samedi 12 avril 2008

Bonnie et Clyde (5) : Le travail bien fait

Le mec, c’est comme si le petit lapin lui avait répondu. Il se retourne, l'homme-squale, stupéfait, la mâchoire encombrée par des carcasses de gentils animaux ; il me toise, dévisage incrédule le Spartacus des petits lapins qui vient de l’apostropher, du fond du clapier humain. Il s’approche, et me dit : tu peux répéter ? Que voulez-vous. Après tout, j’ai pensé, des jolies caissières, il s’en ramasse à la pelle, tant que j’ai une gueule convenable avec les organes qui vont bien, la face cohérente comme un puzzle sagement terminé, la situation n’est pas désespérée. Je n’ai qu’à m’excuser. Je demande pardon. Je fous une claque à la caissière, histoire de prouver ma bonne volonté.

Je n’ai qu’à changer de magasin. Plus jamais revenir là. Mais j’ai répété : tu parles pas à la dame comme ça. J’ai ajouté : ...

Comment dire, c’est comme au fameux discours du mariage, quand j’ai vraiment brillé, ce soir là, sauf qu'à présent, sans papier dans la poche, j’improvise, je vais où le vent me porte, un mot en entraîne l’autre ; c’est la farandole, on dirait un défilé de soldats chinois, ça ne s’arrête jamais on se demande s’ils ne font pas une grande ronde de l’amitié autour de la terre. J’ai ajouté :

Tu parles pas à la dame comme ça, connard.



C’était pas nécessaire peut-être. C’est une sorte de réflexe, l’habitude du travail bien fait, une certaine propension à fignoler le gâteau, la petite cerise au dessus qui va bien. Je n’étais pas obligé en fait. C’était peut-être la Force qui m’a guidé, qui sait, à ciseler cette parole, assaisonner ma réplique du petit connard qui va bien.



Il m’a complètement explosé la tête.

Il a mélangé tout le puzzle. Il s’est énervé comme sur le rubik’s cube qu’on n'arrive pas à terminer. Tout s’est passé rapidement, l’anesthésie étant incluse dans l’opération, carte de fidélité, le dixième coup de poing gratuit.

Je me suis réveillé un peu plus tard, un peu plus loin, entre le monde et moi, il y avait la confiture de mon visage. J’ai vu la caissière penchée en ma direction, une fée des bois, une princesse hâve, je lui ai souris, douloureusement, gentiment, des dents partout dans la bouche, me voyant, elle a eu envie de dégueuler.

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...