Nous sommes assis dans la cuisine, nous terminons le repas, fatigués. Mélangeant quelques conversations sur les jeux, les cachettes dans les arbres, l’enfance éternelle, et un pot de compote pomme-châtaigne à la main, E. demande à Kéké : veux-tu une cabane pomme-compote ? C’est idiot. Nous sommes pris d’un fou rire monumental. Nous rions si fort que nous en devenons silencieux, la tête prise entre chaque main, comme des penseurs.
Kéké nous regarde à tour de rôle, surpris, fier. C’est comme un triomphe pour lui, comme ça, à l’improviste. Dans son jeune âge, choyé, admiré, il est convaincu que tous nos rires sont provoqués par un de ses petits exploits. Il se demande ce qu’il a pu bien faire, sur ce coup là. S’il joue près de nous, par exemple, et que je sors une blague vaseuse, que ma compagne en rit, il regarde sa mère, ses cubes, et découvre le comique de ces objets, apprend que son art de les empiler est une grande source de joie. Puis il reprend son spectacle de cubes, guettant notre contentement.
Là, assis dans sa chaise haute, il ne fait rien de spécial, mais il cherche comment en rajouter. Son air vainqueur et ravi, ce tendre et habituel malentendu, tout augmente notre hilarité. Ne sachant comment pérenniser ce succès, petit cabotin, il lance de toute ses forces la compote par terre. Elle éclate.
Nous savons qu’il faut protester, et lui faire la morale, d’un air sentencieux. Mais il y a quelque chose de pourri dans l’ordre des choses, ce soir, et chacun, constatant l’autre incapable de reprendre ce rôle du commandeur, imbu de vérité, le ton impérial, reste tétanisé, le visage rouge, désamorcé. Elle tente de lever l’index pour gronder, mais cette greffe de sérieux vouée à l’échec ne fait qu’accentuer notre rire. C’est la révolution, on va couper la tête des parents, faire des barricades de cubes. Le chat arrive, examine la substance au sol, la renifle, et nous dévisage avec son air de sage imbécile. Il semble penser : et c’est cette espèce qui a remplacé les dinosaures ?
Nous voici à bout de souffle, le fou rire finit par nous quitter. Essuyant les larmes de nos joues, nous prenons la parole, et réussissions un médiocre discours sur la juste manipulation des compotes. Kéké est un peu déçu.
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