jeudi 27 mars 2008

Le chien

C’était un chien. Il était con. On ne sait pas trop comment distinguer dans cette espèce fidèle les lumières des abrutis, mais manifestement, il appartenait à la seconde, celles des benêts, des patauds, des chiens qui n’avaient pas inventé l’eau chaude ni l’os en plastique.

On lui lançait un bâton au loin, il courait cinq secondes, puis s’arrêtait. Il avait oublié pourquoi il courait. Alors au loin, il se retournait, nous regardait. Il se demandait ce qu’il faisait comme ça au loin, alors que l’instant d’avant, il était au près. Il sautillait, alors, balançant un peu tout, en désordre, à droite à gauche, ses oreilles, sa langue. Il était heureux de revenir près de nous. C’était une joie simple et inépuisable. Nous lancions à nouveau le bâton. Parfois il ne partait pas. Il oubliait de partir. Il nous regardait en remuant la queue, avec bonheur, comme si les imbéciles, c’était nous. Nous relancions encore un ultime bâton, en l’insultant copieusement, l’exhortant à se remuer, et il partait à toute allure, déchaîné, fou, résolu, déterminé, et pissait contre arbre. Il avait oublié le bâton. Puis revenait, avec cette joie toujours vibrante au postérieur, comme s’ils découvrait incessamment, avec extase, la splendeur de ses maîtres.

C’était un cocker. J’avais huit ans. On m’avait dit : d’accord, mais c’est toi qui irais le faire pisser, le matin, et le soir. Oui j’avais dit, insouciant, tout, n’importe quoi, un chien. Il m’avait ému tout de suite, si petit, si con, dans cette boîte pleine de paille. Il était tout seul dans sa caisse, comme un invendu. Avec ses grandes oreilles pendantes, on aurait dit Francis Cabrel jeune. Je l’ai pris contre mon épaule, il sentait le talc, ou l’anti-puce. Il remuait sa truffe en me fixant, entreprenant la grande classification de son bref univers. Tout d’un coup, ce n’était plus nous la petite chose fragile, c’était le clebs. On le serrait, on le dorlotait, tandis que la voiture démarrait, on lui promettait un monde de jardins et de biscuits.

J’allais le faire sortir, pour ne point qu’il s’oublie sur le carrelage, et je le maudissais. Quel con. Dans le froid, il tirait sur sa laisse, sans raison, juste pour avancer, comme si la terre ne tournait pas assez vite, avec son nez qui aspirait sans jamais faiblir le socle de l’atmosphère. Sans fin. Il trouvait un arbre, il était heureux, il pissait. Puis il oubliait qu’il avait pissé, et cherchait une autre chose dressée depuis le sol, un pylône, un panneau.

Puis il a vécu. Je lui caressais le crâne, le soir, dans la fébrilité fatigante de l’adolescence, je le scrutais comme la mascotte absurde du grand Tout. Je me disais, je lui disais : alors toi, si tu meurs, tu vas direct dans le néant. Comme ça. Tu respires, tes poumons pompent, et puis voilà, pour rien, gratuitement. Son pelage était noir. Comme le néant, me disais-je. J’allais lui chercher un petit biscuit. Le néant qui l’attendait, ça méritait bien un petit biscuit. Il me regardait content, indifférent à la brutalité du temps. Il avait oublié.

Puis je suis parti de la maison, pour toujours. Ma mère l’a très bien pris. J’ai rangé mes chemises dans un sac de sport. Ma mère est d’accord avec tous mes choix. Je lui aurait dit : j’ai battu le record de Marc Dutroux, elle aurait acquiescé, elle aurait dit, c’est bien, c’est une chose comme une autre. Je téléphonais, et je demandais aussi des nouvelles du chien.

Je rentrais parfois, à la maison, je prenais le bus, comme un exilé, comme l’inventeur de l’eau chaude. Le chien était là, il ne m’avait pas oublié. Puis il a vécu, mais trop. A un moment donné, toutes les bonnes choses de ce monde, pisser, courir, tenter d’égorger le facteur, tout s’est couvert d’un grand voile de fadeur. D’épuisement. De résignation. Il était devenu gros, un gros fruit trop mûr, pendouillant à l’arbre de notre affection.

Puis il a cherché à droite à gauche un endroit pour ne plus y être, pour se laisser derrière lui, sa carcasse noire gonflée d’eau. Il se couchait, dormait, se relevait, tournait autour de lui, las, puis dormait à côté de son panier, pour y peser moins lourd dedans. Il cherchait un endroit pour s’oublier longtemps. Puis comme ça n’en finissait pas, il en a conclu qu’il ne fallait peut-être pas oublier d’y passer. Il s’est mis devant la porte de la cuisine, qui menait au jardin, comme quand il devait assouvir un besoin urgent. On lui a ouvert ; frappé d’une seconde et furtive jeunesse, il a trottiné dans l’herbe, heureux, idiot, dans le printemps saturé de papillons et la pelouse pelée, pleine de fleurs cassées ; soulagé, il s’est allongé sur le flanc pour la sieste incommensurable, et c’était fini.

photo : source

mercredi 26 mars 2008

Le gouffre en faïence de la Fatalité

J'ai depuis tout petit une habitude : je lis dans les cabinets. Il m'est arrivé par exemple de lire des nouvelles de chez filaplomb, des annuaires, des poètes, des journaux gratuits, des plans de Paris, des catalogues de la Redoute, etc.

Pour les annuaires, ce n'est pas une blague. J'installe leur froid volume sur mes genoux, je regarde les noms. J'imagine des histoires, je cherche des patronymes ridicules, comme Monsieur Connard, par exemple. Ou Jean Bonnot. Je me souviens de mon enfance insouciante, quand je composais le numéro de téléphone dégoté, pour dire : "Allo Monsieur Jean Bonnot ?...", avant de raccrocher, déjà, terrassé par le rire.

J'aime les pages jaunes, j'observe les publicités. Les concepteurs d'annonces pour les plombiers ajoutent tous une fausse croix manuscrite, dans leur encart, pour faire croire que le lecteur précédent (le mari ?) a coché le bottin au stylo bille, sûr de son choix. J'aime découvrir des métiers biscornus, méditer sur les annonces des thanatopracteurs ou des détectives privés.

J'aime y lire des plans de Paris. Avant, quand j'habitais Lyon, les noms des rues parisiennes me faisaient longuement rêver ; elles étaient chamarrées, cosmopolites ; télescopages d'Histoires, panache de nations : Rivoli, Bir-Hakeim, Ménilmontant, Rochechouart, Exelmans, Stalingrad. Un mélange de Monopoly et de polars, de Balzac et du commissaire Maigret. J'errais dans le labyrinthe des rues, avec l'index, enivré par la musique des voies. Là, à présent, j'ai du mal à ressusciter ce sentiment, quand je cherche sur internet l'adresse du Castorama le plus proche.

Les catalogues de la Redoute m'évoquent quant à eux des souvenirs émus, ces pages sans tempérance peuplées de créatures en porte-jarretelles, qui me chaviraient la tête, adolescent, et maintenant aussi, un peu, parfois. Je cherchais nerveusement la page de la lingerie fine, au printemps ou à l'hiver annoncé, et là, feuilles sombres, papier glacé, luxueux, brillants, bas rutilant sur les jambes alanguies plus longues que des versions latines, je devenais quasiment radioactif de désir douloureux, et d'espérance.

L'habitude de lire au cabinet étant prise depuis si longtemps, je suis incapable d'entrer dans les gogues sans chercher furieusement de la lecture, eussè-je la sensation d'être empalé à l'envers par un besoin impétueux. Dans les toilettes publiques, par exemple, quand je suis pris au dépourvu, je fouille mes poches, et je déchiffre n'importe quoi : ma carte orange, un ticket composté, un prospectus pour un livreur de pizza. Tout est intéressant : l'heure de poinçonnage, le sens cabalistique de mon numéro de carte orange, le nom de l'imprimeur et son "ne pas jeter sur la voie publique", le prix toujours en hausse de la pizza Margarita de base.

J'ai depuis quelques temps un téléphone portable fourni par mon travail, pour être dérangé le soir de Noël, tandis que Kéké déballe son quarante-troisième camion poubelle. Il m'arrive parfois de délaisser les poètes et le prêt-à-porter affriolant pour consulter mes messages électroniques, ou d'écrire dans twitter des informations sur moi, capitales et authentiques comme : "je fais caca".

Ce jour là, j'étais absolument en retard, mais il n'était pas question de me soustraire à cette tradition. Je pris donc mon téléphone par la main gauche, dans la folie de l'urgence, mon pantalon détaché ne tenant que par la droite, et je courus comme un pingouin en rut quand le printemps étend son blanc manteau sur la banquise. Parvenu enfin au trône pour y faire ma foire, dans ma rocambolesque démarche d'un Richard III débraillé, je lâchai l'appareil, mon emprise sur les choses occupée par ailleurs. Merveille de technologie miniaturisée, outil ultime d'une espèce humaine communicante, le petit pavé blanc, avec un trou sur le côté droit pour prendre des photographies, vint s'engouffrer directement au fond de la cuvette.

Horrifié, je plongeai immédiatement ma main au cœur de la faïence, pour sauver l'engin, tel Charon perdant les clefs de sa barque dans le Styx. Il était encore allumé. La tête de mon fils en fond d'écran brillait toujours : avec ses lunettes de soleil en plastique sur le front, il dévisageait l'imbécile fini que j'étais. Pour me consoler, je me félicitai d'avoir perdu l'appareil avant l'irréparable, avant d'enfouir ma main parmi mes selles, ce qui aurait peut-être fait, cruels lecteurs, un billet plus réjouissant.

For sale: baby shoes, never worn

Trouvé chez Delphine Kilhoffer : Ernest Hemingway aussi était victime de "tags", de "chaines" et d'autres trucs de blogueurs en tout genre. C'était un précurseur.

Le pari : écrire une histoire en six mots. C'est peut-être une idée de jeu, pour mes fous furieux de lecteurs, non ?

Sa réponse (et avouez quand même que c'est fort en chocolat) :

"For sale: baby shoes, never worn"

mardi 25 mars 2008

Chance ! Chance !

Je m'avance sur la passerelle Debilly, large monticule de planches. Un étrange individu arrive en face, il regarde au sol, se penche, semble ramasser quelque chose et s'approche de moi. Il me tend l'objet en répétant : "chance ! chance !"

Je refuse de prime abord, il doit s'imaginer que je l'ai perdu avant mon passage, je le prends pour un demeuré. Mais il insiste. Il me confie alors une volumineuse bague, puis s'en va. Je regarde dans ma paume : c'est une chevalière massive, sombre, elle semble en or, j'inspecte l'intérieur, remarque une sorte de poinçon. Sans rien y connaître, j'imagine qu'un poinçon, c'est du sérieux.

L'anneau dans le creux de la main, je reste un instant interdit, je vois partir l'inconnu sur la passerelle, sans réaction. Puis je reprends mon chemin. C'est la vie, c'est comme ça, des gens vous donnent des bagues en or, sur des ponts.

Peu après avoir repris la marche, je sens le plancher vibrer sous mes pieds, je me retourne : il revient. Il me réclame de l'argent. Ou un ticket restaurant. Naturellement, comme si nous terminions une répétition, et que nous avions à reprendre la scène du début, je lui rends la bague, et j'hausse les épaules, nous n'avons pas été très crédibles, tous les deux.

Tandis qu'il s'éloigne, la bague serrée dans le poing, je médite sur cette déconcertante technique pour faire la manche. Qu'est-ce qui a pu lui traverser l'esprit pour qu'il en arrive à mendier en distribuant des bijoux ?

Un bateau-mouche obèse vrombit sous mes pieds, des gens hilares me font coucou, je suis seul au centre de la passerelle, avec en contrebas le fleuve fendu d'un grand V. Puis je me pose la question : et si j'étais parti, si j'avais continué mon chemin avec la bague, ou refusé de la lui rendre ? A l'extrémité de la structure, je croise une sorte de molosse ombrageux, accoudé à la balustrade, prenant le frais avec une feinte nonchalance : j'ai ma réponse.

dimanche 23 mars 2008

La Grue Eiffel

Nous sortons du RER, nous avons décidé de faire du tourisme. Notre fils n'a jamais vu la Tour Eiffel. Spectacle étrange, sur le trottoir, un groupe d'une cinquantaine de personnes passe devant nous, ses membres portent tous la même parka.

Tout d'un coup, les immeubles s'écartent comme des rideaux, la Tour Eiffel se dresse, gracile, orange de près, échafaudage sans façade.

Nous lui montrons du doigt ce qui est décrit comme un exploit des ingénieurs moustachus du temps passé : Kéké reste impassible. Il examine ce sémaphore métallique, fronce les sourcils, le soleil l'aveugle. Il scrute, c'est immense, de la dentelle d'acier partout, dans tous les sens, comme un arbre bourgeonnant de rivets. Puis il tourne la tête dans la direction opposée, et son visage s'illumine, enfin, il aperçoit par dessus les toits de zinc, derrière nous, s'élever un fin T métallique, il s'exclame fou de joie, l'index brandi : "Une grue ! Une grue ! Une grue !".

jeudi 20 mars 2008

Pour un tour gratuit

J'ai passé un sacré bon week-end. Ce qui fait qu'il faut voter moi au Festival de Romans.

On parlait l'autre jour des rites initiatiques qui disparaissaient, ce samedi dernier, au matin, j'ai eu l'impression d'en passer un, un tout petit, un tout bête. J'ai accompagné Kéké au cabinet médical, sans rendez-vous. Là, dans le silence recueilli d'une demi douzaine de personnages ombrageux me scrutant, j'ai dû faire patienter mon fils, dans la salle d'attente, pendant deux heures. C'est long, un gamin qui s'ennuie, qui s'ennuie de s'ennuyer. Le camion benne poussiéreux et cassé de la salle d'attente, ça va bien cinq minutes. Je lui ai parlé gentiment, puis côte à côte, nous avons lu des histoires, et entretenu des discussions infiniment candides sur les hippopotames et les pompiers.

Ensuite, nous sommes sortis, nous avons crié : libres ! Enfin libres ! Voilà, comme l'alpiniste qui revient changé et libéré de quelques doigts depuis les sommets, nous avons grimpé la petite colline de la patience, tous les deux. Puis nous avons pris du pain. Puis nous avons fait des détours. Puis nous sommes rentrés. Puis il a dit : "encore marcher ?" Puis j'ai dit "Si tu veux." Nous avons recommencé à cheminer, alors, sur le trottoir, il m'a indiqué la couleur des voitures, au fil de notre lent périple. Puis nous avons regardé les camions poubelles, majestueux, défiler sur le boulevard Barbès comme un 14 juillet.

Dimanche soir, je l'ai accompagné au manège. C'est idiot, tous ces enfants joyeux, dans la lumière hystérique du soir, ça me donne envie de mourir. Ça me fend le cœur à chaque fois, j'ai envie de les aider. J'ai l'impression que le monde souffre et qu'il faut que j'abrège ses souffrances ; je crois que je deviens psychopathe. Je suis comme le type, le peintre, dans ce film, qui voit déjà, derrière un homme qui se baigne dans un lac, un noyé. Je me mets au bord de la piste, parmi les parents qui font coucou. Je me détends, comme le grand sinistre, peu à peu, je fais coucou avec conviction, avec rage, avec violence, il me sourit dans son panda, ou son camion, ou sa voiture, ou sa moto ; la vie est plus que belle, elle est profonde, dense.

Quand je l'installe dans son véhicule, il s'agrippe au volant. Il prend le ticket, à remettre au monsieur, j'adore comme il remet son ticket au monsieur, avec cette conviction, cette volonté concentrée sur le bout de la main, il fait comprendre qu'il va avoir droit à un sacré tour de manège, bon sang de bon soir, il va falloir que ça tourne ! Je m'éloigne, je le regarde si sérieux, au loin, parmi les enfants qui éructent. Il reste immobile, je vois que sa joie est toute intérieure, il ne sourit pas, je surprends juste ses lèvres remuer, il fait "broooum", discrètement.

Puis le manège tourne, les enfants s'entendant hurler hurlent de plus belle, par contagion. Je réfléchis, observant les machines colorées, les ampoules qui clignotent, à ce que je pourrais bien raconter dans un billet pour inciter les gens à nous faire décrocher le pompon, au Festival de Romans. Ma belle-mère a envoyé des mails à chacun de ses collègues. Puis elle a écrit des mots pour les glisser dans chaque casier de son collège, invitant les professeurs à voter. Je nous imagine bien dans un radio-crochet, à chanter "Alexandrie, Alexandra", avec ma belle-mère dans le public, et un grand panneau pour nous encourager. Et puis moi, coiffé en Tokyo hôtel.

Le pompon s'agite, justement, virevolte entre les enfants aux mains tendues. Il y a ceux qui se lèvent, quitte à perdre l'équilibre, ceux qui tendent un peu la main sans espoir, résignés, ceux qui ne sont pas sur la bonne orbite du manège, et qui ne sont pas concernés par ce cirque. Je reste songeur, à les voir dévoués, petits êtres combatifs, pour le tour gratuit. Au sommet d'un carrosse, un des deux petits cochers décroche la queue du mickey, il hurle de joie. Son collègue, à côté, si près du but, se met à pleurer infiniment, avec la plus grande détresse possible. L'autre, le vainqueur, tandis que le manège tourne, arrête peu à peu de répandre sa joie, et coupable, tourne vers lui un regard désolé. Sa joie semble éteinte, alors. Puis il lui donne le pompon, lentement. Ils en tiennent chacun un bout, le partage.

Quand la fête est finie, les tickets dépensés, je tente de m'emparer de mon fils, mais il parait soudé au siège. Impossible de le récupérer. Je l'empoigne, je tente de le détacher, de l'extraire, mais il dit : "non, encore !", et son corps reste incroyablement adhéré à l'engin, les mains, les fesses, il ne proteste même pas, il reste juste collé. Je suis obligé de l'arracher, là il proteste, et tend son index devant cette féérie fugitive du week-end terminé.

Nous rentrons, nous n'en finissons pas de rentrer.

La nuit est tombée, nous errons, comme si nous avions inventé le plaisir d'errer, avec Kéké, comme si, détenteur du brevet, pour nous, c'était gratuit. Les sorties ressemblent de moins en moins à des expéditions commandos, avec le paquetage de survie pour le nouveau né. Là, on se balade, on s'est donné la main ; enfin, il m'a donné la main, je lui ai donné le doigt.

Il discute avec un clochard, il lui dit que la lune est dans le ciel. Nous passons entre les vendeurs de maïs, puis les spectres maigres des toxicomanes ; il marche, blindé par sa candeur, sa tête de bonnet.

***

A propos de pompon, et de Festival de Romans, je vous invite à voter pour tous ces gens (et pour moi aussi). C'est simple, vous utilisez un email, vous confirmez une seule fois votre premier vote numéro un (j'insiste ?), et vous pouvez déposer après un vote pour tous ces blogs.


Voici donc, par catégorie :

Blogs littéraires
Blogs de vie
Blogs politiques / Expression citoyenne
Blogs érotiques :
  • Vagant - Voter (ya que neuf participants, il est déjà qualifié, l'autre, ho !)
Blog photo

Et puis merci aussi à ces deux blogueurs fous qui nous ont fait une réclame d'enfer :

jeudi 13 mars 2008

Impromptu au silence

Le silence, il arrive d'un coup. Le grondement du métro me berce, on se sent comme dans un recoin, parmi des gens, c'est un instant très logistique, on se déplace. Le regard n'est pas vraiment posé sur quelque chose, hypnotisé par les lumières du tunnel, il y a le bourdonnement constant, lointain mais pourtant juste sous nos pieds, comme un monstre marin frôlant la coque d'un cargo. On pense aux choses d'après, à la vie qu'on va mener hors du souterrain. On accélère, on court presque, pour bâcler au plus vite cette formalité collective.

Des gens plongés dans des livres, des écouteurs plongés dans des gens.

Une revue, un quotidien : on colorie vite fait la vie des autres, pour jouer aux énigmes. Tiens, il lit ce journal, avec cette tête, il doit penser ça. Il a une alliance, il est marié, il devait avoir cette tête là à son mariage, est-ce qu'il a un rire de cheval ou bien de fouine, est-ce qu'il a fait un discours, a pleuré, est resté perplexe, dit des blagues avec des belges, quelle tête avait-il pendant sa nuit de noce, sa cravate autour de la tête, à suer, dans une chambre de location au papier-peint neuf ?

Un autre passager chantonne, un peu fort, ça me dérange, il sort de sa réserve. Je m'aperçois que c'est stupide d'être dérangé par quelqu'un qui fredonne, même avec insistance, même mal. Il grince. Tant pis. Qu'est-ce qu'il veut prouver, au juste, en marmonnant ses trucs bizarres ? C'est un taré ? Il est pourtant bien habillé, il va bosser. Oh, il y a des tarés bien habillés. Il est bien rasé, il sait tenir un rasoir sans se trancher la tête. Ça va. C'est un taré qui s'est bien délimité, il déborde juste un peu, il fuit. Il y a peut-être un trop plein de chansons dans sa tête, qui sait, alors ça coule un peu, par la bouche, ça ruisselle sur les autres. Ce n'est pas comme le taré qui titube, qui virevolte d'un strapontin à l'autre, hirsute, et cherche le regard d'un inconnu pour se venger de l'humanité. Donc, alerte vigitaré maintenue au même niveau. C'est un gentil taré ordinaire, qui s'exprime, il est là, il nous rassure de lui, il dit qu'il n'a pas été aspiré comme un bain froid par le trou du néant, et ça lui fait du bien.

Puis au milieu d'un tunnel, la rame s'arrête, et le silence tombe, grandiose. Plus de bruit, plus de grondement, le silence nous sort de la rêverie. Le silence. On ouvre les yeux, on regarde vraiment ce qu'on est. Là, dans le calme englouti, on se voit, des centaines dans un wagon. On se respire. On s'entend respirer. On se constate, debout, serré, accroché, à craindre la fuite de l'équilibre comme des guirlandes. Les visages blafards, maquillés, coiffés, froncés ; il faut trouver un endroit neutre pour ne rien regarder vraiment. Il faut attendre. On se sait embarrassé, il nous demande des comptes, comme à des petits enfants, le silence. Il jette un oeil par dessus l'épaule, pour examiner la copie de chacun. Il passe dans le couloir, nous frôle, il dit mais vous êtes encore nombreux comme ça ? C'est pas bientôt fini ?

Je repense au jour où, dans un métro, il y a eu une petite explosion sous mon wagon, et des flammes, et l'odeur de brûlé. Je suis resté digne, consigné sur mon strapontin, idiot, avec un pantalon, et un sac à dos sur les genoux, comme les crétins de l'univers, j'ai pensé zut ça doit commencer comme ça pour les autres, c'est un peu comme Molière qui meurt sur scène, sauf que tout le contraire ; j'ai pensé à des faits divers, des cabines téléphériques, je suis sorti bien content, tiens, j'aurais pu pencher la tête pour respirer un grand bol de pot d'échappement tant j'étais satisfait d'avancer encore ma carcasse comme un pion, dans cette existence.

Puis les turbines se sont réveillées, et le silence a terminé son cirque, au coeur des conduits inextricables, c'est reparti, on a étendu à nouveau le voile du bruit sur la pudeur du monde.




Merci à Dorham pour avoir suggéré cette "bande sonore".


free music




mardi 11 mars 2008

Le monstre

C’est une grande maison, avec la nuit qui tombe. Elle est en bois : chaque pas produit des grincements plaintifs et douloureux dans le silence. La maison est pleine d’étages, une incohérente accumulation d’étages, trop. Dans la campagne déserte, non loin de la réserve à loups où quelques cris déchirent la nuit obscure, la lune monte, rouge, et on peut contempler derrière les rideaux agités par le vent tout un paysage bucolique. D’un côté, le cimetière. De l’autre, le ravin où jadis s’est écrasé l’autobus des jeunes filles.

Nous lisons dans la chambre, tout en haut, la maison, avec ses centaines de pièces froides craque sous le vent dément. Par superstition un peu stupide, nous avons emménagé dans la seule pièce où il n’y a pas eu jadis de massacre, l’absence de tâche noirâtre dans les recoins est moins déprimante, nous a-t-il semblé. Ah quelle bonne soirée, murmurons-nous ! Qu’il est agréable de lire un ouvrage passionnant loin de la ville et de sa fureur !

Alors, dans un claquement sec, les plombs sautent. Nous nous retrouvons dans les ténèbres. Manque de chance, la lune rouge est en fait nouvelle, nous n’y voyons rien. Il y a en outre une éclipse, ce qui n'arrange pas les choses. Je vais descendre à la cave, où as-tu rangé les clefs ? La cave est à gauche en bas des marches ? Non, à gauche, c’est la chapelle mortuaire, avec les ossements, la cave est à droite. J’y vais ! A toute à l’heure. Je viens avec toi. Mais non, reste donc à lire tranquillement, je peux me débrouiller seul. Stupide crétin décérébré, il fait noir, comment puis-je lire ?

Nous descendons à tâtons les escaliers qui gémissent, encore et toujours. Je te donne la main, tu sembles avoir froid. Tu me dis : donne moi la main, s’il te plaît, je n’y vois rien. Je te réponds : mais je te donne déjà la main. Tu me dis : non, tu ne me donnes pas la main. Alors, de qui tiens-je la main, du pape, peut-être ? Bref. Nous en discuterons plus tard, tu es tellement entêtée.

Au rez de chaussée, nous ouvrons la porte de la cave. Au fait, pense à acheter du désodorisant, cette odeur fétide qui monte des soubassements, je ne la supporte plus. Puis nous l’entendons monter les marches quatre à quatre, il arrive : le monstre.

Bon sang, je crie, effrayé, le voilà ! Horreur ! Il faut fuir ! Qui donc, me fais-tu ? Le monstre ! Il arrive ! Qu’allons nous faire ? Pendant ce temps, le monstre arrive, à toute allure en poussant des cris rauques. Oh mais vite ! De quel côté doit-on partir ? Par ici, ou par là ? Nous ne sommes pas d’accord. Tu es vraiment entêtée. Tu veux toujours avoir le dernier mot. Fuyons par là ! Et mon polar ? Je l’ai oublié. Le monstre, quatre marches à la fois, déchaîné, fou, ivre de hargne, arrive toujours, à toute allure. Je crois qu’il est temps de fuir, fais-je. Comme si je n’avais pas compris toute seule ! Me réponds-tu excédée. Nous nous décidons à partir, mais nous nous rentrons dedans. Fais donc attention ! Et le monstre d’arriver en agitant ses membres, sa tête dans tous les sens.

Dans le hall, il nous faut choisir : ouvrir la porte d’entrée et fuir dans la campagne pour rejoindre le commissariat à deux cent mètres, ou prendre les escaliers qui mènent aux étages au risque d’être coincé dans la maison obscure. La vie est une affaire de choix, nous faisons le mauvais : pourquoi, nous demandons-nous, montant les escaliers, n’avoir pas choisi de partir dans la nature ? Pourquoi. Le commissariat est à deux cent mètres. Le monstre est toujours à nos trousses, et nous courrons, harassés. Nous renversons au passage une petite fille inconnue et livide qui joue aux billes, étrangement.

Au bout du couloir, les portes sont fermées à clef. Le monstre arrive, il court, il n’y a pas de marche, mais avance tout de même quatre à quatre. Et si nous prenions le vide-ordures ? Un vide-ordures dans une grande demeure en bois, ce n’est pas réaliste. Passons, c’est moi qui raconte. Je rentre dans le conduit, difficilement, et je glisse, les bras en avant, le long du tunnel aux parois suintantes, et j’arrive dans un tas de viande rance, parmi le royaume des rats. Je t’attends, rien, je tâtonne dans l’obscurité, bousculant des restes nauséabonds, parcouru par les rongeurs rendus fous couinant à la mort. Enfin, je trouve la porte et je m’extrais des ordures. Encore un couloir. Des marches. Je suis dans la cave, visiblement.

La porte, tout en haut s’ouvre. Que se passe-t-il, je lance ? On t’a fait du mal ? Je te vois, ta silhouette dans la lumière au sommet de l’escalier, je t’entends chuchoter, je ne veux pas qu’on te fasse de mal, j’arrive à ta rencontre, montant les marches quatre à quatre, et je vous entends crier, me dévisageant avec horreur : qu’est-ce donc ? Fuyons ! C’est le monstre !

lundi 10 mars 2008

Laideurs de la Beauté

J'ai croisé à midi, venant prestement en face de moi, une fille d'une beauté époustouflante, une figure qui semble vous réveiller en sursaut, une vision comparable à un seau d'eau glacée. Elle avait un visage si conforme aux canons de la beauté qu'il en paraissait anormal.

Une peau de porcelaine, délicatement colorée, un profil sans erreur, une perfection dure et altière, poupée Barbie dépourvue de sourire, avec, étrangement figé dans son regard croisé, l'air de la méchanceté ordinaire.

Dans son regard, j'ai senti qu'elle était pleine de sa propre splendeur, consciente, satisfaite. Elle se savait arborer un masque d'injustice, signifiant à toutes les ombres de passage que leur genre à eux était plutôt de porter des sandwiches à la main, et pas l'exception au museau. J'ai noté que ses lèvres roses faisaient un légère moue, comme un soupçon de répugnance resté sur le visage, un air d'engin motorisé, de fusil mitrailleur, de bombe à fragmentation. Parce que j'ai été frappé par sa superbe et son dédain, j'ai tout de suite imaginé la ride qui allait se creuser, au fil des ans, autour de sa mâchoire rogue, rictus cruel au dessus d'une mauvaise soupe, dans le réfectoire désinfecté parsemé de vieux immobiles.

Elle a disparu, chaloupant avec morgue, se faufilant au coupe-coupe dans une brousse d'hommes ployant le cou à son passage. Toute sa journée doit se dérouler de la sorte. Une continuelle sollicitation, comme des gouttes de regard qui lui tombent sur le front. Quel supplice. Elle doit peut-être se dire, à force, allez je mange du gras à chaque repas, et je ne m'habille qu'en tablier bleu à fleur, comme dans le catalogue "Daxon", mais en fait non.

Un jour, dans le métro, je fixais la longue liste des stations. Une jeune femme avait sa tête collée contre le plan horizontal, elle portait sa jeunesse avec humeur, comme un casque de moto. Croyant que je la dévisageais, les yeux plongés dans le plan, elle fit un geste d'impatience. Comme une paria complaisante, elle s'irritait de sa puissance telle une sorte de spiderman en civil. Le plus drôle, dans son cas, est qu'elle n'était pas spécialement belle, plutôt épargnée, à vrai dire, mais son propre boniment semblait la rendre heureuse, avec exaspération.

***

Plus tard, au guichet du banquier, une femme sans grâce arrive, et demande s'il est possible de virer vingt euros du compte A de monsieur, vers le compte B de madame. Le guichetier soupire. Est-ce qu'il n'a que ça à faire, aider les clients qui se présentent au guichet ? Il secoue d'abord la tête, dit simplement "non, ce n'est pas possible", refuse avant la fin de la requête, mais comme elle insiste, et puisque la veille sa collègue l'a fait, il soupire infiniment, lève les sourcils, épuisé, siffle entre les dents, et clique sur un ou deux onglets, et d'un air de seigneur des Carpates, il lâche : voilà c'est fait...

La fille d'après, Petra, est d'un autre format. L'employé, alerte, sursaute sur place, les mollets tendus, touchant à peine sa chaise. C'est pour ouvrir un compte au Groenland. Est-ce possible ? Ah, mais, l'employé lève ses deux mains tel un pianiste, tout est possible ! La puissance du guichetier ! Il ouvre des centaines d'onglets. Je vais y arriver ! Je vais y arriver ! C'est facile pour moi. Je vais chercher le directeur. Tout le monde se mobilise. C'est le Petrathon. Dans quel endroit ? Nuuk ? Ammassalik ? Ittoqqortoormiit ? Vous souhaitez obtenir un numéro de compte facile à retenir, par exemple "1" ? L'agence n'existe pas encore, en souhaitez vous la construction d'une ?

Mais, revanche de la vie, si cette dernière, Petra, finira vieille et misérable, la première également. Il y a une justice, comme quoi.

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En attendant, Petra, la muse, dira à son poète, allongée sur le lit, ses mules roses se balançant dans l'espace : j'aime pas Marcel Prout, il fait des longues phrases. Le poète, ravi, rira de bon cœur, lui disant : ô muse, ta candeur brise toutes les conventions qui enserrent nos vies studieuses et empesées, ô être de fraicheur valant mieux que toutes les vaines civilisations et nos dérisoires études, plus que le laborieux poète, tu es la poésie involontaire faite vie, puis Petra répondra : ah merci Raoul, ben tu es bien bon.

Dans la salle d'attente du coiffeur, pour finir, elle lira un magazine coloré. Un actrice gagnera des galons en jouant un rôle de grosse. Quel talent, quel courage, pouvoir s'enlaidir à ce point. Quelle force d'être laide quand on est belle. Quel courage d'être belle quand on est laide. Mais l'actrice modeste, sublime, désirable, terminera par cette vérité : "L'important, finalement, c'est la beauté intérieure."

jeudi 6 mars 2008

Cabane Pomme Compote

Nous sommes assis dans la cuisine, nous terminons le repas, fatigués. Mélangeant quelques conversations sur les jeux, les cachettes dans les arbres, l’enfance éternelle, et un pot de compote pomme-châtaigne à la main, E. demande à Kéké : veux-tu une cabane pomme-compote ? C’est idiot. Nous sommes pris d’un fou rire monumental. Nous rions si fort que nous en devenons silencieux, la tête prise entre chaque main, comme des penseurs.

Kéké nous regarde à tour de rôle, surpris, fier. C’est comme un triomphe pour lui, comme ça, à l’improviste. Dans son jeune âge, choyé, admiré, il est convaincu que tous nos rires sont provoqués par un de ses petits exploits. Il se demande ce qu’il a pu bien faire, sur ce coup là. S’il joue près de nous, par exemple, et que je sors une blague vaseuse, que ma compagne en rit, il regarde sa mère, ses cubes, et découvre le comique de ces objets, apprend que son art de les empiler est une grande source de joie. Puis il reprend son spectacle de cubes, guettant notre contentement.

Là, assis dans sa chaise haute, il ne fait rien de spécial, mais il cherche comment en rajouter. Son air vainqueur et ravi, ce tendre et habituel malentendu, tout augmente notre hilarité. Ne sachant comment pérenniser ce succès, petit cabotin, il lance de toute ses forces la compote par terre. Elle éclate.

Nous savons qu’il faut protester, et lui faire la morale, d’un air sentencieux. Mais il y a quelque chose de pourri dans l’ordre des choses, ce soir, et chacun, constatant l’autre incapable de reprendre ce rôle du commandeur, imbu de vérité, le ton impérial, reste tétanisé, le visage rouge, désamorcé. Elle tente de lever l’index pour gronder, mais cette greffe de sérieux vouée à l’échec ne fait qu’accentuer notre rire. C’est la révolution, on va couper la tête des parents, faire des barricades de cubes. Le chat arrive, examine la substance au sol, la renifle, et nous dévisage avec son air de sage imbécile. Il semble penser : et c’est cette espèce qui a remplacé les dinosaures ?

Nous voici à bout de souffle, le fou rire finit par nous quitter. Essuyant les larmes de nos joues, nous prenons la parole, et réussissions un médiocre discours sur la juste manipulation des compotes. Kéké est un peu déçu.

mercredi 5 mars 2008

Faire le malin

La dernière fois que j’ai fait le malin sur mon blog, j’ai récolté des trolls nazis, débarquant en imperméable dans des centaines de camions blindés, armés jusqu’aux dents, prêts à me couper la tête dans les bois. J’ai immédiatement accusé Didier Goux, bien sûr, d’être le passeur, et il m’a rétorqué, offusqué : "Voyons, vous n’en avez eu qu’un, un tout petit troll !"

J’ai dû reconnaître qu’il avait raison, et que des fois, j’exagérais un peu. J’ai dit que j’étais de Marseille, bonne mère, peuchère, ce qui est techniquement vrai, mais d’une profonde mauvaise foi quand on me connaît. J’ai eu un tout petit troll, vaguement nationaliste. Il m’a dit une broutille, il m’a parlé d’Israël, la routine. Il m’a dit "eux aussi ont des nationalistes !", un truc qui n’avait aucun rapport. J’aurais dit : "Berk, quelle mauvaise confiture ! On aurait dit de la confiture de Nazis !" Mon petit troll m’aurait dit : "Quel scandale, les israéliens aussi font parfois de très mauvaises confitures".

Aujourd’hui, Dagrouik, sur son blog a publié mon nom, avec un lien. J’ai été impliqué dans une sombre affaire de "Links Connection", un trafic de liens de synthèses fabriqués dans des laboratoires de gauchistes pour inonder le classement wikio. A ce sujet, je vais inventer WIKIOPEDIA, le premier classement où chaque blogueur édite son rang lui même. Tel Vercingetorix, Maitre Eolas, Jean d’Arc, je suis monté au créneau pour défendre le type qui m’avait fait boire tant de vin que j’en ai failli décorer la voiture de Dorham pour le mois. Que les averses balayant la ville endormie emportent à jamais dans leur passage mélancolique les vomis de ma jeunesse.

Dans cette sombre histoire, j’ai été prudent. Je n’ai pas mis le lien de mon blog sur Authueil. Quel pseudonyme ardu ! On est obligé d’aller sur son blog à chaque fois pour faire un copier-coller de ce mot, c’est astucieux, il devrait monétiser son audience. J’ai fait profil bas. Je sais que Dagrouik emploie le terme « blog littéraire » pour se gausser de ses adversaires (n’oubliez pas d’aller voter pour moi, au Festival de Romans, dans la catégorie… hum… blogs Littéraires).

Dans le cas où le fait d’avoir fait mon malin une seconde fois m’attire les habituels spadassins qui hantent les blogs politiques, experts, ingénieurs, trolls, monstres, fortiches de la répartie, je trouve utile de faire un rappel pour les quelques personnes n’ayant pas lu le moindre billet ici.

J’ai un fils. Il s’appelle Kéké. Il a des bouclettes blondes, c’est son portrait qui est utilisé dans l’encyclopédie pour illustrer le terme "Perfection". On a envoyé l’ADN de ses selles dans l’espace, à l’usage des martiens peuplant l’infini, pour vanter la gloire de l'humanité déclinante. Il a à peine deux ans, il devrait passer son baccalauréat dans six mois, je crois qu’il est doué.

Je fais mes courses au Champion, en compagnie d’Olivier Besancenot qui habite dans ma rue. Le porte-parole de la LCR mange des pizzas de marque Champion. C’est l’information centrale de ce blog, le seul scoop de ma courte carrière de blogueur. Il est passé inaperçu, mais à l’époque, CoZop, LePost, et autres sites avec des majuscules au milieu du nom n’existaient pas.

Dans le cadre d’un pseudo-publi-rédactionel de blog, j’ai malheureusement hérité d’un sexe artificiel hors du commun, fonctionnant à pile. Cette plaisanterie m’a longuement suivi, je l’ai porté comme une croix, courageux, avec abnégation, heureusement l’anecdote de mes nausées dans la voiture de Dorham va la remplacer, je suis sauvé.

Je me suis remis à la contrebasse. Actuellement, je joue du jazz à la perfection, mais pendant trente secondes seulement, après, mon poignet éclate. Je fais également des concours, des jeux et autres divertissements sur les tortues de mer et les sexes qui changent.

Je lis des blogs bien écrits. Parfois, des gens au travail arrivent dans mon dos, sans prévenir et voient sur mon écran, au lieu des phrases souples et agiles qui me transportent, des photos avec des messieurs tous nus. Ils me regardent étrangement, après.

Voilà, comme dirait Corbier, bienvenue aux nouveaux ! Pour l'anecdote, je finirai vite en disant que j'avais préparé ce billet hier soir, à la sauvette, quand j'ai lu que Dagrouik aller me citer chez lui, comme une présentation (ou un imperméable) pour les curieux qui se pointent lisent une phrase et s'en vont. Ce matin, j'ai vu qu'il ne m'avait pas mis en lien : mon billet tombait à l'eau ! Un invendu ! Un périmé ! Alors j'ai dû le contacter pour qu'il me lie... Vive les blogueurs !

dimanche 2 mars 2008

Kremlin Carnet

Il devrait y avoir, comme pour les mariages, une gradation pour les soirées. Par exemple, on dit "noces de coton" pour les jeunes mariages (ceux en bas du classement wikio des mariages), "noces d'or" pour les mariages influents. Actuellement, il n'existe qu'une seule gradation pour les lendemains de soirée : "gueule de bois". Moi je dirais bien, pour me définir : "gueule de plomb" ou "gueule d'uranium", ce qui explique la teneur très vaseuse de ce billet.

Hier, c'était donc la première édition de ce que j'appellerai Kremlin Carnet, chez Nicolas. Nous sommes allé au Kremlin, à Bicêtre plus précisément. La soirée a commencé à l'Aéro, le célèbre bistro "la Comète" dont on suit les aventures ici étant fermé.

J'avais le trac. Avec Zoridae, dans un espace assez réduit, nous avons rencontré un blogueur, puis un autre, puis un autre, puis un autre. Des centaines de blogueurs, au moins douze. Je n'avais pas le temps de dire à l'un, stupéfait : "ah ben toi t'as cette tronche ?" qu'un autre blogueur arrivait pour me dire : "mais t'as cette tronche toi ?". Il y avait des gens que je connaissais peu, comme Bobby, ou Igor. D'autres plus familier et que j'apprécie comme Oh!91, ou Fiso (il faut prononcer Fisso, mais je me suis trompé une fois). J'ai enfin serré la pogne du fameux Tonnégrande, blogueur littéraire avec un chapeau.

Là, j'ai découvert que les blogueurs sont effectivement influents. Ils me disaient : "Tiens, bois un coup !" Et moi, évidemment, j'écoutais, tout esbaudi, tout influencé.

Bizarrement, contrairement à ce qui se passe habituellement dans les soirées arrosées, les blogueurs ne sont pas dédoublés, mais plutôt divisés en deux. Fizo, pardon, Fiso, est partie applaudir son frangin en concert, accompagné de Boby et Oh!91.

En sortant de l'ascenseur, sur le pallier, Nicolas s'est excusé : j'habite à droite. Il avait fait à manger pour cinquante, et nous étions six. Nous avons donc dévoré en entrée Monsieur Poireau, venu en compagnie des éditions filaplomb. C'est étrange à voir, en vrai, une "des éditions".

Le talentueux Dorham nous a présenté sa compagne. Celle-ci n'est pas du tout une blogueuse. Je ne peux donc pas mettre de lien pour elle. Nous l'avons longuement questionnée : tu n'as pas de blog, ça veut dire que tu l'as effacé ? Tu n'as pas de blog, en ce moment, ta plate-forme est en panne ? Tu n'as pas de blog, ça veut dire que tu en as juste un, contrairement à Nicolas qui en a trente-douze ? Mais comment fais-tu pour bloguer si tu n'as pas de blog ? Nous étions bien embêtés, car il est très difficile de faire un compte-rendu avec une personne sans blog. C'est embêtant pour mettre un lien. Alors nous l'avons découpée en morceau, mis la moitié au congélateur et fait cuire le reste, en psalmodiant : "lachévokom, lachévokom" !

Nous avons donc passé la soirée à longuement commenter, pardon, discuter. J'avais à la fin cette tête, sans trucage, à savoir un carré blanc à la place des yeux, avec des petits trous dedans. Plus tard, dans la nuit, j'ai pensé à Harry Potter. S'il lutte contre Voldemort, j'ai dû en rentrant affronter le redoutable Maldemer.

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...