empesés d'anecdotes glorieuses, chanteurs terminés, femmes énormes aux voix perdues, costumières perpétuellement oubliées et amères, maugréant sur l'ingratitude du monde ; tous se battant pour respirer l'oxygène qui semble plus fourni au devant la scène.
Au bar, les chanteurs, les comédiens parlent fort. Quand on rentre dans un bar, il faut trois ou quatre heures pour se rendre compte qu'un type est électricien, ou comptable. Il faut quinze secondes pour comprendre qu'un client est acteur ou chanteur d'opéra. Les basses parlent avec des voix de basse, comme des Raspoutine lâchés dans la nature. Les barytons mangent des poignées de cacahuètes en regardant les fesses des autres, les ténors parlent d'eux, une écharpe méticuleusement nouée autour du cou, ce sont comme des blogueurs dont vous seriez le blog. Quand ils rient, ils jettent la tête en arrière, et sont fendus d'éclats homériques.
Par l'intermédiaire de ma compagne, Jérôme Boche et moi, sommes engagés pour faire les manards. Un manard, c'est un gars embauché pour faire un travail de manard. Porter des meubles, hisser des trucs, déplacer des panneaux, monter des poutres. Utiliser la perceuse. Avoir un mètre dans la poche. Dans la longue Mercédès grise du fils du patron, il y a tous les manards. Le fils, qui conduit l'engin d'un luxe de cuir, les deux manards à plein temps, ex-électriciens ou ex-déménageurs, capables de tout faire, puis nous, les sous-manards, les proto-étudiants, les bleus. Le fils du patron se répand sans fin en remarques sur les filles qui passent, on rigole à ses plaisanteries (c'est le fils du patron).
E. vient de se faire embaucher dans une compagnie d'opérette. Elle a un petit rôle, elle aimerait bien avoir un gros rôle de temps en temps, mais pour ce faire, il faut coucher avec le gros directeur, donc je n'excite pas trop son ambition. Le nouvel an approche, et les gens de l'opérette ont des projets pharaoniques. Ils veulent monter la Chauve-Souris, de Johann Strauss. Le directeur en parle avec une délirante emphase, dans cette salle de classe qui sert d'atelier. Il est question d'avoir du succès, du triomphe, de la gloire, d'envahir la Russie en petit costume de Napoléon. Et, dit-il, on va louer des décors à l'Opéra de Nice ! Chacun se rengorge, on murmure. Tout de même. Maintenant, déclare-t-il, nous jouons dans la cour des grands ! On commence à rêver de subventions et d'Australie. Des tournées, dans toute la région, dans la France entière. Peut-être même en Allemagne.
L'Opérette, c'est un opéra d'opérette. Tout est dans l'exagération, l'outrance, le rose ; mais pas tant le spectacle, surtout la vie qui est autour.
L'Operette n'est rien comparée à la vie de l'Opérette. Artistes sublimes et ringards, papillons lourds et parfumés vibrant sous la lumière, cachetoneurs sans foi ni loi, princes de perruques, postiches, faux cils, épaulettes de balai-brosse, ombres qui hantent les autobus à longueur d'années ; salles des fêtes, gymnases, maisons des jeunes, théâtres exigus ; choristes vieillissants, empesés d'anecdotes glorieuses, chanteurs terminés, femmes énormes aux voix perdues, costumières perpétuellement oubliées et amères, maugréant sur l'ingratitude du monde ; tous se battant pour respirer l'oxygène qui semble plus fourni au devant la scène.
Au bar, les chanteurs, les comédiens parlent fort. Quand on rentre dans un bar, il faut trois ou quatre heures pour se rendre compte qu'un type est électricien, ou comptable. Il faut quinze secondes pour comprendre qu'un client est acteur ou chanteur d'opéra. Les basses parlent avec des voix de basse, comme des Raspoutine lâchés dans la nature. Les barytons mangent des poignées de cacahuètes en regardant les fesses des autres, les ténors parlent d'eux, une écharpe méticuleusement nouée autour du cou, ce sont comme des blogueurs dont vous seriez le blog. Quand ils rient, ils jettent la tête en arrière, et sont fendus d'éclats homériques.
Par l'intermédiaire de ma compagne, Jérôme Boche et moi, sommes engagés pour faire les manards. Un manard, c'est un gars embauché pour faire un travail de manard. Porter des meubles, hisser des trucs, déplacer des panneaux, monter des poutres. Utiliser la perceuse. Avoir un mètre dans la poche. Dans la longue Mercédès grise du fils du patron, il y a tous les manards. Le fils, qui conduit l'engin d'un luxe de cuir, les deux manards à plein temps, ex-électriciens ou ex-déménageurs, capables de tout faire, puis nous, les sous-manards, les proto-étudiants, les bleus. Le fils du patron se répand sans fin en remarques sur les filles qui passent, on rigole à ses plaisanteries (c'est le fils du patron).
lundi 7 janvier 2008
La Santa Muerte
Tandis que je revenais au travail, à midi, avec à la main mes sandwiches triangulaires, perclu d'un appétit à manger mes propres mains, une longue voiture noire me frôla sur le passage piéton. Le majestueux véhicule, break obscur aux vitres teintées, à la carrosserie sombrement luisante, semblait bien être un corbillard. L'engin était d'un chic absolu, vaste char resplendissant et furtif, aux grosses roues prêtes à arpenter aussi bien l'asphalte de la cité que les rives accidentées du Styx. Quel chic pour un fourgon mortuaire, sans compter le prix du pétrole. A son passage silencieux, un courant d'air provoqué par l'aile étincelante du véhicule vint me battre les jambes comme celle d'un génie motorisé.
Ce n'est pas bien sérieux pensais-je, j'ai failli être renversé par un corbillard. Ces gens là ne pousseraient-ils pas à la consommation ? Et pas de visage de conducteur à maudire, juste le mien et le décor dans mon dos, se reflétant sur le miroir opaque du carénage.
Les italiens ont paraît-il un geste de superstition au passage de ces engins : les hommes se passent rapidement le pouce sur la braguette, pour conjurer le sort. Pour rester dans l'esprit de mon précèdent article, j'avoue faire de la sorte depuis longtemps. On comprendra facilement le sens de ce symbole, où l'on insiste sur les différentes façons d'être gisant, où l'on invoque les petites morts pour conjurer la Grande dégingandée.
Quand j'étais enfant, j'avais un grand cousin qui était ébéniste ; il fabriquait des cercueils. Je me souviens de son visage de clown paisible, il souriait toujours humblement. Aux enterrements, il nous serrait la main, avec son sourire, qui voulait dire que la vie était triste mais que le travail était bien fait. Il fabriquait des meubles, également, lors de son temps libre.
J'avais trouvé cette idée sinistre, j'avais dit quelque chose comme c'est lugubre, des meubles fabriqués par quelqu'un qui construit des cercueils toute la journée. Pourquoi, m'avait-on répondu ? Le bois, c'est le bois. Mais tout de même. Il doit y avoir dans sa boutique une grande réserve à bois, on prend des planches de sapin, pour y allonger les gens, et avec les chutes, on fait des étagères, pour y dresser des livres.
Est-ce que ça produisaient des maisons hantées, des meubles en bois de cercueil ? Le grand cousin posait sa main sur mon épaule, avec son visage gentiment tranché par son rire, et dans mon imagination déchaînée, je me disais que cette même grosse main, calleuse, affectueuse, faisait des boites pour les morts. Mais non, voyons, c'est juste du bois. Oui mais tout de même, il doit y avoir une façon spéciale de planter les clous, non ? Un peu comme les chirurgiens font des points de croix, une manière de clouer très définitive, est-ce que je sais moi ?
Le cousin avait donné une petite commode en sapin à ma grand-mère. On y mettait des lettres dedans. Je trouvais que c'était dur, pour les lettres. Du courrier, des dés à coudre, une vieille carte postale, une règle en bois, carrée, le fond étant capitonné d'un vieil imprimé vert. Les objets semblaient rejoindre l'éternité chaque fois qu'on refermait le tiroir.
Le cousin racontait aussi que souvent, quand les gens mourraient chez eux, les horloges et les pendules s'arrêtaient toutes d'un coup, marquant la même heure. Même les montres à quartz, demandais-je ? Ah, ça ne fonctionnait peut-être pas avec les objets électroniques. Vive le progrès.
Le jour de la fête des morts, au Mexique, la Sante Muerte est vêtue de blanc, comme une mariée. Je l'ai lu dans le journal, cette semaine. Qu'elle m'apporte, suite à mes lourdes prières, du bon vin et du rôti, patronne des trafiquants, des prostituées et des causes perdues.
***
Alors, le corbillard, après m'avoir frôlé de son aile métallique, tourna au feu vert. Un détail incongru dissipa mon illusion lorsque j'aperçus le coffre : brisant la monotonie de ce noir intégral, un autocollant coloré indiquait à l'arrière "Enfant à bord ! "
Ce n'était donc pas un fourgon mortuaire, mais durant un bref instant, la confusion macabre persista, lumineuse, criarde, riante, telle l'éclat d'un vibrant soleil regardé en face. Il me sembla que, comme lors d'une grande mascarade, la sainte mort s'éloignait dans le boulevard, agitant les grelots de mes illusions et de mes pensées, dans un char de carnaval.
Ce n'est pas bien sérieux pensais-je, j'ai failli être renversé par un corbillard. Ces gens là ne pousseraient-ils pas à la consommation ? Et pas de visage de conducteur à maudire, juste le mien et le décor dans mon dos, se reflétant sur le miroir opaque du carénage.
Les italiens ont paraît-il un geste de superstition au passage de ces engins : les hommes se passent rapidement le pouce sur la braguette, pour conjurer le sort. Pour rester dans l'esprit de mon précèdent article, j'avoue faire de la sorte depuis longtemps. On comprendra facilement le sens de ce symbole, où l'on insiste sur les différentes façons d'être gisant, où l'on invoque les petites morts pour conjurer la Grande dégingandée.
Quand j'étais enfant, j'avais un grand cousin qui était ébéniste ; il fabriquait des cercueils. Je me souviens de son visage de clown paisible, il souriait toujours humblement. Aux enterrements, il nous serrait la main, avec son sourire, qui voulait dire que la vie était triste mais que le travail était bien fait. Il fabriquait des meubles, également, lors de son temps libre.
J'avais trouvé cette idée sinistre, j'avais dit quelque chose comme c'est lugubre, des meubles fabriqués par quelqu'un qui construit des cercueils toute la journée. Pourquoi, m'avait-on répondu ? Le bois, c'est le bois. Mais tout de même. Il doit y avoir dans sa boutique une grande réserve à bois, on prend des planches de sapin, pour y allonger les gens, et avec les chutes, on fait des étagères, pour y dresser des livres.
Est-ce que ça produisaient des maisons hantées, des meubles en bois de cercueil ? Le grand cousin posait sa main sur mon épaule, avec son visage gentiment tranché par son rire, et dans mon imagination déchaînée, je me disais que cette même grosse main, calleuse, affectueuse, faisait des boites pour les morts. Mais non, voyons, c'est juste du bois. Oui mais tout de même, il doit y avoir une façon spéciale de planter les clous, non ? Un peu comme les chirurgiens font des points de croix, une manière de clouer très définitive, est-ce que je sais moi ?
Le cousin avait donné une petite commode en sapin à ma grand-mère. On y mettait des lettres dedans. Je trouvais que c'était dur, pour les lettres. Du courrier, des dés à coudre, une vieille carte postale, une règle en bois, carrée, le fond étant capitonné d'un vieil imprimé vert. Les objets semblaient rejoindre l'éternité chaque fois qu'on refermait le tiroir.
Le cousin racontait aussi que souvent, quand les gens mourraient chez eux, les horloges et les pendules s'arrêtaient toutes d'un coup, marquant la même heure. Même les montres à quartz, demandais-je ? Ah, ça ne fonctionnait peut-être pas avec les objets électroniques. Vive le progrès.
Le jour de la fête des morts, au Mexique, la Sante Muerte est vêtue de blanc, comme une mariée. Je l'ai lu dans le journal, cette semaine. Qu'elle m'apporte, suite à mes lourdes prières, du bon vin et du rôti, patronne des trafiquants, des prostituées et des causes perdues.
***
Alors, le corbillard, après m'avoir frôlé de son aile métallique, tourna au feu vert. Un détail incongru dissipa mon illusion lorsque j'aperçus le coffre : brisant la monotonie de ce noir intégral, un autocollant coloré indiquait à l'arrière "Enfant à bord ! "
Ce n'était donc pas un fourgon mortuaire, mais durant un bref instant, la confusion macabre persista, lumineuse, criarde, riante, telle l'éclat d'un vibrant soleil regardé en face. Il me sembla que, comme lors d'une grande mascarade, la sainte mort s'éloignait dans le boulevard, agitant les grelots de mes illusions et de mes pensées, dans un char de carnaval.
vendredi 4 janvier 2008
Penis Enlarger Premium Edition
Publi-Rédactionnel
Comme tout le monde, je reçois un maximum de courriers dans ma boite aux lettres, je ne les lis pas tous. J'ai beaucoup de spam. C'est énervant. Quelle perte de temps, et surtout, quelle perte de productivité. Vous savez ce que c'est ! Pourtant, un jour, plus curieux que d'habitude, j'ai été interpellé par la lecture d'une proposition alléchante de la société BigusDickus, et son intéressante offre "Penis Enlarger Premium Edition".
En tant que blogueur, méfiant comme je suis, bardé d'un esprit critique sans faille, je leur ai signalé que leur offre de paiement en dix fois (sous réserve d'acceptation du dossier par l'organisme financier) était ridiculement basse, et je me suis insurgé avec la plus grande fermeté contre cette annonce douteuse. Agrandir son pénis pour une somme aussi démocratique, par une équipe de professionels, pour une somme si modique ? Impossible !
Mais non ! m'ont-ils répondus. Ils m'ont alors proposé de tester leur prestation, et d'obtenir gratuitement pour la modique somme indiquée l'organe de mes rêves.
Dans des locaux très propres d'une clinique en banlieue, j'ai rencontré l'équipe commerciale et technique, fort sympathique : Stewart, Dundee, Kevin75, LolitaMorgane. La salle d'attente est très agréable, il y a des magazines de cette année, des VSD, des Gala, Madame Figaro et surtout Auto-Plus, car je n'avais pas lu le dernier compte rendu de la Ford Focus. Le personnel médical a vraiment l'air très compétent, ils portent tous des gants et des bonnets verts, comme Farid Taha. Dans les couloirs, on voit de nombreux ficus dans des pots verts, tout ça inspire vraiment confiance et permet de rester Zen.
En effet, subir une opération est toujours un peu effrayant : par exemple, les amygdales. Mais l'anesthésie était très réussie : j'ai très bien dormi. J'ai même rêvé que j'étais un oiseau en caoutchouc qui mangeait des arbres platoniques, mais là n'est pas la question.
A mon réveil, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir entre mes jambes un pénis prodigieux, conforme à mes souhaits !
Avec mon nouveau sexe de quatre-vingt centimètres et son érection garantie* (voir les modalités en magasin), j'ai découvert une seconde virilité. Je suis à présent un mâle normal, comme dans les films pornographiques. L'autonomie est de quinze heures, ce qui laisse le temps de s'amuser et faire quelques virées coquines ! :-) lol, mdrrr, kikoolol. Il est rechargeable sur le secteur (un câble USB est également fourni). Pour des expéditions osées dans la forêt, loin de la civilisation (les piles ne sont pas fournies), il suffit de douze piles 4.5 volts. Douze piles c'est beaucoup me direz vous ? Mais non voyons ! Grâce au Penis Enlarger, la contenance de mon sexe a plus que triplé, c'est très pratique pour des performances qui durent vraiment plus longtemps.
Je terminerai ce compte-rendu par un coup de chapeau au service après vente : grâce aux groupes de discussion "I've got a Fake Member" (disponible aussi sur Facebook), j'ai rencontré des tas de gens paratageant mes préoccupations, dont Cynthia, qui a bénéficié du "Breast Enlarger Silicon Platinium" (avec compartiment pour ranger un casque ou un portefeuille en cas de sortie à moto).
Maintenant, je suis paré pour affronter la vie. Mon nouveau sexe, c'est mon nouveau moi. Je suis bien dans ma peau, dans mes baskets, dans mon pénis. Si vous êtes un pachyderme, un monstre de la jungle, ou un animal de trait, je suis intéressé pour faire une rencontre, pour partager des moments complices au restaurant, ou devant des DVD, par exemple.
Ce billet est sponsorisé par BigusDickus
Comme tout le monde, je reçois un maximum de courriers dans ma boite aux lettres, je ne les lis pas tous. J'ai beaucoup de spam. C'est énervant. Quelle perte de temps, et surtout, quelle perte de productivité. Vous savez ce que c'est ! Pourtant, un jour, plus curieux que d'habitude, j'ai été interpellé par la lecture d'une proposition alléchante de la société BigusDickus, et son intéressante offre "Penis Enlarger Premium Edition".
En tant que blogueur, méfiant comme je suis, bardé d'un esprit critique sans faille, je leur ai signalé que leur offre de paiement en dix fois (sous réserve d'acceptation du dossier par l'organisme financier) était ridiculement basse, et je me suis insurgé avec la plus grande fermeté contre cette annonce douteuse. Agrandir son pénis pour une somme aussi démocratique, par une équipe de professionels, pour une somme si modique ? Impossible !
Mais non ! m'ont-ils répondus. Ils m'ont alors proposé de tester leur prestation, et d'obtenir gratuitement pour la modique somme indiquée l'organe de mes rêves.
Dans des locaux très propres d'une clinique en banlieue, j'ai rencontré l'équipe commerciale et technique, fort sympathique : Stewart, Dundee, Kevin75, LolitaMorgane. La salle d'attente est très agréable, il y a des magazines de cette année, des VSD, des Gala, Madame Figaro et surtout Auto-Plus, car je n'avais pas lu le dernier compte rendu de la Ford Focus. Le personnel médical a vraiment l'air très compétent, ils portent tous des gants et des bonnets verts, comme Farid Taha. Dans les couloirs, on voit de nombreux ficus dans des pots verts, tout ça inspire vraiment confiance et permet de rester Zen.
En effet, subir une opération est toujours un peu effrayant : par exemple, les amygdales. Mais l'anesthésie était très réussie : j'ai très bien dormi. J'ai même rêvé que j'étais un oiseau en caoutchouc qui mangeait des arbres platoniques, mais là n'est pas la question.
A mon réveil, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir entre mes jambes un pénis prodigieux, conforme à mes souhaits !
Avec mon nouveau sexe de quatre-vingt centimètres et son érection garantie* (voir les modalités en magasin), j'ai découvert une seconde virilité. Je suis à présent un mâle normal, comme dans les films pornographiques. L'autonomie est de quinze heures, ce qui laisse le temps de s'amuser et faire quelques virées coquines ! :-) lol, mdrrr, kikoolol. Il est rechargeable sur le secteur (un câble USB est également fourni). Pour des expéditions osées dans la forêt, loin de la civilisation (les piles ne sont pas fournies), il suffit de douze piles 4.5 volts. Douze piles c'est beaucoup me direz vous ? Mais non voyons ! Grâce au Penis Enlarger, la contenance de mon sexe a plus que triplé, c'est très pratique pour des performances qui durent vraiment plus longtemps.
Je terminerai ce compte-rendu par un coup de chapeau au service après vente : grâce aux groupes de discussion "I've got a Fake Member" (disponible aussi sur Facebook), j'ai rencontré des tas de gens paratageant mes préoccupations, dont Cynthia, qui a bénéficié du "Breast Enlarger Silicon Platinium" (avec compartiment pour ranger un casque ou un portefeuille en cas de sortie à moto).
Maintenant, je suis paré pour affronter la vie. Mon nouveau sexe, c'est mon nouveau moi. Je suis bien dans ma peau, dans mes baskets, dans mon pénis. Si vous êtes un pachyderme, un monstre de la jungle, ou un animal de trait, je suis intéressé pour faire une rencontre, pour partager des moments complices au restaurant, ou devant des DVD, par exemple.
Ce billet est sponsorisé par BigusDickus
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