jeudi 30 août 2007
Entracte : le caleçon noir
Mais aussi ces moments impromptus échangés avec un improbable cousin, à la lueur de l'alcool. Cette tante vieillissante et attendrie, qui n'a pas d'enfants, mais un caniche presque aveugle.
Cet oncle taiseux, gris sous sa casquette, cette inconnue orange de maquillage, ployant sous les bijoux. Cet adolescent à la moue dégoûtée, comme si son existence avait l'aspect et la saevur du pâté pour chat.
L'ami de la famille, qui erre là par hasard, un peu chauve, avec une chemise repassée et raide, guettant éperdument les filles célibataires. Le moustachu blagueur qui éclate de rire le premier, et vous regarde dans les yeux pour vous forcer à rire, aussi.
S'excuser de ne pas être propriétaire de son appartement, s'extasier devant le jeune cousin qui l'est, lui, et qui a la tête sur les épaules, et un métier dans les mains.
Je m'égare : le sujet d'aujourd'hui est mon caleçon de bain. C'est E. qui me l'a suggéré : nous discutions hier de choses et d'autres, et je lui racontais comment j'aimerais conserver dans ce blog quelques moments rigolos de notre quotidien, comme - je l'ai dit - des plantes dans un herbier.
Ce matin, donc, elle me lance : "Tu as noté l'histoire du caleçon ?
- Ooff, c'est pas très intéressant, je vais pas surcharger l'internet de quelques octets supplémentaires avec cette histoire insignifiante."
Allons bon. Je vais donc vous narrer l'histoire édifiante mais néanmoins brève de moi en caleçon de bain cet été.
Nous avions eu une chance incroyable : le seul week-end de l'été avec du soleil, nous avions réservé une chambre dans un hôtel avec une piscine, près de la forêt de fontainebleau, histoire de nous féliciter pour notre déménagement épique.
Il a fallu que je m'achète un maillot de bain : le vendredi, je suis allé au Gigathlon pour me dégoter un truc. Dans un rayon bleu pas cher, des machins sont entassée en vrac, froissés, pire que dans mon placard ; des caleçons de bain à 5 euros ! Moi qui suis une sorte de Laure Manoudou en négatif, je me dis, oh, ça va bien faire les 25 prochaines années, ce superbe caleçon noir, à raison de trois immersions par an (en comptant le passage à la machine à laver).
Je regarde la taille : l'information indiquée est "1m75". Je mesure 1m83. Je me dis : "Ça va aller. Je ne suis pas non plus Sébastien Chabal".
Quelle bonne affaire ! En plus, il est noir ce caleçon, comme l'ombre, comme Dark Vador, comme Mister Black dans "Reservoir Dogs".
Plus tard, devant la piscine. Je l'enfile, c'est étroit, ça coince, et je suis plus moulé que Spiderman dans une boite de nuit du Marais. Chaque pas ruine les chances de faire un petit frère à Kéké. Comme par hasard, des gens beaux, à l'aise, sportifs se meuvent avec aisance au bord de la piscine, me lançant des "saluts" sympathiques, tandis que je cherche un trou derrière un bosquet pour finir ma vie.
E. me découvre avec effroi. Elle regarde l'étiquette : "C'est du 14 ans ! Tu as pris du 14 ans !".
Puis secoue la tête et poursuit: "Le temps passe, tu sais. Irrémédiablement. La jeunesse s'enfuit, etc. Qu'est-ce que tu veux prouver, en portant du 14 ans ?"
Le soir, c'est la détente, je me déshabille. J'ai... comment dire... la peau grillagée, j'ai de la compote intime.
Voilà, c'était l'histoire du caleçon noir, de cet été.
mercredi 29 août 2007
S'envoyer un renard
Et puis le soir, alors que nous sommes bien plus fâchés que des responsables socialistes, je découvre à 23h30 un petit email, "La carte TENDRESSE vous attend". Je constate à l'intérieur une photo de renards, et un message : "On s'aimait, quand même ?" Plus tard, nous gardons nos masques de colère, mais restons silencieux, neutralisés par des animaux attendrissants. Une expression nous est restée depuis : "S'envoyer des renards".
Exemple 1 : "Quoi, je laisse trainer mon pantalon par terre ? Allez, ne sois pas désagréable, après tu seras obligée de m'envoyer un renard."
Ce matin, j'en reçois un autre, une vidéo. Je vous en fais profiter. Spectacle zen, je trouve, calme, paisible. Pas d'explosion, pas d'accident, pas de peau de banane, juste un animal des bois venu piller la gamelle des chiens et quelques sourires.
mardi 28 août 2007
Vous me trouvez ici, en pyjama
Ainsi, des gens arrivent tout d'un coup chez moi, à l'improviste, et j'ai l'impression qu'ils me trouvent en pyjama. Euphorique, mais affolé, je regarde autour l'état des lieux, le ton de mes articles est débraillé, je vois un pot de yahourt vide qui traine sous le canapé, un slip. J'ai envie de me mettre devant la porte, de barrer discrètement le passage, de dire : "Ah, c'est vous ? Vous ne pourriez pas repasser quand j'aurais rangé ? Quand ça sera propre ?"
Bienvenue quand même ! Géné, je cherche ce que j'ai à offrir à boire "Euh.. un verre d'eau ? Eau du robinet ? Mais j'ai des pailles ! Sympathique, non ?"
Ces petits liens, ces marques de sympathie provoquent chez moi une bonne humeur concidérable. C'est ça l'avantage d'être un blogueur microscopique : chaque visiteur est un héros, un oncle d'amérique ; chaque commentaire est une fête.
Contrairement au fervent perdu dans sa prière, j'ai des voix qui me viennent en retour, des réponses à mes murmures quotidiens. Le néant de l'internet me répond ! Je perçois des signes chaleureux. C'est un petit bonheur que je ne refuse pas, que je passe à l'agrandisseur.
lundi 27 août 2007
Kéké a 21 mois
Mais il n'a pas son bob, je réponds, il fait soleil pour une fois, il va prendre une insolation ! Oui, je lui fais de l'ombre ! etc.
Nous sommes assis au bord du bac à sable, devant un océan d'enfants aux noms courts et de parents bien éduqués tous plus ou moins créatifs, jeunes parents aux cheveux gris, vestons, vêtements du dimanche colorés. Nous sommes de retour à Paris.
L'absence de deux ans se fait sentir. Avant c'était : "le jouet, mais tu demandes même pas si tu peux l'emprunter, ma parole. Comment ça, mon fiston, tu veux pas prêter ton jouet au petit garçon ? Mais tu te crois où ? Tout le monde partage les jouets, ici, tu te penses au Fouquet's ?"
Là, nous sursautons : un enfant a repéré une pelle qui ne lui appartient pas, sa mère arrive en trombe, paniquée :"mais il n'est pas à toi ce jouet Matteo, qu'est-ce que tu fais ?" La mère propriétaire du jouet lance d'un ton régalien : "Allez-y, nous vous prêtons cette pelle. A la bonne franquette, c'est dimanche. Nous sommes tous très détendus." Tous les jouets, toutes les pelles, les rateaux, ont le nom de l'enfant inscrit au feutre indélébile. Les petits s'agglutinent autour du robinet pour remplir les seaux d'eau, on est au bord de l'émeute, c'est l'embouteillage, ça se frictionne comme au carrefour. Un parent dynamique arrive et encadre tout ça.
Kéké joue a nos pieds. Toutes les cinq secondes, il se retourne pour vérifier que nous sommes toujours là. Le déménagement récent a sapé beaucoup sa fragile indépendance, E. me dit : "Allez, on se lève et on s'éloigne un peu". Nous faisons six mètres, pour nous poser sur un banc, sous les arbres. Kéké relève la tête, il nous cherche, nous aperçoit, et nous fait un sourire éperdu, qui semble dire : "Je n'aime que vous, le reste c'est de la daube." On sourit en retour, petit bout, petite glue, petit sauvage. Il hésite, se lève, emporte deux ou trois camions piqués à droite à gauche et vient vite nous voir. Il s'assoit à nos pieds.
Nous partons : laisse le, un peu ! laisse le respirer ! Ne reste pas derrière lui tout le temps, comme ça. Un grand escalier : il commence à le monter tout seul. La ville est remplie d'angles durs, de trappes, de dangers. J'adopte une démarche décontractée, allez vas-y, la vie est sympathique, on vit plusieurs fois. Vas-y, marche de tes propres pieds, kéké, tu as 21 mois après tout, va dans les dangers, va trouver une collocation en Angleterre.
Il arrive en haut des marches. E. triomphe : tu as vu ! Il y est arrivé tout seul ! Il est heureux, et commence à courir comme un albatros qui s'envole. J'applaudis du bout des doigts, je souris du bout des dents, je suis un garçon angoissé. Il faut se détendre, c'est dimanche. Je suis gris comme les marches en béton, comme les murs, comme le ciel qui ne l'est plus ; gris et grisé d'une affection sans fin et sans nom pour ce petit être qui vient de moi, et qui file, lui devant, et nous pour toujours derrière.
Une pièce pour rentrer
J'ai des courses à la main, mais je n'ai pas de monnaie. Je paye par chèque en bois, comme d'habitude. Difficile d'expliquer ça en deux mots, je souris, je réponds non, je sais qu'il me prendra pour un menteur. Ce qui m'interpelle, c'est son argumentation : "...pour rentrer au pays." Il dit ça sans aucune conviction, comme une formule de politesse. Je reste une seconde interpellé, mais devinant déjà mon refus, il regarde loin derrière moi. Je n'ose pas engager la conversation. Est-ce une façon de présenter les choses qui marchent dans le quartier ? Je travaille dans un quartier très huppé.
Peut-être a-t-il déjà testé différentes approches ? "Une petite pièce s'il vous plaît... pour me droguer (il n'a pas l'air d'un de ces cadavres secs encore secoués de respirations que je croise au petit matin, en prenant le métro)... pour boire... pour un tour en vélib' ...pour jouer au kéno... pour avoir un rapport sexuel... pour m'acheter pif le chien... " ? Il a peut-être rencontré quelques fanatiques du billet-retour-simple, chez qui l'argument à fait mouche :
"Pour rentrer au pays ? Les amis, (s'adressant à des jeunes hommes vêtus en scouts) aidons ce jeune numide à rejoindre les contrées de la France vu de loin !"
Devant mon nouveau chez moi, sous ma fenêtre, une femme s'est installée, début août, sur des marches, dans un petit renfoncement d'un magasin fermé. Elle avait une valise, un sac de couchage. Le matin, au tout début, elle coiffait ses courtes tresses. Elle se lavait les mains. Depuis, elle sombre peu à peu. E. lui a proposé un sandwich, mais elle a fait la moue, puis a silencieusement refusé. Elle ne fait jamais la manche. Bouteille de bière, puis le modèle au dessus. Cheveux sans tresse, qui se dresse en bataille, et le début des monologues. Sourire en regardant le ciel. Le ciel et sa pluie d'été incessante.
jeudi 23 août 2007
Besancenot a-t-il la carte "Champion" ?
Je farfouille nerveusement ma "banane" en bandoulière, à la recherche de ma carte "Champion". Ah, la carte des grands magasins ! Celles qui donnent des points ; on ne sait pas trop à quoi ça sert, où çà nous mène, et puis on perd la carte, ou l'on s'aperçoit que les points sont périmés. Mais peut-être qu'au bout, il y a le rêve d'un robot ménager gratuit, voire d'une poêle en inox.
Je joue le jeu. E. nous a pris un lot de trois cartes "Champion" (une pour kéké quand il sera grand), et puis ça me faisait peine, chaque fois que la caissière me demandait "Vouzavélacartchampion" de répondre "non", comme si je méprisais les choses de ce monde, et que j'étais bien trop malin pour tout ça. Là, je réponds "oui !", je me sens du cru, regard complice. Et puis parfois on ne me demande même pas ma carte d'identité quand je fais un chèque, c'est fou, c'est très village, très familial.
Je trouve ma petite carte, et devant, moi un grand gaillard se retourne pour me regarder : Olivier Besancenot. Oh, tiens, il fait ses courses au "Champion" du boulevard Barbès, lui ! Attention, ce n'est pas une blague, comme quand je raconte que je suis en cellule de dégrisement avec Villepin. Non, non, c'est bien le candidat à la dernière présidentielle qui se tient devant moi.
Et qu'est-ce qu'il a dans son caddy, hein ? Là, du coup, ça vous intéresse... Si je vous déballe qu'il a quatre bouteilles de whisky, huit boites de préservatifs, le dernier livre de Sarkozy, plus "le Bonzaï pour les nuls", plus une boite à "thé à l'orange spécial constipation chronique", là ça vous parle, hein ?
Non, en fait. Le truc qui m'interpelle, c'est la Pizza de marque "Champion". Des courses de trotskyste, quoi.
Je suis étonné par sa stature : à force de voir son visage de tintin communiste sur les affiches, ses traits poupins, à cause de sa relative jeunesse (comparée aux briscards politiques), on s'attendrait presque à voir un petit garçon, avec un pantalon court, des grandes chaussettes, une tétine. Non, le gars me dépasse, et pourtant je suis grand. En plus, il a l'air baraqué, tendance "j'écoute de la musique punk".
Je me dis : "Oh c'est drôle, la caissière va lui demander s'il a sa carte Champion, et moi, je vais savoir !". Ca ne loupe pas :
"Vouzavélacartechampion ?
- Non."
Je sais, à présent. Et ben, Olivier, ça vous intéresse pas les robots gratuits, voire les poêles en inox ? Tant pis, c'est mon tour, moi j'ai la carte Champion, j'espère que la caissière va m'aimer, qu'elle va me dire : "Vous au moins, vous n'êtes pas un pipole de la télévision, mais on peut compter sur vous. Vous êtes un gars du cru, un indigène. Vous l'avez, la carte Champion."
A la sortie du supermarché, je glisse aussitôt sur une dalle humide et lisse, et je me retrouve par terre. Un clochard me dit : "c'est la troisième fois que ça arrive ce soir ! Je l'ai pourtant dit au vigile, ça glisse, il faut nettoyer !". On discute un peu, scandalisés par la marche du monde, et je m'en vais.
mercredi 22 août 2007
Ulysse sous la pluie
Comme Ulysse, j'erre contre les vents contraires que soufflent les Dieux du travail et du temps, et mon chemin est semé d'embûches. Un passager malade station Trocadero ! Dans l'embarcation métallique brinquebalante qui dérive sous terre, mes compagnons d'infortune ne cèdent pas aux chants des sirènes, les oreilles bouchées par des iPods. Un cyclope boit des 8.6. et taxe des clopes.
Sous la pluie, derrière les vitres d'un bar moelleux, on aperçoit des gens confortablement plongés dans leur journal, et on voudrait alors s'oublier éternellement dans la moleskine, dans le bruit du percolateur, avec pour toute amertume celle du café dans la bouche.
Voilà j'arrive, et mes compagnons d'infortune s'éparpillent. Certains se fourvoieront dans les images roses de Circé-point-com et se verront transformés en pourceaux ; d'autres seront dévorés par des supérieurs cannibales en costume.
lundi 20 août 2007
Discussion autour du nom de ces lieux
L'heure tardive, la chaleur de l'alcool, la désillusion amusée pour toutes choses lorsque l'aube approche... l'atmosphère était propice à la confidence. Détendus, revenus de tout, nous devisions avec ironie sur les vanités de ce monde. Après m'avoir raconté en détail toute la vérité sur l'affaire Clearstream (il avait besoin de se confier à un inconnu, mais je jurai de ne rien dire, ne me harcelez pas), j'étais bien obligé de lui dévoiler l'origine de ce nom, par échange de bons procédés.
Avant de poursuivre, une citation :
Ploum a dit :
...À côté de ça, on retrouve bien entendu les inusables "Blog de Robert", "Bob's weblog", "Carnets web de Robert", qui dénote tout simplement une volonté de ne pas passer pour un original.
Voici le secret : Blogger propose ce nom par défaut, savamment calculé d'après le pseudonyme du taulier et la constante zblog = "'s blog" ajoutée en suffixe.
Exemple : si votre pseudonyme est " 's blog ", votre blog s'appellera par défaut " 's blog's blog ". Si votre pseudonyme est vide : "", ou si vous n'avez pas de pseudonyme, le nom de votre blog est " 's blog ". C'est sympathique, non ? En attendant mieux... On le sait, tout ce qui est temporaire est amenée à durer, tout ce qui doit durer change constamment.
"C'était donc ça, répondit Dominique dans un éclat de rire ! Ma soif de curiosité est à présent rassasiée. Mais qui est donc Balmeyer ?
- Je vous ai déjà dit beaucoup de choses, je ne peux pas tout dire, non plus.
- Allez, je vous pistonne pour le vélib', si vous me le dites !
- Je crains de ne pas comprendre, Monsieur Vipin. Mais je m'éxecute : en 1930, j'ai envoyé mon premier mail. Je ne me suis jamais déconnecté depuis. Un jour, je me suis inscrit sur le premier forum de programmeurs informatiques, un peu avant la guerre : "le forume des haqueurs les plus fore du mond", et j'ai pris comme pseudonyme un personnage du "Mystère de la chambre jaune", que je venais de terminer. Plus tard, je me suis rendu compte que je l'avais mal orthographié : il s'écrit Ballmeyer, en fait. "
L'ancien premier ministre s'était endormi. Je me suis approché des barreaux, et j'ai dit : "Il doit bien y avoir un moyen de sortir d'ici ! Quelle est cette plaisanterie ?"
(recherche gros contrat éditeur pour dévoiler secret politique énorme)
Critique du temps qu'il a fait
"Tu ne veux pas mettre un pull ?" me demande ma compagne. "Ça va pas non ? On est en août." Je claque des dents. Je prends le froid comme une attaque personnelle. En tant que critique météorologique, j'acère mes lames, mon compte rendu sur ce mois va être assassin, il ne s'en remettra pas.
Extrait de mon Guide Critique du temps qu'il a fait les mois précédents, à paraître à Noël.
Août 2007 : zéro étoile. (et toc)
"...mais de qui se moque-t-on ? Je suis scandalisé par cette mascarade atmosphérique, terne et sans saveur. Une pâlichonne copie d'un mois de juillet déjà peu inspiré... et inspirant ! Une lumière proche du néant, un eau glaciale quasiment solide, un ciel brouillon et sale, constamment chargé de lourdes allusions aux saucées à venir. Je déconseille fortement au lecteur de revivre cet été 2007, même en souvenir."
Oui, je mets le doigt là où ça fait mal, je n'ai pas peur de m'attaquer à ces monstres sacrés que sont les mois d'été. Imposture, crie-je ! C'est dur de produire du temps qui passe, et la critique est facile pour celui qui reste dans son fauteuil à observer les nuages s'amonceler. Mais bon, je ne cherche pas à être forcément populaire : il y a des vérités à dire.
vendredi 17 août 2007
Crooning Act
dont l'un des membres m'a plumé au "monopoly pizza boy poker"
Les trucs déprimants de la mi-août.
- Les publicités de cartables pour la rentrée.
- Les rayons de cartables qui prennent la moitié du supermarché car
c'est bientôt la rentrée.
- Les publicités pour le Noël de décembre, bien au fond de la rentrée
qui n'en finit plus.
- Les publicités pour les poêlées aux champignons (ben oui, c'est
septembre, l'époque de la cueillette des champignons dans les
sous-bois humides ! Ben ouais, c'est la rentrée, quoi).
- Les publicités pour les voyages exotiques (faites un break, ça va
durer des mois, la rentrée).
Je sais pas si c'est le regard qui change, ou le marketing, mais j'ai
l'impression que les campagnes de pub démarrent de plus en plus tôt.
En mai, déjà des pubs pour les cartables de la rentrée. Dans le métro,
déjà des pubs pour "le Renard et l'enfant, le nouveau conte de Noël en
décembre" (billet à écrire).
jeudi 16 août 2007
Les couleurs transparentes
En plus, les couleurs sont transparentes : on ne les voit pas. Discrétion et subtilité absolues. Non, ce n'est pas le stupéfiant rose barbie de notre cuisine, c'est la couleur Cyrano, celle qui reste dans l'ombre. La teinte est tellement légère qu'il faut se concentrer pour voir là où l'on peint. L'avantage, c'est que tout le monde aime, tout le monde est content. Ah oui, le blanc transparent ça va super bien avec le bleu invisible. Manque une touche de mauve incolore, et tout est assorti. Attention, ce sont des peintures "nacrées", ni satinée, ni mat, non, nacrée. Le mode d'emploi nous avertit : il faut savoir les prendre, ces petits grains de nacre, il faut peindre dans le bon sens, remuer le pot avec douceur, leur parler, les cajoler, sinon ils se révoltent, descendent du mur et vous mangent en pleine nuit.
Et attention le nom des couleurs ! Ce n'est pas "mauve - blanc cassé - bleu", mais "Magie, Lune et Nuée". Je plaisantais avec ça, le rouleau à la main, et E. me regarde d'un air abattu : "tu ne les aimes pas ces couleurs ?..." Mais si, je les aime ces couleurs, elles sont comme nos vies, dérisoires et drôles, il fallait nécessairement les inventer. Je les adopte. La nuit tombée, on regarde le mur, et les couleurs invisibles rendent bien dans l'obscurité. Nous sommes les John Cage de la peinture murale. Comment dire, ça luit, ça brille, on voit les grains de nacre vibrer au contact des lumières de la rue. On dirait un caillou au clair de lune. Magie, lune et nuées.
mardi 14 août 2007
Mathieu Vaidis de retour sur YouTube... sic transit gloria mundi
blogo-web-sphère, celle de Mathieu Vaidis. Voici un des pionniers du
CV-Vidéo, tourné dans le quartier de la Défense, avec plein de termes
2.0, de costumes dynamiques où s'engouffre le vent de la Grande Arche,
et un montage de jeune motivé à la limite de l'expatriation en
Grande-Bretagne.
Mais apparemment, chez DailyMotion, les gens ont trouvé très "second
degré" (degré 2.0), et Le garçon a dû sentir le buzz lui échapper
complètement, d'où désintégration de son site web
(http://www.vaidis.com ), destruction de la vidéo chez DailyMotion, et
location d'une cabane dans le désert de Gobi.
Mais - c'est drôle et effrayant - la voilà qui ressurgit chez YouTube :
http://www.youtube.com/watch?v=PRk3fOzEnvQ
Diverses hypothèses passionnantes ont émergé : certains crient à un
gros canular, un coup de pub malin, mais vu l'effort désespéré pour
effacer toute trace de son existence, à l'époque où les gens
vendraient un rein pour une miette d'audience,je pencherais plutôt
vers l'authenticité.
Voir l'article complet de Youpeka :
http://youpeka.free.fr/index.php/le-nain-tairnaite/le-cv-video-gag-de-mathieu-vaidis-parodie-146
Van Halen se reforme
http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-32039192@7-37,0.html?xtor=RSS-3208
Le pov Eddie', il a du marcher sur une mine, ça doit lui remonter le
moral de se reformer. Il ne manque plus que la reformation d'Eric
Clapton ou de Mickael Jackson, et tout ira bien.
Allez, c'était un petit post aux petits yeux du matin... Après un café
tout ira bien, j'envisagerai ma reformation...
vendredi 10 août 2007
Critique : Le premier cri
Bon, je m'étais dit quand j'ai commencé ce blog : "Ouaw, j'ai des super idées web 1.0, je vais faire des critiques de film que je n'ai pas vus, juste d'après l'affiche. Oh mais quelle contrainte amusante, on va s'amuser.", avant d'abandonner peu après cette série saugrenue, me disant que la vie est trop courte pour me commettre dans ce genre de billet*.
Malheureusement, ce matin, dans le métro, j'ai vu une affiche et j'ai replongé...
Le Premier cri
Réalisateur : Gilles de Maistres
Sortie : 31 Octobre 2007
Tags : enceinte (voir sur allociné).
Vu : non.
Slogan : "Notre histoire à tous".
Slogan alternatif :
- "On nait qu'une maman".
- "On n'est pas des pingouins".
- "On n'est pas des bousiers".
Le premier cri se situe dans la collection "Planète", dans la lignée "Documentaire en famille". Après "Microcosmos", le "Peuple Migrateur", la "Marche de l'empereur", on voit retracée ici la plus belle des aventures, celle de la vie. Gilles de Maistres a suivi pendant trois ans une dizaine de femmes enceintes sur le point d'accoucher, dans leur intimité, en avion ou en train de faire le ménage. Sur une musique relaxante signée Eric Serra et Vangelis, on assiste ébahi au spectacle mystérieux et merveilleux de la venue au monde, avec des images au ralentis, et des gros ventres filmés à contrejour. Des scènes incroyables et peu montrées ont été fixées sur la pellicule : celle de la femme enceinte prise dans une marrée noire, celle qui dévore son partenaire après l'acte ou une autre qui pousse une énorme boule d'excrément dans la forêt.
Le film est divisé en plusieurs parties, retraçant en détail chaque étape qui nous conduit au monde. La première partie, la conception, dure trois-quarts d'heure ; on découvre sans détour le difficile processus de la fécondation, ou comment on peut se fourvoyer avec des techniques qui ne marchent pas, comme en témoignent les nombreux protagonistes, avant de trouver celles qui fonctionnent. Le doute des parents est palpable. Jennifer : "Mais qui sera le père parmi tous ces gens ?", ou bien : "Rico, mais quel gaspillage !"
La deuxième partie, plus technique, moins divertissante mais tout aussi merveilleuse, est consacrée à l'évolution de l'enfant dans le ventre de la mère. Celle-ci est équipée de 25 caméras à infrarouge, fabriquées par des américains de la NASA, dont une munie d'un objectif d'un mètre capable de prendre 5000 images à la seconde. Cette technologie de pointe, habituellement utilisée dans la construction des ponts, permet d'obtenir des ralentis époustouflants du foetus en train de dormir. Vu la lourdeur de l'équipement, certaines scènes ont été reconstituées en studio, comme celle des cabinets où la future maman se rend toutes les vingt minutes.
C'est dans la dernière partie du film, la plus poignante, qu'on assiste à la naissance de l'enfant, par césarienne hélas, mais ce sont des choses qui arrivent, et on ne rend jamais assez hommage aux obstétriciens qui font un travail formidable, à l'hôpital qui est - comme Nicolas Sarkozy le dit si bien - le lieu de tous les malheurs, mais de tous les bonheurs aussi. Les cinéphiles apprécieront la scène de l'attente à la maternité : l'oeil exercé du critique reconnaitra à la vue de ces nombreuses femmes enceintes qui se déplacent en canard dans la minuscule salle d'attente blanche une habile citation de la "Marche de l'empereur".
A noter qu'une suite est prévue dans la même série, "le Dernier Cri", consacrée aux personnes âgées, tout aussi émouvante, on l'espère.
* je dois quand même dire que ma critique de "Shooter" a attiré sur ce blog deux ou trois égarés qui voulaient en savoir plus sur ce film. Ils n'ont pas dû être déçus !
[Notes de lecture] Meurtre et Méditation - Nick Wilgus
bouddhiste. Noï, un adolescent indigent, est retrouvé mort,
sauvagement mutilé, dans la salle des ablutions. Le flic de service,
avouant que le meurtre d'un jeune des rues sera sans doute classé -
faute de moyens - préfère confier l'enquête au père Ananda,
ex-policier. Résistant à la tentation de la colère, et faisant
ressurgir, comme on dit si bien dans les blogs, "les fantômes de son
passé", il va faire de son mieux pour retrouver le meurtrier, et tout
ça, en tunique orange et en tongue.
L'enquête, ainsi que le style, sont simples, sympathiques, l'intérêt
se situant plutôt dans l'univers original d'un temple thailandais que
l'on survole. Entre deux pistes, quelques préceptes de sagesse pour
atteindre le Nirvana. Une sorte de "nom de la rose" chez les
bouddhistes, mais en très light. A méditer ! *
* arf mais quel boute-en-train ! Nullo, va.
Pizza Boy, le winner du poker
j'échange avec mes amis, pour faire des "private jokes"... Dire que
j'ai failli envoyer ça à la régie qui gère l'appartement dont je suis
locataire... la honte chaque mois, c'était moins une... "Ah tiens, le
loyer de Pizza Boy"...
Pizza boy est un personnage inventé par hasard, une soirée de
célibataire, tandis que nous jouions au poker-monopoly, avec mes amis
M. Romano et Tobaggo. Pizza boy c'est le jeune homme qui mange
des pizzas senior pour lui tout seul mais qui n'arrive pas à les
finir, c'est le Rastignac de Rungis qui veut manger Paris quand il
descend du R.E.R., qui porte des lunettes papillon à la Paris Hilton
en jouant au poker. C'est surtout celui qui se fait torcher en trois
tours, et qui se couche alors qu'il a une suite dans son jeu... Enfin bon, fous rires entre amis, tout ça.
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Pizza Boy
Poker expert
3900 Las Vegas Blvd. South
Las Vegas, NV 89119
(888) 777-0188
jeudi 9 août 2007
Paroles de star (2) : j'ai gardé mon âme d'enfant
L'âme d'enfant a deux effets dans la carcasse d'une personne : elle lui permet d'avoir un regard neuf sur l'univers et d'être pénible pour son entourage. Par exemple, Delphine, Comédienne débutante, se met un crayon dans les cheveux pour faire un chignon, tandis que Thierry, metteur en scène débutant, s’habille en bleu de travail. Ils ont un regard neuf sur ce qui les entourre.
L'artiste peut être épuisant : madame Picasso a livré un témoignage bouleversant à ce sujet : "Tous les matins, dès qu'il se levait il se cachait derrière la porte, ou sous une couverture, et dépassait la tête d'un coup en s'exclamant : "Coucou !". Il fallait répéter cela cinq, dix, trente fois. Je devais faire semblant de le chercher dans toute la maison en criant : "Mais il s'est caché où Pablito ? " Il se montrait alors et lançait encore : "Coucou ! ". Il fallait recommencer. C'était épuisant."
Autre réussite en la matière : le cuisinier Paul Ducasse qui a lui aussi gardé son âme enfant : "je n'aime que les petits pots. Dès que je tombe sur un morceau, je le recrache, beurk, caca." Son restaurant à Tokyo "the Small Jar" est une réussite typique du genre, les cabinets d'experts comptables réservent des tables jusqu'à six mois à l'avance.
Ah ! L’enfance ! Le paradis perdu ! Je me souviens de ce regard candide que je portais sur le monde. Je me souviens de la spontanéité joviale qui me poussait, lorsque je vivais à la campagne, à mettre des pétards sous les escargots, ou bien dans les fourmilières. La destruction comique de tous ces êtres, se répandant dans l'espace comme de la confiture vivante ! J’aimais bien aussi placer les fourmis dans un congélateur pour voir. Je les retrouvais recroquevillées, peu de temps après, et tel un artiste j’étais parcouru de sensations nouvelles, et de questions naïves : y-a-t-il un paradis pour les fourmis ? Que font les âmes des bébés au paradis, eux qui ne connaissent pas de langage, pendant toute l'éternité ? A partir de quel moment l’homme des cavernes a-t-il eu une âme, dans son long voyage du batracien jusqu’à moi ?
Cette enfance bénie que nous perdons vite, époque sympathique où l'on se prend des taloches, où l'on nous couche quand on a pas sommeil, où l'on s'amuse à se pendre entre copains pour voir les étoiles et où la bière est formellement prohibée, époque où, en cours de sport collectif, lors de la constitution des équipes, on est jamais choisi par les capitaines et l’on fini dans les remplaçants comme un frigo sur un trottoir !
L'âme d'adulte, en comparaison, est triste, terne, fade, trouée comme une chaussette. Un paradis rempli d'âmes d'adultes est d'ailleurs semblable à un service comptabilité d'une grande entreprise : les gens sont habillés en gris, ils impriment des factures et les rangent dans des dossiers en carton, portent les dossiers aux archives, modifient des tableurs, s'échangent des agrafeuses et sont contents quand le café est prêt.
Attention, il ne faut pas confondre l'âme d'enfant et l'âme de bébé. L'artiste doit savoir arrêter les réincarnations de son vivant au bon moment. Trop tôt, trop vert, il gardera une âme de nourrisson, ce qui est adorable chez ces petits êtres joufflus sans défense, mais dramatique pour les personnes responsables civilement. L'artiste Jordi livre à ce sujet un témoignage bouleversant : "J'ai gardé mon âme de bébé. Je suis incapable de lire ou d'écrire, j'ai tout le temps mal aux dents, je rampe pour me déplacer, je ne vois pas au delà de deux mètres et je ne peux entretenir de relation durable car je ne suis pas propre. Dur dur." ...
Au contraire, si l'on s'y prend trop tard, on rate le coche, et on se retrouve avec une âme de vieux, voire une âme de mort. Comme le disait Pierre Desproges, après l'âge mur, il y a l'âge pourri. Je me rappelle ce témoignage bouleversant de Robert, qui n'est pas un artiste et que je peux donc tutoyer : "Je me coltine une âme de vieux. Je suis incapable de lire ou d'écrire, j'ai tout le temps mal aux dents, je rampe pour me déplacer, je ne vois pas au delà de deux mètres et je ne peux entretenir de relation durable car je ne suis pas propre. Dur dur."
lundi 6 août 2007
La mer de sable
Une grande campagne de pub sévit en moment dans le métro parisien, avec le nom du site bien en évidence : http://www.merdesable.fr/ La première fois que je la rencontre, tout de suite me vient cette réflexion que je vous livre crûment : "J'ai l'esprit mal placé où ça fait vraiment 'la merde sable' ?" Le soir, je rentre, ma compagne réprime un sourire et me dit : "tu as vu la pub pour la Mer de Sable ? " Éclats de rire et LOL entre humains.
Ceci me rappelle une anecdote que m'a racontée ma mère : à la création de la Communauté Urbaine de Lyon, il a fallu attendre que tous les documents soient imprimés pour se rendre compte que le sigle de l'organisme était " C.U.L.", et qu'il valait peut-être mieux lui préférer le plus séant "CO.UR.LY". Moi, ça me passionne ces histoires : j'imagine l'imprimeur, le stagiaire en communication, la secrétaire, le sous-cadre, le N - 1 , tous ces gens impliqués dans le projet, qui pour une raison ou une autre font semblant de regarder ailleurs. Parfois "ça" se met à ressembler à une machine sans pilote, une mécanique douée de sa vie propre, quand le protocole, l'organigramme, la méthodologie s'attaquent à nos humains projet.
En tout cas, à l'heure où il nous faut trouver des jurons de substitution pour éviter que notre kéké parle comme un charretier, l'évocation de cette sympathique base de loisir est tout à fait bienvenue, et nous ne nous en lassons pas.
Le petit billet à monter soit-même
pour monter un lavabo IKEA. Je fredonnais dans la nuit la célèbre
musique de Vangelis, du film "Christophe Collomb". Je n'ai pas vu le
film, mais j'imagine que c'est le genre de musique qui passe quand on
découvre un continent, qu'on élève une statut de l'île de Pâque, qu'on
marche sur la lune ou que l'on monte un meuble IKEA : on marche au
ralentit, rythmé par l'hymne pompeux de l'exploit humain.
Je ne suis pas un bricoleur, alors les murs, les planches, les vis,
les outils, tout ça c'est un peu comme la forêt obscure pour les
petits enfants : ça fait peur. Qu'il y a-t-il derrière les murs, au
juste ? Si je perce à cet endroit, ne vais-je pas atteindre le conduit
d'eau directement relié à la Seine, faire jaillir tout le fleuve dans
mon appartement, faire exploser l'immeuble, et ainsi dire adieu à ma
caution ? La prise de terre est directement reliée à la terre, cela
signifie-t-il qu'il peut en surgir de la lave en fusion ou bien une
taupe ?
Tétanisé par ces réflexions, je regarde la paroi, et je tente de
percer son mystère, la perceuse à la main. Il y a trois jours,
j'installe un lustre au plafond de la cuisine. Un fil électrique en
sort, c'est normal. Mais ce fil, il doit bien se faufiler quelque part
sous le plafond pour longer le mur ? Où percer pour ne pas le
rencontrer, et ne pas clignoter dans l'air avec mon squelette qui
brille, comme dans les dessins animés ?
Si je perce trop long, vais-je traverser le mur et me retrouver nez à
nez avec le voisin ? Si le meuble est trop lourd, la paroi en plâtre
va-t-elle s'effondrer sur moi et mettre à jour le cadavre emmuré d'un
mafieux disparu depuis les années 80 ?
Après "le train sifflera trois", c'est "le meuble IKEA tu monteras
trois fois". Une heure du matin : je contemple mon oeuvre : l'évier
massif et blanc s'élève jusqu'à ma ceinture comme un totem nain. Le
robinet est monté, les tuyaux, le conduit, c'est tellement beau, j'ai
envie de me lover dans l'évier et de faire un câlin à la fonte.
Le matin je me lève, je conçois que je dois tout démonter car l'évier
dépasse trop en direction du mur, et qu'on ne peut plus accrocher le
meuble. Il pleut. Ma carte orange est démagnétisée. Projets : inventer
le web 3.0, le revendre, acheter des meubles montés.
jeudi 2 août 2007
Le billet décousu : épisode 2 : Moanin'
Ah le Djazz ! La musique de Djaaazz !! Étrange genre, fidèle bande sonore qui prend le sens que vous voulez bien lui donner. Musique d'ascenseur ou de tapisserie parfois, que l'on boit comme de la soupe, avec laquelle on occupe l'espace comme un meuble, musique de concert par ailleurs, peuplée de brodeurs virtuoses et de jongleurs énervés, qui vous transporte, musique de sage, de sauvage, d'intellectuel, de quadragénaire cool avec chemise à fleur ou de danseur en colère. Mais jouer du Djjazz ! Dans un big band de djaazz !
Ce morceau, Moanin', de Charlie Mingus :
Je suis à la basse, parmi une troupe bien fournie de cuivres au grand complet : trombones, saxophones, trompettes. Le métal est rutilant, nous sommes tous en position, comme une batterie d'artillerie pour chasser des canards en plastique. Au milieu, on se sent au chaud, peuplé, fortiche ; contrairement au métropolitain, chacun a sa place assise et son pupitre pour lire les mains libres. Nous sommes souvent presqu'aussi nombreux que le public, et nous pouvons l'intimider avec beaucoup de son. Il ne nous fait pas peur, et nous n'avons peur de personne, comme sur un tandem pétaradant et interminable qui dévale une route dans une douce campagne. A la basse, je suis au fond, ma tête se perd parmi les autres, comme sur une photo de classe.
Le morceau démarre, le saxophone baryton râle le thème avec sa voix aigre de pingouin asthmatique ; à la façon du boléro, les instruments arrivent un par par un, les trombones vont se rouler dans la claire fontaine des trompettes comme de suaves hippopotames tandis que, agiles, rapides et furtifs les saxophones zélés soulèvent la poussière de leur galop aigu.
Les improvisations naissent ; comme un cargo en forme de toupie, l'orchestre est lâché dans la nature. Il tangue, il tremble, le public implore notre pitié, il va y en avoir de partout. Le soliste se transforme en plusieurs solistes, nous inventons des planètes furieusement, tapons sur les atomes, maltraitons les éléments. Frénétiquement, laborieusement le savant boucan est entretenu comme une cheminée battue par des ventilateurs, l'ondulation du verre liquide est maintenu par des souffleurs rouges. Beaucoup ont passé du temps à faire des gammes, studieux, sérieux, appliqués, s'ennuyant avec des exercices ingrats, mais maintenant, on se lâche, il n'y a plus de fausses notes, on respire, on s'exprime, on se tord et on se vide comme des citrons pressés.
Et voilà la musique qui se pose, on réanime le saxophone baryton qui a respiré son quota d'atmosphère pour le mois. Le public applaudit, les enfants sont contents, c'est comme taper sur des casseroles. Je vois la nuit tombée de son arbre, souvenir d'apéritif.
Je sifflote quelques années plus tard ce morceau au refrain délirant, infredonable, dans le quasi-silence ponctué par mon rouleau de peinture.
Le billet décousu : épisode 1, le bleu
Lorsque je repeignais mes plafonds pendant mes travaux, en juillet, je prenais un accent italien et je discourais, seul, perché sur l'escabeau : "Yé souis Michel-Ange, yé repeins la chapelle Sixtine de chez moi avec oune nouveau concept dé l'art abstrait. C'est lé blanc. Lé blanc total. Oune blanc immacoulé, toute oune fresque de blanc comme oune nouage. Toute la voute dé la chapelle, etc. ". Il faut dire que je suis un sacré boute-en-train.
Plus tard, je prenais l'accent français, en fait l'accent normal, comme tout le monde, pour me prendre pour Yves Klein : "Je repend ma Chapelle Sixtine avec un nouveau concept : le monochrome de blanc." C'est nettement moins marrant sans accent. D'ailleurs ce n'est peut-être pas drôle du tout, mais j'aimerais vous y voir, sur l'escabeau.
Ce qui m'a amené à me souvenir d'un vrai monochrome d'Yves Klein que j'avais vu je ne sais plus où, sans doute à Londres. Les musées y étant gratuit, en décembre 2004 nous avions usé nos chaussures et nos yeux sur des oeuvres d'art, jusqu'à devenir presqu'aussi expert que le conservateur du musée. Nous sommes alors arrivé dans cette pièce toute blanche où était accroché un de ces fameux monochrome. Je ne suis pas un héros, et je suis né tout nu, sans connaître le moindre morceau de Led Zeppelin, sans savoir poncer des murs vigoureusement, et comme beaucoup, j'avais un certain regard sarcastique sur ces peintures. "Ah oui, c'est facile, tout le monde peut le faire, hin hin hin. Même mon frère de 4 ans est capable de ça, hin hin hin." Je considérais au fond, sans l'avouer, ce genre d'oeuvre comme un concept désincarné, qu'on ne peut avoir qu'une seule fois, avec audace et culot, et qui a plus d'intérêt sur le papier ou dans la bouche d'un critique d'art que sur la toile, face à des gens.
Et pourtant, lorsque je suis tombé dessus ce bleu, nez à nez, face à face, contre toute attente, malgré mon ignorance et mes préjugés, j'ai été soudainement ému, touché, moi le barbare dont l'idéal culinaire est la pizza 4 fromages. Une couleur unique, profonde, sans fond, qui rayonne dans la pièce, qui aspire le regard. Le bleu semblait vibrer, rayonner, phénomène qu'on ne trouve plus dans la reproduction. La toile était lisse, pleine sans limite. Comme me le disait la voix du guide électronique, une couleur unique au monde, inventée, déposé par son auteur. Là aussi j'ai ému par l'histoire de ce peintre qui voulait inventer du bleu.
J'ai lâché cette phrase banale mais sincère : "je ne savais pas que c'était si beau en vrai ! ". Tout de suite, je me suis senti très intelligent, très cultivé, très raffiné, très heureux de vivre et de marcher dans un musée peu après Noël, au lieu de nettoyer des excréments dans des toilettes d'autoroutes, par exemple.
C'était agréable, cette douce violence, lorsque tel un oignon on se sent enlevé d'une pellicule d'imbécillité.
De retour à la maison, j'ai inauguré ma nouvelle personne en dégustant une pizza 4 fromages, demandant, évidemment - et quel boute-en-train que je suis ! - beaucoup de bleu.
mercredi 1 août 2007
De retour !
Il faudra que je continue ma série des Ponce Pilate, car jamais je n'ai autant poncé de ma vie. Nous avons même loué deux machines monstrueuses pour le parquet, je compte d'ailleurs fonder la revue "Ponçage Magazine, le journal fait par des ponceurs pour les ponceurs" ; "Sélection de papiers de verre pour l'été : le dernier P100, un grain ultra-fin pour une finition parfaite", "Fabriquer vous même votre papier à poncer à la plage", etc. Je pense également fonder une mode : après le piercing, le branding, voici le poncing. Il s'agit de se poncer une partie du corps, comme les oreilles ou les doigts. Comme nom de boutique, je pensais à "Au lézard poncé", enfin, je vous tiendrais au courant.
Parmi tous les nouveaux mots que Kéké a appris, il y a "gros". Prononciation : "Grrroooos !", il utilise pour tout ce qui est gros, plus gros que lui. Exemple : une pile de carton de plusieurs fois sa taille : "Grooos !" un gros camion : "Groooos ! " Un très gros camion avec plein de pneus, des tuyaux et du bruit : "ohh ! groooos (yeux exorbités) " ! Comme kéké a vingt mois, et qu'il est tout petit, il emploie très fréquemment ce terme, tournant sur lui même, montrant du doigt tout ce qui l'entoure.
En mon absence, j'ai reçu plus d'email que si j'avais mille ans. J'ai l'impression d'avoir beaucoup d'amis, mais en fait j'ai beaucoup de newsletters.
Ironie : je connais le plus grand nombre de visites lors de ma plus grande inactivité sur ce blog, grâce à un lien sur le site http://intraordinaire.com ... Merci Michel Valdrighi pour cette citation, avoir quelques lecteurs est bien agréable, même si les premiers temps, à chaque commentaire, ou à chaque remarque d'un ami, intimidé, je n'ose plus rien poster !
La lanterne magique
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