lundi 6 août 2007

Le petit billet à monter soit-même

Petits yeux. Petite nuit. Donc, petit message. Couché tard hier soir,
pour monter un lavabo IKEA. Je fredonnais dans la nuit la célèbre
musique de Vangelis, du film "Christophe Collomb". Je n'ai pas vu le
film, mais j'imagine que c'est le genre de musique qui passe quand on
découvre un continent, qu'on élève une statut de l'île de Pâque, qu'on
marche sur la lune ou que l'on monte un meuble IKEA : on marche au
ralentit, rythmé par l'hymne pompeux de l'exploit humain.

Je ne suis pas un bricoleur, alors les murs, les planches, les vis,
les outils, tout ça c'est un peu comme la forêt obscure pour les
petits enfants : ça fait peur. Qu'il y a-t-il derrière les murs, au
juste ? Si je perce à cet endroit, ne vais-je pas atteindre le conduit
d'eau directement relié à la Seine, faire jaillir tout le fleuve dans
mon appartement, faire exploser l'immeuble, et ainsi dire adieu à ma
caution ? La prise de terre est directement reliée à la terre, cela
signifie-t-il qu'il peut en surgir de la lave en fusion ou bien une
taupe ?

Tétanisé par ces réflexions, je regarde la paroi, et je tente de
percer son mystère, la perceuse à la main. Il y a trois jours,
j'installe un lustre au plafond de la cuisine. Un fil électrique en
sort, c'est normal. Mais ce fil, il doit bien se faufiler quelque part
sous le plafond pour longer le mur ? Où percer pour ne pas le
rencontrer, et ne pas clignoter dans l'air avec mon squelette qui
brille, comme dans les dessins animés ?

Si je perce trop long, vais-je traverser le mur et me retrouver nez à
nez avec le voisin ? Si le meuble est trop lourd, la paroi en plâtre
va-t-elle s'effondrer sur moi et mettre à jour le cadavre emmuré d'un
mafieux disparu depuis les années 80 ?

Après "le train sifflera trois", c'est "le meuble IKEA tu monteras
trois fois". Une heure du matin : je contemple mon oeuvre : l'évier
massif et blanc s'élève jusqu'à ma ceinture comme un totem nain. Le
robinet est monté, les tuyaux, le conduit, c'est tellement beau, j'ai
envie de me lover dans l'évier et de faire un câlin à la fonte.

Le matin je me lève, je conçois que je dois tout démonter car l'évier
dépasse trop en direction du mur, et qu'on ne peut plus accrocher le
meuble. Il pleut. Ma carte orange est démagnétisée. Projets : inventer
le web 3.0, le revendre, acheter des meubles montés.

La lanterne magique

Quand l'étincelle a disparu, dans cette lanterne magique qu'est la tête, le film du monde est laid. On regarde le soleil qui s'y...