mardi 14 décembre 2010

Les Loutres


Je me suis réveillé ce matin, les deux loutres qui me servent de famille dormaient encore. Le Mercredi, c'est Mercredi-Retard. Je me traine à la cuisine, il fait très jour.
Je regarde la grue qui, à cinquante mètres de moi, transporte des véhicules. Je me dis que ça serait spectaculaire si elle s'écroulait, et je chasse cette pensée mauvaise vite, tout en pensant que ça ferait un début de journée d'enfer si la grue tombait, tout de même. Comme il y a une école maternelle et une maison de retraite autour, je me dis pour faire bonne figure "ça ne serait pas juste qu'elle tombe dans l'école, pour sûr, mais plutôt sur les vieux", et je me sens mieux.
Agitant mon café tandis que les autres se lancent dans une hibernation hardie, je pense aux papous de Gainsbourg, dans Melody Nelson, "Ces naufrageurs naïfs armés de sarbacanes / Qui sacrifient ainsi au culte du cargo"
Je pars. Il fait froid. J'ai l'impression d'avoir un casque de musique vissé dans les oreilles, je devrais mettre un bonnet. Je lis au passage une énième recommandation accrochée aux murs de l'immeuble. Et il ne faut pas garer trop sa voiture dans l'allée. Et il ne faut pas trop allumer la lumière dans la cave. Et il ne faut pas faire trop un barbecue dans l’ascenseur. Et il ne faut pas trop déménager avec des trop cartons dans des trop camions avec des trop gens pour le bien de tous. J'imagine le métier étrange qu'est rédacteur de messages informatifs dans le syndic d'immeuble. 
J'ai remarqué que ces fils de chacals avaient diminué la minuterie de la lumière dans la cave. Je dois aller plus souvent allumer pour ne pas me retrouver en plein Vendredi 13. J'imagine la réunion des eux contre moi, autour d'une table, déterminés à un plan d'action pour limiter les abus de lumière dans la cave ; ils doivent porter des badges. Peut-être même qu'ils ont un salut spécial, entre eux. L'aile dure du groupe doit militer pour la lampe de poche. L'aile progressiste pour un bouton qui tourne. Représailles. Je me demande si en sciant un des pieds de la grue, il n'y a pas moyen de leur donner une bonne leçon.
Le local poubelle a encore un interrupteur normal d’électricité. Havre de paix et de la vie à taille humaine que cet endroit préservé. J'y pense souvent, au local poubelle, quand je suis en détresse de liberté.

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...