Je ne comptais vraiment pas faire de billet aujourd'hui, me drapant dans le silence majestueux du flemmard triomphant.
Mais bon, que vois-je à midi, dans mon journal gratuit daubique favori ? Ce soir, sur Arte, c'est Barry Lyndon. C'est quand même un petit peu mon film favori, alors il faut que je me secoue les puces, un gateau Monoprix dans la bouche, pour y aller de mon exhortation : regardez ce film, pour l'amour du Nutella.
Ne le ratez pas, dis-je : il a quand même été élu par les plus grands spécialistes des films de Barry Lyndon (moi) comme le plus grand film de tous les temps immémoriaux de l'univers.
Dans l'article de 3 lignes du journal gratuit, on lit bien sûr l'inévitable anecdote sur l'éclairage aux bougies : Stanley Kubrick aurait utilisé des super caméras de la NASA pour saisir des scènes sans aucun éclairage autre que d'innombrables chandelles, comme dans le vrai XVIIIème siècle. C'est vrai que visuellement c'est du caviar de baleine, visages pales et poudrés, mouches sur la joue, clair-obscur surtout obscur. Je l'ai vu au cinéma, moi, je n'en ai pas mangé pendant deux mois. Après ça, les autres films d'époque font vraiment sketch des inconnus ("Les liaisons vachement dangereuses").
Une autre anecdote qui me plaît bien concerne l'acteur principal, Ryan O'Neal. Kubrick voulait un acteur populaire pour camper Barry, un type un peu gentillet, un peu lisse, qui ferait contraste avec ce personnage de salopard arriviste calculateur joueur escroc. Le protagoniste de "Love Story" semblait tout désigné pour être le figurant principal du cirque Kubrickien, mais à la toute fin, il n'a pas du tout apprécié le résultat, et a fait un esclandre dans la presse. On le comprends : sur le papier, on pouvait s'attendre à un film d'aventure trépidant, cape-et-des-pets, à travers toute l'Europe sous plusieurs uniformes à la Indiana Jones libertin.
Au lieu de ça, rythme solennel, précieux, lent, hiératique ; cadrage grand-angle imposant et glacial ; une oeuvre que l'on pourrait certes prendre pour un froid exercice de style. Mais non. Et puis vous n'êtes pas comme ça. On est chez Kubrick, et autour des artifices, des riches architectures, il y a le vide sidéral. Il y a la grandeur et la décadence de toute humaine entreprise, la soif de puissance, la profusion et le néant, la fugacité du temps, bref la vanité de toute chose, et ça, c'est de la balle.
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