mardi 20 novembre 2007
Chant de marche dans la nuit terminée
Au matin, la ville est hagarde, moi aussi, nous nous comprenons. Un ciel gris et poudreux comme une perruque coiffe ma tête, avec ses pellicules d’étoiles, ses poux de planètes, ses mèches d’aéroplanes. Brillants comme du quartz, les pavés humides se jouent de quelques badauds qui, furtifs patineurs, ratent le programme technique, et espèrent en vain la mollesse des plages sous les pavés brumeux, en se vautrant par terre. Ailleurs, des talons claquent sous les hauteurs de quelques demoiselles énigmatiques aux sévères chevelures ; déesses des secteurs tertiaires, amazones comptables armées de sacs à main carrés. Sous les derniers réverbères bordant la nuit fatiguée, les poubelles s’alignent raides comme des troupes, semblant faire la queue pour rentrer au local, se blottir dans l’exiguïté de leur banquise obscure. A travers les vitrines des cafés, des châteaux de chaises s’élèvent, projets délirants et perdus de la nuit ; un client hume l’odeur fraîche de son journal, caché du temps qui passe, dans le ronronnement très ferroviaire du percolateur. Le serveur maigre et revenu de tout s’est grimé en serveur maigre revenu de rien, pour le carnaval invisible du monde.
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